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Les clés de réussite d’une croissance externe

Stratégie. Pascal Ferron, vice-président de Walter France, et Mathieu Sautrau, conseiller reprise transmission à la CCI de Paris Ile-de-France, divulguent les bonnes pratiques pour réussir sa croissance externe. Ils intervenaient en binôme lors des Universités d’été de la profession comptable en cette rentrée de septembre.

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Lors des mois qui viennent de s’écouler, le marché de la reprise a été porté par des entreprises cherchant à se réinventer. Le nombre des repreneurs, dans l’absolu, notamment de primo-repreneurs, était en baisse ; En revanche de nombreuses entreprises ont su être opportunistes et ont profité de la situation pour améliorer leur positionnement stratégique. Mais pour réussir sa croissance externe, il s’agit de connaître la réalité du marché, d’oeuvrer avec méthode et d’éviter certains pièges.

La réalité du marché

Si l’on prend en compte le fait que 97 % des entreprises ont moins de 10 salariés, qu’un certain nombre de tout petites entreprises sont invendables car elles reposent uniquement sur le dirigeant, que les transmissions intrafamiliales représentent une part significative des opérations et que seulement un tiers des 55/59 ans anticipent leur transmission, ce ne sont que quelques milliers d’opérations de cession qui ont lieu chaque année en France.

Dirigeants proches de la retraite

On pourrait penser que les dirigeants proches de la retraite sont les plus susceptibles de vendre. Pas obligatoirement. Les chefs d’entreprise entre 40 et 50 ans sont souvent plus distants par rapport à leur entreprise, et peuvent avoir envie de réaliser une opération patrimoniale, ou de faire passer un cap à leur « boîte », ou encore de partir sur un autre projet. Plutôt que de se focaliser sur l’âge, les dirigeants des entreprises repreneuses ont tout intérêt à prendre en compte la taille de l’entreprise.

Définir une stratégie cohérente

La plupart des PME n’ont pas vraiment de stratégie. Elles évoluent par opportunisme au gré des événements. Or, lorsqu’on envisage de reprendre une entreprise, avant toute chose, il est impératif de commencer par réfléchir à ses propres objectifs – quels marchés, quels produits/services, quels clients, quelles compétences, quelle évolution. Il convient ensuite de déterminer ce qui peut être fait par croissance organique, et ce qu’il est préférable d’entreprendre par croissance externe, pour aller plus vite. Cela peut être de racheter un concurrent, un fournisseur ou un distributeur, ou encore d’acquérir un nouveau savoir-faire.

C’est uniquement à ces conditions que le repreneur en puissance pourra apprécier si une bonne affaire qui se présente est réellement une bonne opportunité pour lui. Parmi les mauvaises raisons, citons le fait de grossir pour grossir pour flatter son ego ! Ou encore pour « atteindre une taille critique », notion qui, selon Pascal Ferron, ne veut rien dire, surtout au niveau des TPE/PME. « En revanche, le repreneur devra se poser la question du sens de l’acquisition : en quoi l’acquisition envisagée contribue-t-elle favorablement à ma stratégie préalablement définie ? »

Revoir son organisation

Avant tout, le patron repreneur doit être absolument convaincu du bien-fondé de sa démarche de reprise d’entreprise. À cette condition seulement, il trouvera l’énergie nécessaire en lui pour chercher une entreprise à reprendre, convaincre les intermédiaires, les banquiers, les cédants, et savoir rebondir en cas d’arrêt des négociations. Il devra également mettre en place une nouvelle organisation, dégager du temps et des moyens financiers, car monter une opération de croissance externe mobilise énormément de ressources, de temps et d’énergie.

Le repreneur doit accorder du temps aux re cherches, aux entretiens avec les cédants, à l’étude des dossiers, puis, une fois la reprise effective, à l’intégration des équipes reprises. Pour Mathieu Sautrau : « Il n’y a pas de corrélation entre la taille de l’entreprise à reprendre et le temps à y passer. Un dossier à un million d’euros peut mobiliser un temps fou, alors qu’à l’inverse de très gros dossiers peuvent se faire rapidement. » Le repreneur devra également identifier les ressources qui peuvent soutenir la démarche en interne, ou chercher des renforts à l’extérieur, pour sourcer les dossiers et les étudier notamment.

Sourcer les entreprises

Rechercher soi-même une entreprise à reprendre quand on est déjà patron est chronophage. Confier la recherche à un organisme extérieur (CCI, Bpifrance, cessionpme.com…) permet de gagner du temps en sélectionnant les entreprises correspondant à sa stratégie et en écartant les vendeurs qui ne sont pas vraiment vendeurs ! Sur le marché affiché de la reprise d’entreprise, la concurrence est rude : pour une entreprise à reprendre, ce sont 15 à 20 postulants qui sont en lice. D’où l’intérêt du marché caché.

Comme le fait remarquer Pascal Ferron : « Il faut faire savoir que l’on est acheteur, ne pas hésiter à prendre contact en direct avec les entreprises que l’on a repérées, discuter, discuter, discuter, et vous vous apercevrez qu’un dirigeant « non vendeur », finalement, pourrait le devenir ! À vous de le con - vaincre. » Dans ce cas, le nombre de concurrents peut baisser drastiquement. Une démarche de reprise d’entreprise pouvant durer de 12 à 18 mois, voire plus, il est recommandé d’avoir plusieurs dossiers à l’étude, et être prêt, aussi, à dire non, et ne pas le regretter.

Réaliser soi-même le prédiagnostic

Une acquisition se signe rarement sur un premier dossier. Le repreneur potentiel doit faire une première étude rapide des comptes annuels, mais surtout prendre le temps de rendre visite aux cédants, et de discuter longuement, à plusieurs reprises, avec eux, de poser beaucoup de questions, ce qui lui permettra d’identifier par exemple qui porte le savoir-faire de l’entreprise, la réalité du portefeuille clients (savoir détecter les signaux faibles : le cédant est-il à l’aise quand il parle de ses clients ?), de la trésorerie, etc.

En effet, il faut prendre en compte le fait qu’un cédant va toujours annoncer en premier les bonnes nouvelles à son candidat repreneur : un bon chiffre d’affaires, une belle marge, etc. Ce n’est qu’au cours des discussions que celui-ci découvrira les mauvaises nouvelles, telle une marge certes, mais en baisse régulière, ou des machines mal entretenues, ou du personnel clé partant bientôt à la retraite… Il ne faut ni se braquer, ni s’aveugler.

Contractualiser une fois que le prédiagnostic est bien avancé

Il est conseillé de ne pas faire intervenir les conseils – experts comptables, avocats – tant que le dossier n’est pas bien avancé. De plus, sur le marché caché, l’acquéreur a un vrai rôle pédagogique vis-à-vis du cédant. La contractualisation commence par la lettre d’intention. Celle-ci formalise, entre autres, le périmètre de l’opération, le calendrier et le prix, avec le plus souvent un délai d’exclusivité.

Pour Pascal Ferron : « Il est conseillé de rédiger cette lettre vous-même, avec vos mots à vous, qui reprendront vos échanges avec le cédant, sans langage trop juridique. Elle doit refléter la relation que vous avez nouée avec le cédant. Après cela, vous la soumettez à votre avocat. » Une fois cette LOI (letter of interest) signée, le candidat repreneur a fait 80 % du parcours. Les experts accomplissent leurs due-diligences, préparent le protocole intégrant les garanties d’actif et de passif. Il est essentiel de faire intervenir des conseils extérieurs, car si le repreneur est tombé amoureux du dossier, il n’aura plus aucun recul ni aucun sens critique !

Prendre en considération le temps d’intégration des équipes

La réussite d’une reprise d’entreprise est effective lorsque les équipes de la cible sont bien intégrées. Pour Mathieu Sautrau : « Ce facteur humain est essentiel. Or, on sous-estime toujours la culture de l’entreprise cible, surtout quand elle est petite, et en conséquence le temps nécessaire pour intégrer cette culture. » C’est à l’acheteur de faire l’effort. Pascal Ferron résume les clés de réussite : « Rester maître du temps, avoir plusieurs dossiers en parallèle, ce qui donne aussi des arguments pour les négociations, savoir s’entourer, savoir écarter certains dossiers, réajuster en cours de route, prendre le temps de discuter avec les cédants, et surtout être agile pour pouvoir rebondir en cas d’échec. »