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Mieux vaut prévenir que guérir : les procédures amiables

Justice. Il n’est jamais trop tôt pour un chef d’entreprise de s’interroger sur la situation de son entreprise. Plus il anticipe, plus les remèdes sont aisés à mettre en place et surtout plus ils sont protecteurs de la valeur et du crédit de son entreprise.

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Mieux vaut prévenir que guérir : les procédures amiables
(Crédit : JDP)

Il n’est jamais trop tôt pour un chef d’entreprise de s’interroger sur la situation de son entreprise, sur les fragilités qu’il peut déceler, leurs conséquences à court ou moyen terme et surtout sur les solutions qui s’offrent à lui, sachant que, plus il anticipe, plus les remèdes sont aisés à mettre en place et surtout plus ils sont protecteurs de la valeur et du crédit de son entreprise. Le législateur a ainsi institué deux procédures dites amiables ou préventives, que sont le mandat ad hoc et la conciliation, qui obéissent à la même philosophie : permettre au chef d’entreprise, dans un cadre confidentiel et strictement volontaire, de se faire assister d’un professionnel, auxiliaire de justice qu’il aura choisi en amont, pour l’aider principalement à négocier avec ses créanciers, avec pour objectif la préservation et la pérennité de l’entreprise.

LA CONFIDENTIALITÉ POUR PROTÉGER LE CHEF D’ENTREPRISE

Ces procédures sont confidentielles puisqu’elles ne font l’objet d’aucune publicité. Les seules personnes informées sont celles que le chef d’entreprise aura identifiées (créanciers et expert-comptable notamment) et elles seront ellesmêmes tenues à la confidentialité. Cette caractéristique permet de protéger le crédit de l’entreprise puisque ni les clients ni les fournisseurs (sauf ceux qui pourraient être appelés à la procédure) ne sont informés de la procédure ; l’activité et la valeur de l’entité économique sont donc sauvegardées.

Ces procédures sont également dites volontaires, aussi bien au stade de leur ouverture (seul le chef d’entreprise peut en faire la demande) que dans leur déroulement (les créanciers sont libres d’accepter ou non les propositions qui leur sont soumises). L’ouverture du mandat ad hoc et de la conciliation ne produit donc pas d’effets « automatiques » à l’égard des créanciers, ce qui les distingue des procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire). L’une des différences majeures entre ces deux procédures amiables tient à la durée : illimitée pour le mandat ad hoc et limitée à quatre mois avec une possibilité de prolongation d’un mois pour la conciliation.

LE TRIBUNAL DE COMMERCE À DISPOSITION DES ENTREPRISES

Le mandat ad hoc et la conciliation s’ouvrent tous les deux par voie de requête adressée par le chef d’entreprise au président du Tribunal de Commerce (pour une activité commerciale ou artisanale) ou du Tribunal Judiciaire (pour une activité libérale, associative ou encore agricole). Cette démarche donnera lieu à un entretien avec le Président de la Juridiction destiné à vérifier que la demande est cohérente avec la situation de l’entreprise. S’agissant des conditions d’ouverture, aucune n’est posée pour le mandat ad hoc. La procédure de conciliation s’adresse quant à elle aux entreprises confrontées à « une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et qui ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours ».

Derrière cette notion de cessation des paiements, il faut comprendre la « rupture de cash » qui implique l’existence de dettes exigibles / dues (salaires, cotisations sociales, fournisseurs) que l’entreprise ne peut régler avec sa trésorerie. Ces procédures ont pour finalité d’élaborer et de façonner au cas par cas, au moyen de prévisions, un ré-aménagement des dettes notamment bancaires qui pourra consister dans des périodes de gel, un allongement des prêts et plus exceptionnellement des remises. Pour les autres créanciers, il s’agira le plus souvent de délais de paiement négociés. L’intervention d’un professionnel extérieur à l’entreprise offre des garanties à l’ensemble des parties et crée un climat favorable aux négociations puisque la solution soutenue par celui-ci reposera sur son analyse de la situation, des données comptables et des capacités de l’entreprise.

TROUVER DES SOLUTIONS AUX DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

Ces procédures sont tout particulièrement adaptées aux entreprises dont les difficultés sont de nature financière (poids de la dette excessif par rapport aux capacités de l’entreprise). Elles trouveront probablement un souffle nouveau dans le contexte actuel post-Covid avec mise en place de moratoires sur les arriérés sociaux et fiscaux (nécessaires à l’obtention d’attestations de régularité notamment pour l’accès à certains marchés) et pour le ré-aménagement des Prêts garantis par l’État (PGE). Il est important de souligner que les modalités de restructuration validées des PGE prévoient que la conciliation peut être le siège d’une restructuration d’une durée supérieure à six ans avec maintien des garanties, à l’instar d’une procédure collective.

Le mandat ad hoc et la conciliation pourront également être utilisés pour geler l’endettement dans l’attente de concrétiser une levée de fonds ou un nouveau concours, sachant que, si ce dernier intervient en phase de conciliation, le créancier bénéficiera d’un privilège fort dans l’éventualité d’une défaillance future (« privilège de new money »). Enfin, ces procédures peuvent être mises à profit pour favoriser et organiser, de manière confidentielle, la cession de l’entreprise souhaitée par son dirigeant.