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Rentrée judiciaire : vers un retour à la normale

Justice. Faute de pouvoir, encore cette année, tenir leur audience solennelle de rentrée, les présidents du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce, ainsi que celui du conseil de prud’hommes et le procureur de la République ont invité la presse à la Cité judiciaire de Dijon pour rendre compte de l’année écoulée et présenter les enjeux de l’année 2022.

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Pour la deuxième année consécutive, crise sanitaire oblige, les audiences solennelles de rentrée prévues par le code de l’organisation judiciaire n’ont pu se tenir. Pour parer à cela, les trois juridictions présentes à la Cité judiciaire de Dijon, à savoir le tribunal judiciaire, le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes, ainsi que le parquet, ont reçu lundi 17 janvier la presse pour rendre compte de l’activité écoulée et présenter les enjeux et les projets de l’année à venir, objectifs fixés par le code de l’organisation judiciaire.

« Le caractère atypique de la période n’échappe à personne sur le plan sanitaire, mais il y a aussi un autre aspect qui concerne plus le tribunal judiciaire, c’est le vif malaise qui a été exprimé par les magistrats et les greffiers au courant du mois de décembre au plan national mais qui concerne aussi nos sites dijonnais », constate Bruno Laplane, président du tribunal judiciaire. Pour l’occasion, le nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Dijon, Jean-Philippe Schmitt, était présent.

Une bonne année pour le conseil de prud’hommes

« Globalement, la situation est satisfaisante, le stock est maîtrisé et les décisions sont rendues dans des délais tout à fait raisonnables », observe Roland Picot, président du conseil de prud’hommes qui a cédé sa place au nouveau président élu lors de l’assemblée générale du 11 janvier, Brahim Bedreddine. En effet, sur l’année 2021 et malgré la crise sanitaire, « toutes les audiences ont pu être tenues dans toutes les sections », tient-il à souligner. En référé (procédure d’urgence), le nombre d’affaires en stock est passé en un an de 19 à 17, 127 saisines ont été enregistrées et 129 décisions ont été prises au cours de l’année.

« Toutes les modifications des règles qui étaient le coeur en matière de droit du travail n’ont pas conduit à une augmentation du nombre de contentieux. » En matière de procédures au fond - le principal de l’activité du conseil de prud’hommes - le nombre d’affaires en stock est passé de 1.075 à 944, soit une baisse de 12% sur un an : « C’est la première fois depuis 2018 que le nombre d’affaires en stock au 31 décembre passe sous la barre des 1.000 dossiers. » Le conseil a enregistré 761 saisines et rendu 892 décisions, dont 77 conciliations totales, 565 décisions au fond - « 33 ont été rendues par un juge départiteur » - et 250 décisions concernant le reste.

« Nos affaires terminées en 2021 l’ont été avec une moyenne de 16,2 mois, soit deux mois inférieur à la durée nationale, et le stock actuel a un âge moyen de 13,1 mois », complète Roland Picot. Côté projets, 2021 a été l’occasion de mettre en place un test sur la médiation avec le comité départemental dans trois sections au niveau de la conciliation. « En 2022, nous allons préparer le renouvellement général du conseil, nos mandats se terminant le 31 décembre. À cette occasion, les services du ministère de la Justice ont procédé à l’allocation différente des postes de conseils. » À ce titre, le conseil de prud’hommes de Dijon va s’accroître de 12 conseillers, passant de 106 à 118 à partir de 2023.

Bond des créations... Et des radiations d’entreprises

« Certes 2020 avait été plus modeste au niveau des créations, mais 2021 a connu, au niveau du registre du commerce et des sociétés, un gros dynamisme un peu dans tous les secteurs et pas uniquement des auto-entrepreneurs comme c’était le cas en début d’année, phénomène qui s’est rééquilibré en cours d’année avec une augmentation assez marquée des SAS et SARL. Paradoxalement, nous avons aussi observé un bond des radiations volontaires. Nous avons + 32% de créations d’entreprises mais aussi + 30 % de radiations d’entreprises, notamment des radiations volontaires », note Jérôme Prince, président du tribunal de commerce.

En Côte-d’Or, le tribunal de commerce de Dijon est passé de 345 nouveaux dossiers d’entreprises en difficulté à 239, constatant une baisse des ouvertures de procédures collectives (- 60% de sauvegarde et - 12% de redressement judiciaire). Les liquidations judiciaires sont, elles, en hausse et particulièrement les procédures simplifiées. Enfin, côté sanctions, elles sont aussi en très forte augmentation, le tribunal de commerce ayant mis l’accent sur le sujet au cours de l’année 2021. « Au contentieux, nous observons même une augmentation de 10% là où nous avions une baisse de 32 % en 2020 », complète-t-il, rappelant la reprise des contentieux des artisans au tribunal judiciaire depuis le 1er janvier.

Sur ce dernier point, le tribunal de commerce a développé la conciliation avec un taux de réussite de 60%. Le président du tribunal de commerce rappelle l’importance de la prévention avec des procédures totalement anonymes, des mandats ad hoc, des alertes président et même un nouvel outil dans la lutte contre le non dépôt des comptes, en lien avec le parquet. Alors que 2022 voit le retour de trois nouveaux juges complétant l’équipe, le tribunal de commerce se fixe trois objectifs : trouver les solutions rapides à ces dossiers de contentieux, développer la prévention et essayer de réduire les délais de jugement.

Le procureur veut "emmerder" les trafiquants

De son côté, le procureur de la République, Olivier Caracotch, a dressé un bilan de l’activité pénale du parquet : « Nous avons reçu, en 2021, 31.500 procédures, c’est un peu plus qu’en 2020 et un petit peu moins qu’en 2019 avec une baisse de 7%. Ce qui est important pour un magistrat du parquet c’est le nombre d’affaires poursuivable… En 2021, nous en avons reçu environ 9.000, dont un gros tiers (36%) se retrouve devant le tribunal où des poursuites pénales sont exercées, une moitié fait l’objet d’alternative aux poursuite et enfin 14% de classements sans suite pour inopportunité des poursuites. Dans les poursuites, le point très notable en 2021 me semble la hausse des présentations en justice. En 2021, il y a eu 188 comparutions immédiates, mais aussi 169 comparutions par procès-verbal. Autre record, le nombre de convocation par procès-verbal et un dernier record enfin, celui des comparutions en CRPC où on fait là aussi présenter la personne immédiatement à un juge pour homologuer une proposition de peine (le plaider coupable à la française). Enfin, 1.200 jugements en correctionnel ont été rendus en 2021. »

Un point d’attention particulier sera apporté en 2022 sur les délais entre la saisine du tribunal et la date d’audience, oscillant actuellement être six et 11 mois. Le procureur de la République a souhaité faire un focus sur les violences conjugales : « Nous avons reçu environ 1.000 dossiers. C’est le double de ce que nous avions reçu en 2018. Concernant les violences conjugales avec une ITT de plus de huit jours (les faits les plus graves), il n’y a pas d’augmentation voire même une baisse entre 2021 et 2020. Ce sont des faits auxquels on répondait déjà. Les faits graves avec une ITT de moins de huit jours, il y a une légère augmentation avec une réponse qui est un peu plus fréquente mais pas de manière extrêmement substantielle. En revanche, là où on voit une augmentation très substantielle, ce sont sur les violences sans ITT. Nous en avions 200 en 2019, on en a près de 600 en 2021 », mais aussi sur les stupéfiants.

« Nous avons une stratégie assumée et j’ose, parce que quelqu’un de bien plus important que moi l’a fait précédemment, affirmer vouloir “emmerder” les trafiquants à tous les stades avec l’amende forfaitaire délictuelle pour les usagers là où auparavant il n’y avait pas de réponse apportée. La poursuite pour les dealers, que ce soit les guetteurs, les revendeurs… Et sur les gros trafiquants, des enquêtes de fonds et qui porteront le plus possible sur les avoirs criminels pour les saisir et demander à la juridiction de les confisquer, ainsi que des enquêtes qui porteront sur le blanchiment. »

Le tribunal judiciaire manque de magistrats

Pour le tribunal judiciaire, 2021 a été une année de reprise d’activité normale, tant en termes de rythme que de volumétrie des audiences. « Le contentieux civil a vu sa progression de production passer de 873 décisions en 2019 à 895 décisions en 2021, observe Bruno Laplane. Le contentieux de la sécurité sociale a traité 1.052 dossiers en 2021 contre 1.006 en 2019 et la juridiction des référés a traité 739 dossier en 2021 contre 640 en 2019. Nous avons en revanche une baisse importante du nombre d’affaires jugées à la chambre de la famille entre 2019 et 2021 qui s’explique pour l’essentiel par la “déjudiciarisation” du divorce par consentement mutuel qui a connu pleinement ses effets au-delà de 2019. La problématique persistante en revanche est celle des délais et c’est particulièrement vrai pour la partie familiale. Plus d’une année d’attente pour un jugement demandé par des parents séparés, ce qui est absolument inacceptable. »

« S’agissant des contentieux de la protection, à Dijon, Beaune et Montbard, nous avons une chute très importante de l’activité civile comme au niveau national, tandis que les mesures de protection connaissent eux sur ces trois sites une stabilité presque parfaite. Enfin, concernant la production des juges des enfants en matière civile, c’est-à-dire les procédures d’assistance éducative, nous avons une baisse qui se manifeste et qui est très rassurante parce qu’elle signifie non pas que les problématiques familiales soient moins grave mais qu’il y a peut-être une meilleure articulation entre prévention au niveau du conseil départementale et saisine des juges des enfants via le parquet ».

Le président du tribunal judiciaire a toutefois souhaité attirer l’attention sur le manque de magistrats du siège : « Nous avons en principe 30 postes localisés. Sur ces 30 emplois, nous avons deux postes vacants, des temps partiels dont on pensait à hauteur de 2,4, ainsi qu’une personne en maladie de longue durée, ce qui fait qu’au total nous avons 24,60 ETP disponible, soit un déficit réel de 18% ».