Nommé par le Premier ministre Jean Castex à la tête de la commission pour la relance durable de la construction de logements, le maire de Dijon et président de Dijon métropole a remis, mercredi 22 septembre, la première partie de son rapport au Premier ministre, en présence d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, à Matignon.
Le Journal du Palais. Vous êtes depuis le 31 mai le président de la commission sur la relance durable de la construction de logements, vous avez remis mercredi soir votre premier rapport au Premier ministre et à la ministre déléguée en charge du logement, quels constats avez-vous réalisés ?
François Rebsamen. Mi-juillet et après de nombreuses auditions, nous avons validé, avec les 32 membres de la commission, un diagnostic partagé. Sans m’étendre davantage sur le sujet, nous avons été très fins dans l’analyse, puisque nous avons comparé les zones tendues et les zones détendues, le coût d’un nouvel habitant dans une ville, etc. Et finalement, le constat est assez simple : on ne construit plus assez de logements en France, qu’ils soient sociaux, intermédiaires ou neufs, pour répondre aux besoins de la population. C’est un sujet qui n’est pas encore perçu au niveau de notre pays ni par tout le monde, mais ça va devenir un grand problème.
Quand il y a une crise de l’offre, les prix ne tardent jamais à flamber. Les projections montrent en effet qu’il y aura une augmentation de la population à l’horizon 2040. Et s’il y a 10 millions de Français supplémentaires à loger, il faut pouvoir répondre en construisant entre 450.000 et 500.000 logements par an. Ce n’est pas la seule observation… Ne plus construire de logements a aussi un impact économique. Au premier trimestre, la construction était quasiment en panne et résultat : le PIB n’a pas progressé et le recul, aussi léger soit-il, du PIB est dû à l’absence de construction.
Nous avons aussi remarqué une chose, les maires de France ne sont plus incités à construire puisqu’ils n’ont plus aucun retour sur investissement à l’acte de construire. Il ne va plus y avoir du tout de taxe d’habitation et la taxe sur le foncier bâti fait l’objet d’énormément d’exonérations, notamment sur le logement social dont nous avons besoin puisque 70% de la population française étant éligible au logement social.
Quelles solutions avez-vous proposées à Jean Castex et à Emmanuelle Wargon ?
Finalement, à partir de ce constat, nous avons fait 13 propositions. Nous souhaitons tout d’abord faire comprendre au plus large public l’importance de l’acte de construction. Cela permet de répondre à des besoins, bien sûr, mais ça crée aussi de la richesse, non seulement pour la collectivité, mais pour le pays lui-même. Nous avons aussi proposé que soit établi un contrat local entre l’État et les intercommunalités ou les communes dans les zones les plus tendues.
En évaluant ensemble, État et collectivités, les besoins des collectivités et dans la mesure où les objectifs fixés venaient à être atteints, cela déclencherait le versement d’une aide de l’État qui reste encore à définir… C’est au Premier ministre de trancher. Ensuite, j’ai proposé qu’il y ait une compensation intégrale par l’État du coût pour les communes des exonérations de TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties, Ndlr) applicables au logement social pour les logements autorisés durant le mandat municipal actuel. Je ne peux pas faire prendre en compte le stock… Ce qui est assez injuste pour les collectivités qui ont aujourd’hui 40 à 45% de logements collectifs à loyer modéré.
Donc pour relancer la construction de logements, compensons sur tout ce qui va être construit. Mon idée est en effet de prendre le flux de construction de logements sociaux sur cinq ans et à la fin du mandat les communes seront compensées à 100%. J’ai même proposé que ça dure entre cinq et dix ans. On peut très bien faire un bilan au bout de cinq ans et repartir pour un nouveau mandat… J’ai également proposé, de la même manière, qu’il y ait une compensation intégrale de TFPB, pour le logement locatif intermédiaire construit, aux collectivités par un crédit d’impôt sur les sociétés à la charge de l’État.
On a aussi beaucoup travaillé sur le foncier. Si j’ai d’ores et déjà proposé que les maires puissent eux-mêmes décider de la suppression ou non de l’exonération des taxes sur le foncier bâti sur les deux premières années pour les logements neufs, d’autres propositions à ce sujet seront formulées dans la seconde partie du rapport, pour que les mesures législatives puissent être intégrer dans le texte de loi de Jacqueline Gourault, 4D. Toutefois, il est clair qu’il faut que nous mettions en place une politique du foncier public et que l’évolution du prix du foncier soit concertée entre les collectivités et l’État.
Il y a aujourd’hui beaucoup de foncier qui est gardé jalousement par les établissements publics ou l’État lui-même. Pour essayer de débloquer cela du côté de l’État, j’ai proposé que les administrations affectataires, celles à qui on achèterait ce foncier, voient la décote de ce foncier compensée. Ça a un coup pour le budget de l’État mais cela semble la meilleure possibilité de faire sortir du foncier caché qui existe dans certains ministères. Enfin, puisqu’on a obtenu une prolongation du fonds friches avec 350 millions d’euros supplémentaires pour 2022, j’ai proposé qu’à la fin de l’année 2022, on évalue le dispositif Fonds friches pour en assurer la pérennisation sur les zones très tendues, après une évaluation des besoins en zones tendues.
Vous devriez remettre la seconde partie de votre rapport à la fin du mois d’octobre, quel est finalement l’objectif de cette commission et de ce rapport ?
C’est assez simple, nous avions pour objectif de faire un certain nombre de propositions qui permettent une relance durable de la construction de logements. L’aspect durable est important… je pense qu’il va aussi falloir qu’on aille vers des constructions bas carbone. La deuxième partie de la réflexion reposera notamment sur la simplification des règles, mais aussi sur l’encadrement des chartes promoteurs. Bref, nous avons tout un travail qui a déjà été amorcé mais qui n’est pas encore finalisé. Je pense aussi à la forme que prendront les contrats locaux dont je parlais tout à l’heure… Nous avons un mois pour le faire si on veut que cela soit intégré à la loi 4D.
Vous évoquez la construction et le foncier mais pas l’existant… Est-il prévu que l’État s’y intéresse ?
Cela va très certainement venir dans le débat. On sait qu’il y a de gros sujets de réhabilitation, de mise aux normes surtout énergétiques… Mais cela ne faisait pas partie des missions qui m’ont été confiées par le Premier ministre.