« L’école n’était pas faite pour moi » reconnait Alain Laude, dirigeant de Micro Erosion, qui souffrait alors de difficultés d’apprentissage. Très vite après son service militaire, le jeune Alain entre dans la vie active dans la connectique et la téléphonie après un cursus de mécanicien industriel. « J’ai fini de me former dans les ateliers de mécanique industrielle et de précision en gardant constamment l’envie d’innover. »
Pendant une longue décennie, il multiplie les expériences professionnelles pour acquérir des compétences nouvelles. Originaire du Nord, il s’installe en Bourgogne-Franche-Comté en 1983, sur les terres natales de son épouse originaire de Montbéliard . « Je me suis rapidement rendu compte que j’avais une facilité à m’adapter mais aussi à transmettre donc l’enseignement s’est imposé comme une évidence. » Alain Laude part alors trois ans en Suisse pour former de futurs ingénieurs. De retour dans le Doubs, il créé une première entreprise avec un associé mais préfèrera finalement se lancer seul en 2000 avec Micro Erosion à Pontarlier.
Trouver la bonne voie
« Je n’avais pas l’ambition d’avoir une entreprise avec 24 salariés comme c’est le cas aujourd’hui. Je pensais commencer seul et m’entourer de trois ou quatre collaborateurs pour faire de la sous-traitance en usinage de précision en électroérosion à fil. » Pourtant, rapidement, pour répondre à sa clientèle, Alain Laude s’entoure de nouvelles technologies pour arriver à quelque chose de plus abouti.
Après avoir débuté en travaillant pour la connectique et de la téléphonie mobile, il doit rebondir quand le secteur délocalise son marché en Asie et dans les pays de l’Est. Il se réoriente vers le marché automobile pour réaliser des moules et des outils de découpe mais s’aperçoit que cela ne correspond pas au développement souhaité et dirige l’entreprise vers des pièces sur plan à plus forte valeur ajoutée d’une part et sur le conseil et la R&D d’autre part.
Savoir identifier les besoins
« Nous avons pris un tournant quand je me suis aperçu que j’apportais beaucoup au niveau du conseil à mes clients et qu’il fallait développer de la gestion de projet. » Micro Erosion devient donc une experte du suivi, du conseil à la conception. En 2010, avec l’avènement des start-ups, friandes de conseils, l’entreprise se forge une solide réputation.
En parallèle, Alain Laude voit ses grands comptes perdre peu à peu leur savoir-faire mais aussi la façon de faire. Le dirigeant décide donc de créer un bureau alliant les fonctions R&D, méthodes ou encore de design. Pour mener à bien ses projets, il s’entoure d’experts dans chaque domaine d’activité de la mécanique de précision et du management. L’entreprise s’appuie par ailleurs sur cinq apprentis, l’avenir de l’activité.
L’information au cœur du produit
Bien avant d’évoluer dans une société de l’information, Alain Laude a compris qu’il devait connaitre les données liées au produit attendu par ses clients. « Nos clients avaient besoin de l’information de production et nous avons besoin de notre côté de toutes les informations du client mais aussi de celles que nous pourrions capter pour arriver à un produit final. »
Alain Laude s’amuse à dire que bien avant Amazon, il assurait le suivi des colis adressés à ses clients et leur proposait un suivi complet et transparent de la production. « En 2010, quand nous avons installé la gestion électronique des documents, on nous disait que nous avions un temps d’avance et on l’a gardé. »
« On ne lâche rien, on cherche jusqu’à réussir et on amène des idées ! »
A cette époque, le secteur de la connectique et celui de l’automation figurent parmi les clients de Micro Erosion, rejoint en 2014 par l’univers du médical et de l’horlogerie. En 2017, le monde de l’aérospatial vient rejoindre la liste. « Nous travaillons sur des projets stratégiques pour notre pays mais c’est frustrant de ne pas pouvoir en parler. Dans le médical ou le spatial, la confidentialité dure dix ans. »
Un savoir-faire reconnu
Alain Laude fait tout de même une exception pour ses collaborateurs, insistant pour que chacun connaisse les tenants et les aboutissants d’un produit. Souvent, les projets qui finissent dans les ateliers de Micro Erosion ont été rejetés par d’autres entreprises, renonçant devant leur complexité.
« On ne lâche rien, on cherche jusqu’à réussir et on amène des idées ! Nous ne sommes pas certains d’y arriver mais on reste transparents sur les succès et les échecs car c’est comme ça que la R&D avance. » Au fil des ans, la renommée de Micro Erosion a dépassé les frontières nationales jusqu’à ce qu’aujourd’hui, l’export représente près de 65% d’un chiffre d’affaires de 2,3 millions d’euros.
« Les gens cherchent loin pour acheter un savoir-faire. » La prochaine étape que le dirigeant se fixe pour sa PME consiste à accroitre l’activité de production et de récurrence. Actuellement, Micro Erosion réalise des prototypes ou de très petites séries mais espère suivre ses clients quand ils passeront à l’industrialisation des produits que la PME a contribué à créer.
En attendant, l’entreprise vient d’investir près d’1,5 million d’euros pour acquérir trois nouvelles machines. L’avenir passera aussi par la prochaine génération de dirigeants, les quatre enfants d’Alain Laude ayant déjà un pied dans l’entreprise familiale. « On se laisse le choix d’une reprise mais aussi celui d’une revente. » Pour l’heure, le dirigeant, loin de regretter son choix de carrière, se reconnait usé par les crises successives, qu’elles soient sanitaires, Ukrainienne, énergétique ou sociétale. « Pourtant, le chef d’entreprise reste confiant en l’avenir et continue d’avancer. »