Alex Grima
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Alex Grima

Le toqué du food film.

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Photo d'Alex Grima
Food pulse studio séduit des clients d’envergure : Harris, Granola, Barilla... Mais la start-up entend conserver ce qui fait sa force : sa taille humaine. (Crédit : JDP)

Si vous pianotez le nom d’Alex Grima sur les moteurs de recherche, vous tomberez sûrement sur de la musique électronique et des ambiances de nuit. Et pour cause, il a d’abord exercé le métier de DJ, notamment à Mâcon au Club 400, et de beatmaker (créateur de sons et de rythmes). Comme l’ensemble de la filière de la fête, il a été stoppé net dans son élan par la Covid : « Nous avons été les premiers touchés. À l’époque, on se demandait même si les boîtes allaient rouvrir un jour ! ».

De l’audio au visuel

Dos au mur, mais plein de ressources, Alex a puisé sa « sortie de crise » dans son âme d’artiste, entretenue notamment par deux grands-parents peintres. Il se lance dans le monde de l’image et commence à faire des videos reports pour des bars et restaurants. Pour trouver l’inspiration, l’autodidacte se « mange » des heures de vidéos sur Youtube, notamment celles de Daniel Schiffer, le roi du B-roll (avec usage de ralentis et d’accélérations). Alex réalise une première vidéo pour un domaine viticole de Charnay-lès-Mâcon et les retours sont très encourageants. Le jeune homme d’origine vénézuélienne vient de mettre un doigt dans l’engrenage.

L’audace récompensée

Là où d’autres ont commencé dans les garages, lui débute dans la chambre d’ami avec du matériel basique. « J’ai fait des vidéos fictives pour des grandes marques pour me faire remarquer. » Et ça a marché. Il poste une vidéo sur la citronnade Michel Augustin et « dans l’heure qui suit, la directrice m’a contacté. Elle a adoré. » Deux semaines plus tard elle lui commande une vidéo. Alex signe fièrement son premier devis et abandonne définitivement son métier de DJ pour devenir autoentrepreneur en production vidéo.

Techniquement, et surtout matériellement, il n’en est qu’aux prémices. « Je travaillais avec une caméra qui faisait du 180 images/seconde. Il a fallu que je bricole pour la ralentir encore plus ». (Ndlr : il travaille actuellement à 1.500 images/seconde et bientôt 2.000). Racontée comme ça, cette reconversion ressemble à un long fleuve tranquille. « Mais il faut bien comprendre, j’étais complètement absorbé par mon nouveau métier, je bossais du dimanche au dimanche ! ».

Et ce travail acharné paie, la clientèle se développe : le sommelier Fabrice Sommier, l’enseigne Barbe Rousse et même la marque de montres Pierre Lannier, pour une pub, télé font appel à ses services. Pour le roi du ralenti, les choses s’accélèrent. Il s’installe en centre-ville de Mâcon dans un local plus spacieux et investit dans sa première camera à grande vitesse. Et surtout, il continue à regarder en boucle des vidéos de tabletop. « Pourquoi la nourriture ? On ne va pas se mentir, j’aime bien la bouffe, sourit le garçon à la carrure de troisième ligne. Mais c’est aussi la variation des textures et des matières qui me fascine. Les ralentis en macro, c’est juste génial ».

20 millions de vues

Quand il n’a pas de commande, il continue à faire des vidéos fictives sur des grandes marques. Et l’alcoolier Jägermeister mord à l’hameçon. Non seulement la marque allemande rachète la vidéo mais lui en commande quatre nouvelles. Son film sur les coulisses du tournage collectionnera 20,7 millions de vues sur Tik Tok !

« Il faut toujours croire en ce qu’on fait, pousser la persévérance au maximum, ne rien lâcher »

Alex Grima s’est fait un nom même s’il continue à regarder les référents de la discipline, Philippe Lhomme et Michael Roulier, avec des yeux admiratifs. Pour franchir un cap, il se décide à embaucher un ami, Pierre Jugnon, pâtissier de métier, un atout précieux pour les préparations culinaires. Car ici, à quelques exceptions près, on ne filme que des véritables aliments.

Poudlard-Lès-Mâcon

À l’étroit rue Rambuteau, Food Pulse Studio prend place à la cité de l’entreprise à Mâcon sur 220 m². Alex et Pierre peuvent ainsi à leur aise créer des décors et articuler les caméras. L’investissement dans du matériel de plus en plus sophistiqué ne s’arrête jamais : une caméra red (de cinéma) ou un bras robotisé qu’Alex commande lui-même en faisant son propre codage informatique ! Beaucoup de technologies, mais aussi énormément d’astuces sont nécessaires pour la création. Ici, on invente, on fabrique (à l’aide notamment d’une imprimante 3D) les objets utiles aux illusions d’optique. « C’est un peu Poudlard », s’amuse-t-il. Pierre devient selon les besoins menuisier, modélisateur 3D ou designer culinaire, toujours avec patience. « On vient de passer cinq jours pour trouver la bonne méthode pour brasser le fromage blanc de façon satisfaisante à l’écran. » Food Pulse Studio séduit des clients d’envergure : Harris, Granola, Barilla « et dernièrement, Danone est venu ici au studio. »

Mais la start-up entend conserver ce qui fait sa force : sa taille humaine. « On sera peut-être trois ou quatre à l’avenir mais pas plus car nos commandes sont ponctuelles. En revanche, on peut faire appel à des intermittents, comédiens et techniciens, pour les gros tournages en extérieur. » Ce fut le cas récemment quand Alex a dirigé une équipe de 17 personnes dans un tournage d’une vidéo life style pour Jägermeister.

L’aventure ne fait que commencer. « On vient de recevoir un message d’Inde. Qui sait, on va peut-être devoir bientôt monter dans l’avion… » Alex rêve mais les yeux grands ouverts et les pieds sur terre. « Même si la concurrence est forte, notamment en Pologne, on espère devenir une référence en Europe. » La Covid a décidément accouché d’histoires inattendues.