Alexis Doré
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Alexis Doré

Dorex, révélé sur le tard

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« Pour moi, la photo n’était pas une passion, c’est plutôt devenu un outil pour transmettre quelque chose. » (Crédit : Dorex.)

« Je n’étais pas bon au collège alors je me suis orienté vers un lycée professionnel. J’avais le choix entre le secrétariat et le commerce. J’ai opté pour le commerce et finalement ça m’a plu », se souvient Alexis Doré. Avec sa barbe grisonnante, ses cheveux longs et ses tatouages sur le bras, il ne donne pas l’image commune du représentant. Mais c’était au début des années 2000. Alexis Doré a ainsi vendu du parquet et du bois en alternance jusqu’à devenir, au fil des ans, responsable adjoint du magasin qui l’a accueilli pendant son bac pro réalisé au lycée Saint-Joseph.

Même si le commerce lui a apporté de nombreuses satisfactions, Alexis Doré a vu s’ouvrir de nouvelles portes. « J’ai rencontré l’équipe de la Péniche Cancale et j’ai commencé à travailler à la billetterie, l’accueil, à donner un coup de main technique en parallèle de mon job de commercial pendant un ou deux ans. » Et alors qu’il s’apprête à prendre un avion pour un très long séjour au Canada, la Péniche Cancale (désormais fermée), salle de spectacles dijonnaise, le contacte pour lui proposer un emploi à temps complet. Il fera une transition plus courte que prévue en sillonnant les États-Unis, le Canada et la Colombie avant de rejoindre pleinement l’équipe du monde culturel en 2009.

Du commerce à la culture

Pendant huit ans, il oeuvre aux différents postes de la Péniche Cancale et se tisse un réseau dans l’univers culturel. « Pour moi, la photo n’était pas une passion, c’est plutôt devenu un outil pour transmettre quelque chose. » Alexis Doré se souvient que sa rencontre avec la photo s’est faite autour de la destruction des minoteries de Dijon en avril 2011. « On m’avait prêté un appareil photo. Ce bâtiment m’interpellait mais je ne savais pas quoi faire. Un matin très tôt, poussé par un ami, je suis allé sur le site. La météo créait une ambiance particulière. J’ai fait des photos que j’ai mises en ligne et elles ont créé l’engouement. » Véritable autodidacte, Alexis Doré est peu à peu devenu l’artiste Dorex et a profité d’un soutien de taille, celui de Christine Martin, adjointe au maire de Dijon en charge de la culture. « Je lui ai montré mon travail et elle m’a proposé de réaliser une exposition Dijon vu par quelques années plus tard mais à l’époque, j’ai préféré me lancer avec de petites expositions. Elle m’a soutenue. »

« Désormais professeur en commerce, il garde son « esprit punk » et « son envie d’interroger la société, de provoquer une réaction, une émotion, qu’elle soit positive ou négative ».

Dorex investit l’Hôtel de Vogüé en 2014. À la même époque, il se lance un autre défi avec un ami rencontré sur les bancs du lycée Saint-Joseph, Christophe Tassan. « On voulait un bar dans le style italien qui soit aussi un lieu culturel avec des expositions et des concerts. » L’Alchimia ouvre ses portes en 2014. En parallèle, Alexis Doré continue à mener des projets photographiques. En septembre 2015, il réalise un travail autour de la confrontation entre Dijon et Katmandou, cette dernière ayant été dévastée par un séisme. « En rentrant de mon séjour au Népal, j’ai affiché les photos des bâtiments détruits face à des bâtiments debout ici. Je voulais amener à une prise de conscience du décor qui nous entoure et sur sa fragilité. C’est un décor quotidien qu’on oublie. » Certains clichés mesuraient jusqu’à six mètres de haut.

De la culture à l’éducation

Dorex décide de quitter l’Alchimia après s’y être consacré pendant trois ans pour se consacrer à la photographie. « Je voulais faire des projets qui me tenaient à coeur, qui avaient du sens pour moi. » Lutte contre les discriminations avec la Cimade, dont sa campagne photo a été reprise dans un hors-série du Monde, lutte contre les violences faites aux femmes, festivals comme Prise de Cirq occupent ses journées. « Je ne cherchais pas à gagner beaucoup d’argent. Juste assez pour vivre et voyager », sourit celui qui revient sur son parcours depuis le Monténégro où il passe quelques jours pendant l’été. Puis la Covid entre en scène et tout s’arrête. Peu enclin à retourner dans le commerce au sens propre, il postule à l’École des métiers de Dijon. Sa candidature est très bien accueillie et il est engagé à temps plein dès la rentrée 2020. Alexis Doré laisse donc Dorex de côté pour devenir enseignant en commerce. « Je voulais travailler avec les jeunes, écouter leur vision des choses. » Mais même au tableau, le photographe n’est jamais loin et Alexis Doré se réjouit de pouvoir mener des projets artistiques avec ses élèves.

Alexis Doré et Dorex

(Crédit : Dorex.)

En 2022, alors qu’elle a continué à suivre son travail, Christine Martin et Dorex s’accordent sur l’exposition Dijon vu par… que l’artiste avait déclinée quelques années avant. « Je l’ai accepté sans avoir d’idées précises de ce que j’allais faire. Je voulais vraiment lui faire plaisir alors j’ai longuement réfléchi. » Dorex envisage d’abord des portraits mais y renonce, insatisfait. « Mon truc, ce sont les bâtiments. » Il décide donc de livrer un regard très personnel sur son Dijon. La capitainerie évoque son passage à la Péniche Cancale, le Mont Afrique fait allusion aux promenades de son enfance, les clichés relatifs aux quartiers populaires rappellent celui où il a grandi. « J’avais une centaine de photos mais il me manquait un truc. » L’artiste cherchait à retrouver une ambiance qui fait penser à celle qui accompagnait ses clichés des minoteries. « Dès que le ciel était couvert, je partais faire un circuit dans la ville pour trouver le bon moment. »

Désireux de bien faire, le photographe se met une certaine pression pour finaliser cette exposition. Depuis le 26 juin et jusqu’au 21 septembre, chacun peut se faire un avis puisque ses oeuvres ornent la salle de la coupole de l’Hôtel de ville de Dijon. Rendez-vous attendu par les Dijonnais et plébiscité par les touristes, l’exposition accueille jusqu’à 400 personnes chaque jour. « Cette exposition marque mon style, mon identité. Elle a impulsé de nouveaux projets. » Désormais professeur en commerce, Alexis Doré garde son « esprit punk » et « son envie d’interroger la société, de provoquer une réaction, une émotion, qu’elle soit positive ou négative. »