Le 13 janvier prochain, on peut prédire sans trop se tromper qu’il y aura foule au château de Gilly-lès-Cîteaux. Ce jour-là en effet, un « vide-château » proposera aux amateurs, privés ou professionnels de l’hôtellerie, d’acquérir des pièces de mobilier de l’établissement qui connaîtra ensuite quelques mois de fermeture pour renaître en 2025 avec comme nom de baptême « Les Sources de Bourgogne ».
Gilly va ainsi rejoindre un palace bordelais, « Les Sources de Caudalie » et un hôtel haut de gamme en Val de Loire « Les Sources de Cheverny », une « collection d’hôtels de vignobles », selon la formule d’Alice Tourbier qui avec son mari Jérôme en sont les propriétaires et créateurs.
« Un super tandem »
L’histoire débute à l’école supérieure de commerce de Bordeaux où les deux jeunes gens se rencontrent, avant de suivre ensemble une formation œnologique. Le vin ? Alice l’a découvert à l’adolescence, elle qui a poussé au pied des Alpes. « J’ai grandi à Grenoble. Mes parents ont déménagé en bordelais (pour reprendre le grand cru classé Smith Haut Lafitte, ndlr) en 1990, lorsque j’étais lycéenne. J’ai découvert le vin à Bordeaux. Je ne suis pas “née dans une barrique” comme disent les Bordelais mais je suis arrivée à Bordeaux en âge de découvrir le vin et de l’apprécier. Je ne pouvais pas vivre entourée de vignes et ne pas m’intéresser au vin ! J’ai fait mon palais avec les bordeaux ; et puis avec Jérôme on a poursuivi nos études à la fac d’œnologie de Bordeaux qui propose un diplôme universitaire d’aptitude à la dégustation. On y a renforcé et solidifié nos connaissances ».
Alice et Jérôme Tourbier ont à peine plus de vingt ans lorsqu’ils lancent leur premier projet hôtelier. La jeune femme a de qui tenir : ses parents, après avoir été skieurs de haut niveau ont été à la tête d’un groupe de distribution, de communication, ont lancé Go Sport avant de se tourner vers le vin, sa sœur est elle aussi une femme d’affaires accomplie : « J’ai grandi avec des parents entrepreneurs, mes grands-parents l’étaient aussi… Ma sœur aînée Mathilde a très bien réussi en lançant la marque Caudalie, elle travaille aussi avec son mari. Il y a un terreau familial qui peut-être me prédestinait à ça ».
« Je ne suis pas “née dans une barrique” comme disent les Bordelais. J’ai appris à déguster le vin à l’adolescence et celui-ci a une place dominante dans nos projets »
Alice et Jérôme Tourbier vont apprendre leur métier, qu’elle qualifie aujourd’hui « d’entrepreneurs du bien-être » au fil de l’eau. « Cela s’est fait progressivement. On s’est lancés au départ, peut-être très naïvement et sans d’énormes ambitions avec ce projet des Sources de Caudalie qui était plus modeste que ce qu’il est devenu au fil du temps. C’était un hôtel quatre étoiles, avec un restaurant et un spa d’une vingtaine de chambres. Et on s’est aperçus que pour faire vivre l’hôtel, le bon équilibre c’est autour d’une cinquantaine. On s’est agrandis un peu puis on s’est positionné pour être palace : c’était un véritable accomplissement, car nous étions le premier palace à la campagne, en dehors de Saint-Tropez, Paris, Courchevel… On a dû soutenir un dossier, avec cette relation à la vigne comme fil conducteur, pour rejoindre les 31 palaces aujourd’hui en France. On a vraiment découvert ce métier à deux, qui est devenu une véritable passion, on a trouvé notre équilibre ».
Après le bordelais, une seconde adresse « Les étangs de Corot » (cédée en 2019), est suivie par l’ouverture du deuxième hôtel de la collection, « Les Sources de Cheverny ». Alice et Jérôme Tourbier, y appliquent, comme ce sera le cas en Côte-d’Or, leur « recette du bonheur » : respect de l’histoire et de l’architecture des lieux, nature omniprésente, normes internationales de confort et bien sûr le vin : « Notre ADN est notre connexion à la vigne. Les Sources sont une collection d’hôtels de vignobles et ce choix de la Bourgogne s’est imposé naturellement à nous. L’idée est d’être entourés de vignes et à Gilly-lès-Cîteaux, en face du Clos de Vougeot on n’est pas déçus ! »
Les architectes qui depuis Les Sources de Cheverny accompagnent Alice Tourbier ont su composer avec l’existant pour dessiner un futur au château : « On va apporter un peu plus de confort. Mais nous allons préserver le caractère historique de la bâtisse, respecter bien entendu ce château magnifique et les dépendances dont une partie est classée ; l’idée est d’en faire le moins possible mais on va essayer de dépoussiérer le décor, pour je pense, le magnifier. Il y a actuellement beaucoup de salles de réunion que l’on ne va pas garder dans notre projet ; la salle de restauration avec ses colonnes sera transformée en piscine intérieure, on va avoir un spa by Caudalie assez magique ; conserver deux salles de réunion pour de plus petits comités de direction, jusqu’à une quarantaine de personnes. On va être plus confidentiels, mais avec une offre étoffée et moins de très grands groupes ».
L’adresse de 49 chambres comprendra également une auberge et un restaurant gastronomique « qui ira chercher des étoiles Michelin », court de tennis et piscine, prêt de vélos, cours de dégustation, d’œnologie… « Pour les flux touristiques, explique Alice Tourbier, l’emplacement est stratégique. On espère maintenant faire séjourner les clients sur de plus longues périodes. Qu’ils ne viennent pas seulement pour des raisons pratiques, mais pour faire de Gilly une vraie destination, avec le spa Caudalie qui sera une exclusivité en Bourgogne ».
Prête à être mentor
Le couple prévoit de recruter localement mais aussi de « piocher » dans les équipes existantes déjà rompues aux process des hôtels de la gamme et atteindre d’ici deux à trois ans 130 collaborateurs. S’ils n’ont pu acquérir des vignes, comme cela a été le cas dans le Val de Loire et au château d’Isembourg en Alsace, Alice et Jérôme Tourbier qui ont récupéré la cave du château de Gilly-lès-Cîteaux espèrent également nouer des relations privilégiés avec leurs prestigieux voisins de la côte viticole pour enrichir celle-ci.
Car le vin est un élément essentiel de l’attractivité des hôtels du couple, l’œnotourisme étant même à cet égard devenu une « valeur-refuge » : « De plus en plus nous avons dans nos maisons trois générations : grands-parents, enfants, petits-enfants… Le vin a cette dimension de famille et de transmission. » Et puisque l’on parle de transmission, après 25 ans de success-story, Alice Tourbier se verrait bien partager son expérience d’entrepreneuse. « À nos débuts, avec mon mari, nous avions sonné à diverses portes, et nous avions rencontré ceux qui nous faisaient rêver comme Anne-Sophie Pic. Ces échanges nous ont beaucoup nourris, et nous ont aidés à nous lancer, à croire en nous. Je serai ravie de pouvoir le faire à mon tour. Si je peux apporter quelque chose à une nouvelle génération, je le ferai avec grand plaisir ! »