Anthony Moussu
Invités / Entretiens

Anthony Moussu

Homme-orchestre.

Lecture 15 min
Photo d'Anthony Moussu
Trompettiste, DJ, producteur musical et audiovisuel, spécialiste de l’évènementiel, inventeur de packs alliant programmes musicaux et publicités, Anthony Moussu est un touche-à-tout qui vient même de créer sa propre bière régionale. (Crédit : FC)

Rien dans le cursus d’Anthony Moussu ne le préparait à devenir VRP de ses propres idées. Né en 1982 dans une famille de musiciens, dès l’âge de six ans, il intègre l’harmonie de la commune de Vitteaux. La structure centenaire propose des cours de solfège et d’instruments. Le petit Anthony choisit la trompette.

Si ses deux sœurs sont restées à l’unisson des parents, dans la musique classique, lui joue le vilain canard en choisissant de faire ses gammes dans le mixage. À 18 ans, il entre à l’École des DJ’s à Lyon. Unique en Europe, cette structure forme aux techniques du Djing et délivre un diplôme d’Animateur musical et scéniques (AMS) reconnu par l’État de niveau IV (Bac+2). La formation qui se fait par apprentissage le conduit à franchir les portes du Privé une ancienne boîte de nuit dijonnaise.

Une première expérience comme DJ qui se poursuit à Dijon, mais aussi dans différents lieux prestigieux en France (le Chat noir, le Salsa pelpa à Dijon ou encore le Fish à Lyon, le Queen à Paris…). Parallèlement il se tourne vers la production musicale notamment en remixant pour et avec dj Mast, Papa London, Belmondo, Laurent Wolf...

En 2010, à 28 ans, Anthony Moussu décide de laisser de côté le monde du Djing, de la nuit et des soirées mousse pour fonder sa propre société « Jingle Island ». « Avec cette entreprise je crée des pubs radio, jingles, liners, drops, intro pour un certain nombre d’artistes (Joachim Garraud, Deejay Getdown, Daddy K, Laurent Veix, Bob Sinclar, Martin Sol-veig…) et pour beaucoup de discothèques en France et à l’étranger notamment au Luxembourg et en Belgique, explique le jeune artiste. J’ai même eu la chance de participer à la tournée nationale de promotion du film Transformers. J’y ai réalisé l’intro avec voix off qui était diffusée juste avant que la voiture - conçue spécialement pour le show - ne se transforme en platine DJ. »

Des soirées mousse aux vestiaires des piscines

Côté technique, Anthony Moussu installe son studio de montage à Quetigny. Pour les voix off, il a une équipe de comédiens, intermittents du spectacle, qui vient de Dijon, Paris et Genève. Puis, le concept I-Radioo voit le jour. « L’idée m’est venue alors que je me changeais dans les vestiaires de la piscine olympique à Dijon », se souvient Anthony Moussu.

Après s’être une nouvelle fois agacé d’entendre la même sempiternelle musique d’ambiance totalement atone, au moment de se changer, Anthony Moussu réfléchit à comment améliorer “cette erreur de casting sonore” qui sévit également dans les ascenseurs des grands hôtels. Une vingtaine de brasses plus tard, l’homme se retrouve devant la porte du directeur de l’établissement sportif, armé seulement d’une idée.

« J’y suis allé au culot, je n’avais rien », se souvient Anthony Moussu. Le concept qu’il défend alors est simple mais efficace : substituer à la musique d’ambiance une vraie programmation musicale de type radio dans laquelle - et c’est là l’atout majeur - s’insèrent des messages publicitaires ciblés. « Il s’agit de profiter de l’audience d’un lieu habituellement inaccessible à la publicité ».

Le projet séduit immédiatement. Vient le temps du développement. Sur un an, Anthony Moussu va peaufiner son “bébé”, lui donner d’abord le nom d’E-radio « E comme Évolution », qui s’autographiera ensuite I-Radioo. Il va travailler aussi son discours commercial. « Dans ce domaine j’étais totalement novice. Trop passionné, je noyais le client avec des détails techniques au lieu d’aller à l’essentiel. De plus, je “flippais” dès qu’il fallait prendre le téléphone... »

Heureusement, parmi ses amis il compte Gregory Abdel Kader, commercial dans les produits bancaires, qui lui donne quelques bons tuyaux pour une négociation réussie. Le premier test du concept à lieu le week-end des 1 er et 2 septembre 2012 pour l’inauguration du tramway à Dijon. Anthony Moussu a la charge de la partie musique du village olympique monté pour l’évènement autour de la piscine éponyme. Les premières publicités insérées dans des titres concernent des commerces locaux et sont diffusées, en octobre de la même année, d’abord à la piscine puis à l’aéroport Dijon Bourgogne.

De la publicité très ciblée

Pour maximiser leur impact la fréquentation des lieux est étudiée. « Entre 9h et 12h, la piscine est occupée essentiellement par une population de seniors, dans ce cas je choisi une programmation musicale de type Nostalgie. Entre 12h et 14h, c’est une clientèle de cadres, une sélection de tube Pop Rock est plus appropriée. Avec l’après-midi, c’est la très convoitée ménagère de moins de 50 ans qui fait son entrée. Je lui réserve plutôt du disco. Enfin, le soir, nous retrouvons les cadres accompagnés des étudiants. Mon choix se porte alors sur une programmation de type NRJ. Les publicités à incorporer sont également choisies en fonction des catégories socio-professionnelles et du lieu. À l’aéroport, lieu de transit, je peux diffuser des marques nationales ».

Avec un maximum de cinq annonceurs différents par jour, pour 30 à 50 passages, la campagne de publicité mieux ciblée à plus d’impact qu’une diffusion radio classique. Partie intégrante de la chanson, elle s’avère beaucoup mieux enregistrée par le cerveau, qui n’a ici aucune possibilité de zapper. « L’autre avantage réside dans le prix. Celui-ci étant calculé au prorata du nombre d’auditeurs et vu que je ne peux prétendre aux audiences - chiffrées en millions - des radios, je suis in fine beaucoup moins cher », précise Anthony Moussu.

Il décroche un contrat exclusif avec l’Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA). Avec eux, il se développe nationalement. Son idée de programmes musicaux associés à la publicité est présente fin 2013 sur l’ensemble des complexes sportif de France gérés par l’association. Ce qui fait passer l’audience d’I-Radioo de 450.000 à 5,4 millions d’auditeurs par an.

« Du jour au lendemain, j’ai dû m’improviser commercial alors que je “flippais” dès qu’il fallait prendre le téléphone »

Anthony Moussu a également conquis l’aéroport Dole-Jura, le groupe Nextalis - spécialiste de la remise en forme - et ses marques Amazonia, Gigagym et Wide-club, qui, là encore, lui garantissent une diffusion nationale. Un développement accompagné par les BFC Angels… En 2020, l’entrepreneur s’adjoint les services d’un développeur informatique pour mettre au point un petit boîtier connecté à son serveur et totalement indépendant, sécurisé, ne nécessitant pas de connexion internet pour diffuser les quelque 30.000 titres programmables de sa playlist adaptée et réalisée sur-mesure en fonction des besoins des clients.

« Proposé en location, ce boîtier offre également la possibilité d’insérer des messages informatifs à des moments précis d’une manifestation, d’un séminaire ou d’une soirée. Notre produit a déjà séduit l’Institut français du sang (IFS) qui l’a testé sur ses journées du don du sang ». Le dispositif peut également servir à habiller musicalement un lieu, comme le restaurant étoilé de l’Auberge de la Charme à Prenois « qui a, de suite, adhéré au concept pour sa stabilité et sa facilité d’utilisation », mais également les chaînes de magasins, avec lesquelles Anthony Moussu est actuellement en pourparlers.

« L’idée ici, est d’utiliser notre boîtier pour créer, de manière très simple, sans surcharge de branchements informatiques, des ambiances musicales différenciées en fonction de l’étage et du rayon dans lequel se trouve le client. Un sur-mesure, qui compte également la possibilité d’ajout d’annonces commerciales ciblées et programmées, et qui s’adaptera aussi au type de clientèle. Par exemple, dans un rayon de canapés relaxants et ergonomiques, plutôt destiné à des personnes âgées, on diffusera du jazz ou de la soul... L’enjeu est de taille comme le confirme une récente étude qui montre que quand un client se sent bien dans un commerce, il peut rester jusqu’à 15 minutes supplémentaires et réaliser entre 5 et 8 % d’achats supplémentaire ».

De la pub au pub

En plus de la production audio et vidéo, qui l’ont vu notamment produire et réaliser en 2018 une émission de divertissement en ligne baptisée « Le dîner » qui met des personnalités du monde économique local autour d’une table, l’homme-orchestre donne vie à I-radioo events et à I-radioo deejay. La première entité propose d’organiser des évènements musicaux : « Du conseil technique jusqu’au booking d’artistes (concert, dj, performer...) je peux m’occuper de tout en fonction du budget défini. » Anthony Moussu s’associe alors avec le saxophoniste Noé pour créer le duo Memories. « Notre concept : de Brigitte Bardot à Franck Sinatra, en passant par U2, les Beatles ou encore Worakls, Martin Solveig, Daft Punk... Remixer en live, en mélangeant électro et acoustique, en 2h30, plus de 90 standards des années 1960 à 2000 en version Deep House ».

I-radioo deejay s’adresse aux établissements de nuit, aux casinos et aux particuliers désireux d’animer une soirée. Il propose la création d’une programmation musicale (intro, jingle, message de prévention...) automatisée et personnalisable en cohérence avec l’ambiance de l’établissement. La crise covid mettra un sérieux coup de frein à ce développement. Et c’est pendant cette période de « vache maigre », que Anthony Moussu s’imagine en créateur d’une bière locale.

Il conçoit d’abord un contenant inédit prenant la forme d’une mini bouteille de grand cru accompagnée d’un cachet en cire rouge personnalisable. Il fait ensuite appel à un brasseur régional pour concevoir avec lui une recette spécifique pour une blonde légère aux fines bulles, conçue avec un houblon de pale Ale auquel il ajoute un ingrédient mystère pour gagner en rondeur. Baptisée Memories, la bière est distribuée dans les meilleurs restaurants de Dijon. « Les 600 premières bouteilles produites en 2021 ont été vendues en deux jours et en décembre dernier, j’avais déjà 10.000 précommandes », se réjouit Anthony Moussu qui envisage de développer son produit auprès des comités d’entreprise.

Cette année, notre touche-à-tout, qui a déménagé à Dijon, a lancé une nouvelle web émission baptisée Le clos des artistes. « Il s’agit de visiter des domaines, restaurants, bars, dans un double but : faire découvrir des établissements, les produits et services qu’ils proposent mais aussi promouvoir les artistes, sportifs, et autres acteurs bourguignons. Pour la première, au domaine Odoul-Coquard, à Morey-Saint-Denis, j’ai été ainsi accompagné de Fréderic Sammaritano, ancien joueur de football de haut niveau, personnage local et ambassadeur de bons produits et de Didier Philibert, épicurien depuis son plus jeune âge », raconte Anthony Moussu qui a déjà en tête une autre idée de production télévisuelle : « Il s’agirait de proposer des visites d’entreprises à travers des concerts musicaux filmés. Ces films diffusés sur YouTube constitueraient d’innovants vecteurs d’attractivité pour l’entreprise ».