
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Antoine Tracqui est arrivé au baccalauréat sans savoir quoi faire de sa vie : « J’ai fait mon choix en cinq minutes sur un coup de tête », avoue-t-il. Les ressorts de son subconscient en mode automatique le conduisent alors sur les bancs de la faculté de médecine de Nice, où ses parents commerçants ont déménagé de Paris quand il avait 11 ans. Rien ne le prédisposait à suivre cette voie, souvent dynastique, mais dès les premières heures de cours, il sait qu’il a trouvé son Graal : « J’ai obtenu ma première année du premier coup. J’avais une vraie passion pour les parties théoriques et scientifiques de la médecine. Une appétence qui s’est confirmée avec les différents stages qui jalonnent le parcours universitaire. Je me suis vite rendu compte que l’aspect soin me faisait moins vibrer. J’ai alors pensé à me diriger vers la radiologie ou la biologie médicale », raconte-t-il. Tout bascule cependant lors d’une expérience en médecine légale alors qu’il est interne. Il se sent de suite chez lui devant les tables d’autopsie avec « ce petit plus exaltant dans le dialogue que l’on entretient avec les magistrats et les enquêteurs ». L’objectif est alors pour le jeune homme de se former à cette discipline « chez les meilleurs ».
De La Blouse À La Plume
Il va ainsi accomplir l’essentiel de sa carrière hospitalo-universitaire à l’Institut de médecine légale de Strasbourg (IMLS), avec la double qualification de médecin légiste et de toxicologue analyste. En 2005, il prend la direction du laboratoire de toxicologie judiciaire de l’IMLS et en 2013, il est nommé professeur des universités-praticien hospitalier. Ses travaux de recherche portent notamment sur le développement de méthodes d’analyse toxicologique et sur l’évaluation des prélèvements non conventionnels (cheveux, vêtements, larves d’arthropodes, viscères putréfiés, os...) pour les investigations toxicologiques réalisées. Cette même année, il sort aux éditions Critic sont premier roman, Point Zéro. Un techno-thriller, genre ordinairement monopolisé par les écrivains anglo-saxons tels que Clive Cussler et Michael Crichton. « J’avais cette envie d’écrire en moi depuis mon plus jeune âge. Réticent au passage à l’acte, je me gavais de lectures de toutes sortes, BD, romans, thrillers... jusqu’à atteindre une masse critique qui me ferait franchir le pas ». Ce premier essai est salué par la critique et remporte le prix « Révélation » des Futuriales 2014. Il sera suivi de deux suites Mausolée (2015) et Lune de glace (2020).
La BD, c’est très plaisant, je mets deux mois à trois mois pour écrire un scénario, alors que pour un roman, c’est plutôt deux ans. Et en plus, c’est un travail d’équipe
Côté carrière, un poste de chef de service de médecine légale à Besançon se libère « une opportunité assez rare dans le métier où des successeurs sont souvent formés au sein des établissements ». En 2020, il quitte ses fonctions pour se consacrer pleinement à sa carrière littéraire. « J’ai toutefois gardé un pied dans la profession en officiant deux à trois fois par mois à l’Institut médico légal de Paris qui concentre un quart des autopsies nationales. Je réalise trois à cinq autopsies le matin, essentiellement des pendus, des suicides et des accidents de métro et l’après-midi, je tape les rapports d’autopsie », décrit celui qui est intervenu dans plusieurs procédures criminelles médiatisées, comme la catastrophe aérienne du mont Sainte-Odile, les affaires Plumain, Bodein surnommé Pierrot le fou « de vrais serial killers comme on en voit dans les polars américains », Narumi Kurosaki, Jonathan Daval, mais aussi les attentats terroristes perpétrés à Paris les 7 janvier et 13 novembre 2015. Quand à la BD, Antoine Tracqui y goûte pour la première fois lorsque Jean-Luc Istin des Éditions Soleil, qui a lu son premier roman, le contacte pour scénariser le tome 7 de la série Oracle. Intitulé Le Clairvoyant, l’album dessiné par Lucio Leoni et Emanuela Negrin, publié en 2016, s’intéresse à la mythologie grecque. « J’ai tout de suite accroché à cet exercice qui s’avère beaucoup moins solitaire que l’écriture d’un roman. On est en connexion permanente avec le dessinateur, dans un jeu de ping pong très stimulant ». Il poursuit avec des robots extraterrestres sur le tome 9 de la série Androïdes (Le Berger), dessiné par Sylvain Ferret et publié en 2021, toujours chez Soleil. En 2023, il rejoint les Éditions Oxymore. On lui demande alors d’écrire des histoires parlant de son métier : « Jusqu’ici, je m’étais toujours montré réticent à prendre ce chemin. Je voulais que l’écriture reste un exutoire à mon quotidien, mais en même temps cela me titillait quand même ». C’est comme ça que le concept d’Autopsie voit le jour.
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« Dans le cahier des charges je dois raconter une histoire avec une ou plusieurs autopsies réalisées par un médecin légiste qui change à chaque tome. J’ai le choix de l’intrigue, du lieu et du registre : polar, SF, thriller...) ». Le premier tome, Le sacrificateur, dessiné par Francesca Follini et Paolo Antiga, paraît le 9 octobre 2024. Il met en scène, façon Seven, un jeune médecin légiste qui enquête sur une série de meurtres rituels atrocement mis en scène dans la froidure des forêts suédoises. Quand au tome 2, Bloody Sunday, qui vient de sortir, il propulse le héros, dessiné par Jean Diaz au sein d’une famille mafieuse dysfonctionnelle de Chicago. « J’ai pensé mon personnage principal pour qu’il soit haï par 100 % des lectrices », s’amuse Antoine Tracqui qui reconnait apprécier la grande liberté que lui accorde la maison d’édition. « Le troisième tome, Retour à Innawangan, se déroulera en Australie avec un médecin légiste aborigène. En parallèle, j’ai commencé à écrire le tome 9 de la saga West Fantasy qui transporte elfes et autres orques dans un western. Et je peux d’ores et déjà annoncer qu’une seconde saison d’Autopsie est en préparation, la série ayant rencontré un vrai succès ».