Selon que l’on vive en milieu rural ou urbain, l’image du vétérinaire peut diverger. Quand en ville, les soins concernent essentiellement des chiens et des chats, quelques nouveaux animaux de compagnies ou des rongeurs ; à la campagne, il faut ajouter d’autres profils à cette clientèle. Au quotidien, Aude Prouteau consacre une partie de son temps professionnel à Médor ou Minette mais aussi aux veaux, vaches, moutons ou chevaux des environs. La vétérinaire ne s’en plaint pas, elle, qui pratique au quotidien le métier dont elle rêvait enfant. « À la maison, nous avions des chiens, des chats, des oiseaux… Le matin, quand je me levais tôt, j’aimais aller voir les lapins dans la campagne voisine. Plus tard, je voulais prendre soin des animaux. » Cet amour des bêtes lui a donc permis de ne se poser aucune question quant à son orientation… Enfin presque.
Originaire de Vence dans les Alpes-Maritimes, elle souhaite rejoindre la prépa vétérinaire de Nice après son bac scientifique. Malheureusement, elle échoue à intégrer l’école et s’inscrit en médecine mais rate son concours. « Sur la route du retour après les résultats, j’ai vu un prothésiste dentaire et je me suis dit que ça devait être sympa », se souvient-elle. Après deux ans de formation, elle obtient son diplôme de prothésiste mais ne s’enthousiasme pas à l’idée de suivre cette carrière. Elle tente donc une nouvelle prépa privée pour devenir vétérinaire pendant deux ans, sans succès.
Une volonté à toute épreuve
Membre d’une importante fratrie, elle suit les conseils de l’une de ses soeurs, vétérinaire, et part en école vétérinaire à Turin en Italie, à une heure et demie de route de son foyer. « Je ne parlais pas un mot d’italien mais heureusement, les professeurs parlaient le français. » Assidue pendant cinq ans, la dynamique Aude Prouteau obtient le diplôme universitaire tant convoité, reconnu en France, après avoir passé quelques mois au Kenya pour préparer sa thèse sur la néosporose de la faune africaine.
De retour sur ses terres natales, désormais vétérinaire avec en bonus un niveau élevé en italien, elle réalise des remplacements ici ou là en France. « Un jour, je suis venue rendre visite à une autre de mes soeurs à Villy-le-Moutier en Côte-d’Or. Je lui ai dit que je voulais faire quelque chose pendant que je séjournerais chez elle. » Aude Prouteau débute donc un stage dans la seule clinique vétérinaire de Seurre pour compléter son expérience. Elle restera pour remplacer le vétérinaire au cours de l’été et pour donner un coup de main pendant les prophylaxies, prises de sang bovines hivernales. Finalement, elle devient salariée de la clinique avant de s’associer au docteur Gabriel Hubschwerlen en 2008.
Une vétérinaire en mal de compétences
Cette collaboration durera quelques années avant que des points de vue divergents n’y mettent un terme. Aude Prouteau fonde donc sa propre clinique en partenariat avec Stéphan Blondeau, alors collaborateur libéral. Ensemble, ils ouvrent la clinique des Blés à Seurre en septembre 2011. Depuis, les deux vétérinaires se relaient aux côtés de leurs patients à quatre pattes mais cherchent régulièrement à renforcer leur équipe. « Il y a des arrivées et des départs réguliers. Actuellement nous nous appuyons sur un collaborateur libéral tandis qu’une nouvelle vétérinaire viendra bientôt renforcer la clinique. » La cinquantenaire avenante dont quelques cheveux blancs parsèment sa chevelure brune insiste sur les difficultés à trouver des compétences, déposant des annonces sans recevoir aucun appel. « On a du mal à se faire voir des étudiants dans les écoles. Il y a plus de d’offres d’emploi que de candidats. »
« En campagne, on enchaine les kilomètres de nuit quand il faut aller dans plusieurs fermes. »
Cette souriante vétérinaire regrette également que beaucoup de jeunes diplômés optent pour d’autres voies que celle de la pratique vétérinaire, préférant la recherche par exemple. Chaque année en France, les écoles forment pourtant 480 étudiants tandis que l’objectif est d’atteindre 840 élèves d’ici 2030. « Quand ils cherchent un lieu de stage ou quand les nouveaux collaborateurs débutent, ils veulent être logés. Nous prévoyons donc d’installer un appartement au-dessus de la clinique », explique Aude Prouteau. Avant même l’obtention de leur diplôme, les étudiants sont déjà engagés dans des cliniques.
Désert médical pour animaux
La clinique des Blés tente au mieux d’attirer les jeunes talents de la profession mais se confrontent non seulement à la concurrence globale dans le secteur mais aussi à son statut rural. « À Dijon, il n’y a pas forcément de garde puisque le système est mutualisé. En campagne, on ne peut pas le faire car nous couvrons un territoire de 50 kilomètres autour de la clinique donc si on prend en plus les gardes d’une autre commune, ça étend le rayon d’action. On enchaine les kilomètres de nuit quand il faut aller dans plusieurs fermes. »
Par conséquent, les trois vétérinaires de la clinique des Blés se relaient pour le travail de nuit qui comprend aussi bien les ennuis de santé des animaux de compagnie, 60 % de l’activité globale, que les vêlages, mises bas des vaches dans les élevages, qui, avec les moutons, chevaux et autres animaux de la ferme représentent 40 % du travail de la clinique. D’autant que la clinique des Blés et ses trois vétérinaires naviguent entre leurs deux cliniques, à Seurre et à Pierre-de-Bresse en Saône-et-Loire. « Les jeunes n’osent pas prendre de responsabilités, ils veulent limiter les gardes… Le défi consiste à leur faire aimer leur métier pour qu’ils aient envie de s’investir. » Et quand les vétérinaires partent en retraite sans trouver de repreneurs indépendants, certains grands groupes rachètent les cliniques et leur clientèle.