« Petite, je ne comprenais pas pourquoi on ne faisait pas comme eux ! » Originaire de Pluvet en Côte-d’Or, Aurélie Gonet, fille d’un chaudronnier et d’une assistante maternelle, ne partait pas en vacances. L’été, elle se promenait sur les chemins de campagne et croisait des touristes, notamment des Hollandais, à vélo. « Mon père m’expliquait qu’ils descendaient comme ça jusqu’à la mer. Je les enviais et je voulais faire pareil parce que nous aussi on avait des vélos ! » Un jour, son père et elle rejoignent Saint-Jean-de-Losne à deux roues. « Je me souviens de l’émotion forte que j’ai ressentie en voyant les bateaux des touristes, j’avais l’impression d’être un peu en vacances moi aussi. Je voulais continuer, comme les Hollandais. » Aurélie Gonet attendra pourtant longtemps avant de remonter sur une selle.
Au lycée, elle se démarque en redoublant quatre fois sa seconde mais reprend finalement goût aux études en terminale et obtient son bac STT, sciences et technologies tertiaires. Passionnée d’art, elle poursuit son cursus par deux ans d’histoire de l’art avant de s’orienter vers la communication avec un master Euromédias. Elle entre dans la vie active en alliant des contrats à durée déterminée à un statut d’autoentrepreneuse pour intervenir sur des évènements ou en tant que communicante. Après quelques années, elle préfère un statut salarié et rejoint le service communication de l’école des Beaux-Arts.
En route !
« Comme les Hollandais, je voulais traverser un pays ! » Un temps de côté, cette idée n’aura jamais quitté Aurélie Gonet mais quand elle exprimait son envie, ses interlocuteurs reportaient sur elle leurs craintes de ne pas y arriver par manque d’activités physiques, de faire une mauvaise rencontre ou encore d’avoir un accident. Alors en couple avec un amateur de vélo, elle le suit sur les compétitions sans vouloir pratiquer. « Par contre, pour ne pas m’ennuyer, je me suis mise à la photo. C’est devenu une chose importante dans ma vie. » Elle fera finalement une rencontre qui l’aidera à sauter le pas. « Frédéric Mary, voyageur à vélo dijonnais allait partir pour traverser l’Afrique du Nord au Sud. Je lui ai demandé combien de temps il s’entraînait avant le départ et sa réponse a été une révélation. » L’aventurier lui explique alors qu’il ne s’entraîne pas, préférant aller à son rythme. Aurélie Gonet, qui ne pratiquait aucune activité sportive, décide de repenser sa vie et, seule, elle ose partir à l’été 2015.
« J’ai eu raison de m’autoriser à tenter, à faire ce qui me faisait envie et plaisir »
« J’avais un vélo qui prenait la poussière dans le garage. J’ai acheté deux sacoches et le nécessaire pour réparer le vélo, sans savoir l’utiliser. » Son premier périple reliera Londres à Edimbourg. « Je voulais que personne ne puisse me voir. J’avais une amie dans chaque ville, je me suis dit que le vélo restait le meilleur moyen de découvrir ce qu’il y avait entre les deux. » Ces deux semaines ont changé sa vie. « J’ai eu raison de m’autoriser à tenter, à faire ce qui me faisait envie et plaisir. » Les yeux marrons de la quarantenaire pétillent quand elle évoque le fait de voyager seule, à son rythme, mettant un temps sa vie entre parenthèses. « Seule, on découvre la liberté et c’est le début des rencontres. J’ai appris à ne plus me comparer aux autres. Je crois que ça représente la plus grande expérience de développement personnel de ma vie. »
De reykjavik à pékin
Au bout de deux ans, l’envie de repartir et le besoin de solitude deviennent trop forts. « Je voulais faire quelque chose de plus long, avec des conditions climatiques et physiques plus difficiles. » Dénivelé, vent, pluie… Aurélie Gonet remonte en selle pour se lancer à l’assaut de l’Islande pendant cinq semaines. « J’ai chuté, ça a été dur mais j’étais heureuse de vivre ça. Je me suis sentie prête à un voyage au long court. » Sa mère atteinte d’un cancer l’oblige à repousser son projet. « Sa maladie m’a appris qu’il faut faire les choses avant d’être malade. » Pendant un an, elle profite du temps que la médecine leur offre et espère avoir l’occasion de réaliser leur rêve, aller un jour à Pékin ensemble.
Malheureusement, le cancer aura le dernier mot. La jeune femme collecte alors 15.000 € en faveur de la recherche contre le cancer du poumon et décide de rallier Dijon à Pékin. En mars 2019, la souriante jeune femme prend le départ d’un itinéraire de 7.200 kilomètres qui la conduira jusqu’à la Cité interdite huis mois plus tard. « J’aime la lenteur, faire durer le plaisir, sourit-elle avant de compléter : je n’ai jamais vraiment eu de problème ». L’aventurière reconnait toutefois avoir eu peur à deux occasions, quand une voiture l’a renversée en Azerbaïdjan et quand un autre voyageur à vélo s’est montré un peu trop insistant.
Prête à repartir
En mai 2021, elle part en vélo à la rencontre des chercheurs entre Nevers et Morteau. « Je voulais aussi découvrir ma région et l’université m’a donné l’opportunité de le faire avec son tour des savoirs. » Pourtant, à son retour de Pékin, la communicante vit des moments difficiles ponctués de tensions professionnelles, d’une maladie et d’une dépression. Immobilisée, elle décide de changer de métier. La Dreal lui donne alors l’opportunité de photographier les paysages régionaux. « J’ai rencontré une super équipe qui m’a redonné l’élan dont j’avais besoin. » Une motivation qui plonge Aurélie Gonet dans un nouveau projet : Dijon – Tataouine en Tunisie. « J’ai préparé mon voyage en un mois, sans itinéraire. »
Partie le 1er décembre 2024, elle revient sept mois et demi plus tard, en juillet dernier. En parallèle d’une exposition photo et d’une conférence dispensée pendant le festival les Nuits d’Orient pour relater son aventure, elle démarre une carrière de biographe. « Quand ma grand-mère d’origine polonaise a été atteinte d’Alzheimer, j’ai réalisé qu’on l’avait peu interrogée et que nous avions perdu ce qui nous reliait. » Humaniste, elle aime écouter puis raconter les récits de vie et de territoire. Même si elle n’a pas encore de projet de voyage défini en tête, Aurélie Gonet rassure : « J’ai une longue liste de rêves ! ». En attendant, la jeune femme s’adonne à son nouveau plaisir : le billard français.