Celui qui, enfant, se rêvait archéologue, a emprunté une toute autre voie. « Quand j’étais plus jeune, à l’école, j’adorais l’histoire-géographie, les vieilles pierres et le patrimoine me fascinaient. Je voulais devenir archéologue ou paléontologue. Quand on y réfléchit bien, c’est un peu ce que je fais aujourd’hui en déterrant les langues régionales pour les analyser et les faire revivre ! », plaisante-t-il.
C’est à l’âge de 15 ans, en pleine adolescence, que le jeune homme s’est découvert une véritable passion pour les langues régionales : « en 2006, j’ai eu la chance de passer des vacances en famille en Bretagne. Là-bas, j’ai d’abord été surpris de voir une signalisation routière bilingue en breton et en français. Puis, je me suis aperçu que la langue bretonne est encore très ancrée dans ces territoires notamment grâce à la musique, ce qui m’a donné envie de faire pareil avec le franc-comtois ».
Il commence alors à s’intéresser à l’apprentissage de la langue régionale : « on peut dire que j’ai appris sur le tas. De nos jours, apprendre une langue régionale est très difficile. Surtout quand il s’agit de langues comme l’arpitan également appelé francoprovençal (langue essentiellement parlée au sud de la Franche-Comté) ou la langue d’oil (quant à elle parlée au nord de la Franche-Comté) car elles sont très peu parlées. Il faut évidemment être curieux, patient et persévérant car le plus dur est de pouvoir pratiquer. À titre indicatif, aujourd’hui, on estime à près de 400 le nombre de personnes qui parlent encore le franc-comtois et la majorité vivent en Suisse... Quant à l’arpitan, on peut dire que moins de 100 personnes pratiquent encore cette langue et sont là aussi, éparpillées dans les Alpes, le Mont Blanc, la Savoie ou encore le Val d’Aoste. J’ai heureusement eu la chance de rencontrer des habitants de villages situés aux alentours de Salins-les-Bains qui pratiquaient encore l’arpitan ».
« J’ai trouvé de nombreuses villes fondées par des Francs-comtois qui ont émigré aux États-Unis au XVIIe siècle comme Belfort dans l’État de New-York et Saint-Claude dans le Manitoba. »
Un apprentissage complexe et réalisé alors que Billy Fumey embrassait une carrière militaire au 19e régiment du génie à Besançon. « Cette expérience dans l’armée de terre n’a pas duré longtemps puisque seulement, un an après, j’intégrais un BTS Tourisme à la Maison familiale et rurale (MFR) de Pontarlier. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé la musique et à composer en langues régionales. Mon premier concert s’est déroulé dans la foulée, à Nans-sous-Sainte-Anne. » En 2012, sort alors son premier album intitulé Utinam (la devise, en latin, de Besançon) qui comporte sept morceaux.
Son diplôme en poche, il décide finalement de se consacrer à la musique en parallèle d’un emploi en tant qu’aide-soignant dans un établissement du Haut-Doubs : « j’appréciais énormément ce métier mais l’appel de la musique était trop fort et j’avais besoin de plus de temps pour pouvoir me donner à fond ». Très vite, les chansons en langues étrangères s’enchaînent, des clips sont même tournés dans la région, mettant alors les paysages bucoliques du Haut Doubs et du Mont d’Or en scène.
À la conquête de l’Amérique
Quelques années plus tard, en 2016 précisément, Billy Fumey entreprend une première tournée de concerts aux États-Unis et plus précisément dans la ville de Besançon en Indiana, fondée en 1849. « Je me suis rendu sur les traces de la diaspora franc-comtoise dans les villes américaines nées d’anciens expatriés de ma région natale. À l’issue de longues recherches, j’ai trouvé de nombreuses villes fondées par des Francs-comtois qui ont émigré aux États-Unis au XVIIe siècle comme Belfort dans l’État de New-York et Saint-Claude dans le Manitoba. Là-bas, j’ai eu droit à un accueil très chaleureux puisque les américains sont très attachés aux pays de leurs ancêtres. J’ai notamment pu découvrir des passeports enregistrés à Vesoul en Haute-Saône au musée de la ville de Besançon outre-Atlantique. »
« Cette édition a reçu le soutien de la Fondation Jean-Marc Probst pour le Petit Prince à Lausanne et un exemplaire a été offert à l’ancien président François Hollande lors d’une de ses visites à Besançon »
De retour de son séjour, Billy Fumey a l’idée de créer l’Institut de promotion des langues régionales de Franche-Comté. « Le but de cet institut est de faire connaître ces langues et bien sûr, de les faire vivre et rayonner au-delà du territoire régional », explique-t-il. C’est la raison pour laquelle il intervient régulièrement en milieu scolaire pour faire découvrir aux plus jeunes les langues, leurs histoires et leurs évolutions. « Selon la date où je présente dans les écoles, je choisi un thème pour faire le lien entre les langues régionales et l’actualité. Par exemple, en octobre, avec les élèves d’une école de Foucherans nous avons travaillé sur le thème d’Halloween. Ces séances intéressent beaucoup les enfants qui sont curieux de nature. »
En finale de l’Eurovision des langues régionales
La participation, en 2018, du jeune musicien à la finale du Liet international, l’équivalent de l’Eurovision pour les langues régionales et minoritaires, à Leeuwarden aux Pays-Bas, a notamment contribué à faire rayonner les langues au-delà des frontières régionales : « pour la première fois depuis la création de ce concours en 2002, la Franche-Comté a été présente en finale. La chanson présentée, Bondze Heidi (qui signifie Bonjour Heidi en arpitan, Ndlr) a été composée en 2017 et la maquette a été enregistrée à Besançon. C’est une chanson qui symbolise l’amitié franco-suisse sur un air de balade folk alternée de yodel. Ce titre évoque la rencontre au sommet du Mont d’Or de deux orphelines : l’une est la Franche-Comté, orpheline de ses libertés, l’autre est la célèbre Heidi, orpheline de parents. C’est un véritable hommage à la femme de lettres Johanna Spyri et au mythe du Tyrol de la France », présente l’artiste.
Avec deux demi-finales à son actif dans ce même concours en 2012 puis 2014 à Udine en Italie, cette finale a constitué une véritable consécration pour les efforts déployés par Billy Fumey sur scène depuis 2010 pour le partage de la culture franc-comtoise. Convaincu qu’il « faudrait faire des langues régionales un atout », Billy Fumey a par ailleurs offert deux plaques de rue en franc-comtois à la ville de Besançon.
« Il s’agit de la première signalisation bilingue qui est à découvrir au quartier Battant au croisement des rues d’Arènes et Thiémanté. En Franche-Comté, seule Besançon et la commune de Sainte-Anne bénéficient de signalétiques bilingues », indique-t-il. Sa carrière artistique freinée par la pandémie de Covid-19, Billy Fumey a entrepris une activité de traduction d’œuvres littéraires emblématiques comme Le Petit Prince. En effet, 75 ans après sa parution en France, Le Petit Prince s’est récemment offert sa première version en langue franc-comtoise. Lou Péquignot Prince a ainsi été édité à 600 exemplaires par les éditions Cêtre de Besançon.
« Cette édition a reçu le soutien de la Fondation Jean-Marc Probst pour le Petit Prince à Lausanne et un exemplaire a été offert à l’ancien président François Hollande lors d’une de ses visites à Besançon », se réjouit le fervent défenseur de ces langues oubliées. En septembre prochain, c’est Lucky Luke-Billy the Kid en franc-comtois qui verra le jour. « J’ai d’autres projets en cours dont Astérix, Boule et Bill ou encore Gaston Lagaffe », annonce celui qui compte prochainement rééditer son album en lui ajoutant sept nouveaux morceaux. Et comme on dit chez nous, « grante vétiaince è lai Fraintche-Comtè » ! (*longue vie à la Franche-Comté)