Chirurgien-dentiste, telle est la carrière à laquelle se destinait Carlos Liguori. De son propre aveu, il n’avait rien du bon élève jusqu’à débuter sa formation en école d’odontologie dans son Brésil natal. « Les gestes me semblait naturels », se souvient-il. Pourtant, cet homme jovial a fait ses premiers pas professionnels dans l’entreprise familiale fondée par son père Carmino en 1965 : Penina. « Quand je faisais des bêtises ou pendant l’été, je travaillais dans l’usine de production et transformation d’épices. J’ai vécu ma jeunesse là-bas, au conditionnement, à la production, comme commercial… » Mais impossible pour le jeune Carlos Liguori d’imaginer un avenir dans l’entreprise en raison d’un accord passé par son père avec son associé selon lequel aucun enfant des fondateurs ne pourrait prendre part à la gestion de l’entreprise...
Des histoires de famille
En 1988, l’associé de son père décède et Carlos Liguori peut rejoindre Penina. Pendant deux ans, il découvre toutes les facettes du monde des épices, un univers qui le passionne puisqu’il allie la cuisine, les voyages, le management. « Je n’ai jamais su faire les choses en partie, il faut que je fasse tout à fond. » En 1992, il abandonne, non sans difficulté, sa carrière de chirurgien-dentiste qu’il menait en parallèle et se consacre à Penina.
Pour être le meilleur dans cette nouvelle carrière, il reprend des cours du soir pour obtenir un master en commerce extérieur qu’il enrichit d’un MBA management en alternance entre le Brésil et le Canada. Pendant cette période, il travaille avec son père. « C’était un génie, un excellent professeur » insiste-t-il, casquette vissée sur la tête et large sourire aux lèvres. Ensemble, ils font grandir Penina qui produira 5.000 tonnes d’épices par an. En 2010, Carmino Liguori s’éteint sous les yeux de son fils, frappé d’une crise cardiaque au coeur de l’usine. « Je me retrouve alors avec quatre nouveaux associés, mes frères et demi-frères. Ils n’ont jamais travaillé dans ce secteur alors je me suis barré » raconte-t-il. La famille reste à la tête de Penina mais confie la gestion à un PDG.
L’aventure française...
Le moment était venu pour Carlos Liguori et sa femme de vivre leur rêve, celui de s’expatrier. Un projet de procédé de séchage d’herbes aromatiques et une rencontre déclencheront le choix de la destination : Dijon. Dommage pour la famille qui maîtrise l’anglais mais qui, en mai 2014, débarque en France. Très vite, Carlos Liguori créé l’entreprise qui deviendra Integral Foods. Dès le début, il s’entoure. Tiffany Schmit, étudiante à Agrosup, réalise avec lui son stage de fin d’études. Elle deviendra son indispensable bras droit. « Elle parlait l’anglais quand je ne parlais pas encore un mot de français, explique-t-il avec son accent ensoleillé. Je me sentais un extraterrestre quand tout le monde discutait à l’heure du déjeuner à la Maison de l’innovation. »
« Je n’ai jamais su faire les choses en partie, il faut que je fasse tout à fond. »
Le projet initial n’aboutira pas mais conduit Carlos Liguori à renouer avec l’univers de Penina. « J’ai retrouvé les odeurs et j’ai compris qu’il y avait quelque chose à faire. » Il se forme alors au marketing digital pour tenter de commercialiser son concept : des épices de qualité présentés en toute transparence. La nouvelle aventure commence avec du paprika de Hongrie sous la marque la Brigade des épices. « On a lancé la vente en ligne mais ça n’a rien donné. »
...Ou presque
Un chef dijonnais réputé teste toutefois les produits et en devient le premier ambassadeur. « Il a parlé de nous à un responsable national de Metro qui nous a contactés. On a saisi cette opportunité incroyable. Fuck off le marketing digital ! » À partir de 2019, les choses se mettent peu à peu en place : la Brigade des épices s’installe dans les cuisines de restaurants. Pour accompagner sa croissance, Integral Foods déménage dans de nouveaux locaux à Saint-Appolinaire en mars 2020… « Avec la Covid, nous avons d’abord cru que l’aventure était finie car nos clients restaurateurs ont été touchés mais on a fait preuve de résilience en nous ouvrant aux particuliers. »
En parallèle, l’entreprise aux quatre salariés s’ouvre aux industriels avec des mélanges d’épices pour des sauces et du snacking. À l’écoute des tendances, Carlos Liguori conçoit une collection consacrée au barbecue et participe au salon dédié en avril 2024 à Paris : un succès. « On faisait une vente par minute ! » Le chef d’entreprise estime alors que son projet est assez mature pour retrouver l’univers digital et ouvre une boutique en ligne. Désormais, la Brigade des épices produit 60 à 80 tonnes de mélanges d’épices par an et compte plus de 300 références, 100 % naturelles, en provenance du monde entier. Pour imaginer ses recettes, Carlos Liguori cherche comment magnifier les plats en alliant son expérience, son goût pour la cuisine et « un petit quelque chose qui ne s’explique pas. »