« Je suis originaire de nulle part », sourit Céline Blandin derrière ses grandes lunettes, elle qui a suivi les mutations de son père militaire du Nord-Pas-de-Calais à la Bourgogne passant par la Normandie jusqu’à aboutir à Cluny.
Alors qu’elle visait un bac littéraire, ses parents, qui refusent de l’envoyer en internat, la contraignent à intégrer le lycée voisin dont la filière souhaitée est absente.
Rejetant les mathématiques, elle s’oriente vers le génie électro-technique. « Ça ne m’attirait pas et je me suis demandée où je tombais. J’ai compris le premier jour en voyant le nombre de garçons dans la classe et en lisant mécanique, électrotechnique ou automatisme sur l’emploi du temps. Finalement, y’avait beaucoup de maths ! »
Céline Blandin débute son année en pensant redoubler pour se réorienter mais se ravise pour avoir son bac. Pompier volontaire, elle s’imagine désormais rejoindre l’armée une fois le diplôme obtenu. Changement de programme quand elle échoue aux examens et redouble.
Pendant l’année scolaire, les hasards de la vie mettront un enseignant sur sa route. Il l’encourage à intégrer un BTS Technico-commercial après son bac. « Je voyais ça comme un plan B si j’échouais avec l’armée. »
Son bac en poche, de justesse, elle suit son projet et passe les tests d’entrée dans l’armée mais se blesse et n’est pas retenue.
Plan B
La pétillante jeune femme intègre alors le BTS technico-commercial, une fois de plus sans savoir de quoi il s’agit. « Je retrouve ce professeur qui m’a fait évoluer et réussir jusqu’à devenir major de promotion », se souvient la trentenaire.
Jeune maman au sortir de son cursus, son projet de poursuite d’études s’en trouve bouleversé. Très vite, son dynamisme et son envie de retourner au travail sont trop forts.
Elle contacte Sonepar, spécialiste de la vente de matériel électrique, où elle a réalisé son stage, alliant les compétences acquises pendant son bac à celles du BTS. « On m’a proposé trois postes, j’ai choisi d’être technico-commerciale itinérante à Beaune. J’ai déménagé avec toute la famille. »
Mère pour la seconde fois, elle veut poser un peu ses valises et opte pour une version sédentaire de son travail. « Je ne me sentais pas à ma place. »
Le hasard des rencontres
Un de ses clients, Elec’Trum, à Levernois, lui exprime alors son souhait de l’embaucher sur ses chantiers. « J’avais peur de mes lacunes en électricité mais il a proposé de me former. Ça semblait déraisonnable mais j’ai accepté. »
Céline Blandin échange sa tenue de commerciale contre un bleu de travail et une caisse à outil et débarque chez Elec’Trum, spécialisée dans l’électricité et l’automatisme industriel, en tant qu’électrotechnicienne dans une équipe de trois salariés.
Très vite, il ne reste que Céline Blandin, le chef d’entreprise et un alternant. « J’ai récupéré la responsabilité de cheffe de chantier. En parallèle, la question de la retraite du dirigeant a commencé à se poser. »
Finalement, la décision coule de source et Céline Blandin s’engage à reprendre la société en juillet 2022.
Elec’Trum travaille sur les circuits électriques, non pas aux côtés des particuliers, mais pour concevoir des systèmes complets destinés aux industries et aux entreprises du tertiaire.
« Nous partons d’une page blanche pour créer une machine ou une ligne de production. Le client m’explique la partie mécanique pour que je pense la partie électrique qui va la faire fonctionner. »
Le monde viticole mais aussi l’industrie agro-alimentaire ou encore les fabricants de machine sollicitent les compétences de la jeune dirigeante de 31 ans et de son équipe de trois personnes.
« Nous intervenons aussi sur la maintenance et le dépannage même s’il est toujours préférable de ne pas attendre le dernier moment, comme les vendanges, pour vérifier, sans pression, que les équipements fonctionnent. »
Histoire de femme
Fluette d’apparence, ses longs cheveux au rose dominant remontés en chignon, Céline Blandin dénote dans l’univers de l’électricité industrielle. « Alors que j’étais cheffe de chantier, je me souviens comme les clients ou d’autres corps de métier se montraient surpris que ce soit à moi qu’il faille s’adresser pour les décisions. »
Quelques remarques sexistes n’auront pas réussi à entacher la motivation et l’appétence de la jeune femme qui ne regrette ni ses choix ni son parcours. D’ailleurs, elle transforme ce que certains pourraient voir comme un inconvénient en atout.
« Les gens se souviennent de moi ! La présence d’une femme marque les esprits. »
Cheffe d’entreprise, elle tend la main à la jeune génération en accueillant les stagiaires féminines dès qu’elle reçoit une candidature et se réjouit d’accueillir sa première alternante à la rentrée prochaine.
Pour partager son quotidien de dirigeante, elle a rejoint le réseau Femmes des territoires. « J’ai constaté un décalage avec mon entourage vis-à-vis du statut de cheffe d’entreprise alors j’ai cherché à m’entourer et j’y ai trouvé de la bienveillance. »
Une qualité dont elle est également dotée. Dirigeante à l’écoute de ses équipes, privilégiant l’échange, elle se révèle également généreuse puisqu’elle prévoit de réaliser un trek au Sénégal au profit des associations Ruban rose pour lutter contre le cancer du sein et Cap Eco Solidaire pour construire des écoles dans le pays. Un projet pour lequel elle cherche encore des sponsors afin de boucler le budget. Avis aux partenaires potentiels.