À 50 ans, Christian Mary, président et fondateur du groupe de mécanique de précision Odyssée Technologies, quitte ses hautes fonctions chez Novartis, multinationale suisse née de la fusion en 1996 de Giba-Geigy (industrie chimique) et de Sandoz (géant du médicament), pour racheter une, puis deux, puis trois entreprises qui forment aujourd’hui le groupe Odyssée Technologies dont le siège social est situé sur la commune des Premiers Sapins dans le Doubs.
Dix ans plus tard, cette entreprise industrielle de haute technicité qui travaille pour la défense, l’aéronautique, le spatial et l’énergie prépare son entrée en bourse afin de lever 8 M€. « Avec un père passionné de technologie, j’ai toujours été attiré par l’industrie mais le déclic de l’entrepreneuriat, je l’ai eu sur le tard, un jour où en Espagne, j’étais chez un important client et que je me suis dit que je n’étais pas du bon côté, que j’aspirais moi aussi à vivre sa vie, son aventure de chef d’entreprise ». Avant de poursuivre plus avant dans l’odyssée de Christian Mary, au moment où celui-ci s’apprête à succomber aux sirènes du self made businessman, à tuer le cyclope pour changer définitivement de vie, prenons le temps de revenir en arrière, à la genèse du récit.
Entreprendre une seconde vie
Après avoir obtenu un BAC F2 en génie électronique, puis suivi la voie des classes préparatoires Math Sup, Math Spé, à Montbéliard, et de l’école nationale supérieure des Industries textiles à Mulhouse, Christian Mary est embauché en 2005 comme technicien commercial chez Ciba-Geigy à Bâle. « Je devais notamment étudier la concurrence, puis j’ai été muté deux ans aux États-Unis, une expérience très formatrice dans un pays beaucoup plus ouvert aux jeunes que la France. À mon retour j’ai pris des responsabilités gérant l’ensemble des ventes pour le continent américain. Au début des années 2000, avec le déclin du textile, l’entreprise se réoriente vers la plasturgie et je deviens responsable de l’équipe des ventes dédiée à la promotion des pigments et additifs pour l’industrie du plastique, incluant les produits fabriqués par BASF ».
Nous sommes alors en 2011 et c’est là que Christian Mary commence à murir son envie de changer de costume. Il intègre alors un cycle à L’ESSEC qui prépare à la reprise d’entreprise. Il y rencontre des profils comparables au sien, pour la plupart employés de grands groupes, la cinquantaine bourgeonnante... « Avec ce module, j’ai pu calibrer les ambitions à la mesure de mes capitaux disponibles, maitriser l’idéation, l’analyse de marché, la construction d’un business model... ».
« Plus j’avançais dans ma carrière plus j’avais envie de vivre la vie de mes clients »
Pendant deux ans, avec une petite équipe d’avocat, il entreprend d’auditer plusieurs entreprises, avant d’être mis en contact avec le dispositif Visa Reprise de la CCI Saône-Doubs, dirigé par Pierre Lacanal qui le met en relation avec Henry et Roland Gresset fondateurs de l’entreprise Gresset et associés (7,2 M€ de CA en 2023, 53 salariés) basée sur la commune des Premiers Sapins dans le Doubs. « Quand j’ai effectué ce premier rachat, le 7 janvier 2012, l’entreprise avait un défaut : 99,7 % de son chiffre d’affaires dépendait d’un seul client : Safran. J’ai donc cherché à capter de nouveaux marchés pour sécuriser la croissance mais la tâche s’est avérée beaucoup plus lente que prévue, j’ai donc opté pour une stratégie de croissance externe en me portant acquéreur d’une seconde société en 2015 », raconte Christian Mary.
L’élue est basée à Tarbes et s’appelle Société nouvelle Lafourcade (SNL). Elle affiche un CA de 5,3 M€ en 2023 et compte 46 collaborateurs. « Spécialisée dans le spatial et l’énergie, cette acquisition a généré un effet groupe qui nous a permis de dynamiser notre diversification ». En 2020, le rachat de Précision mécanique de Brive (PMB) (7,3 M€ de CA en 2023, 69 salariés) « alors dirigée par un entrepreneur de 86 ans mis sous forte pression par ses clients de faire valoir ses droits à la retraite », complète un groupe qui prend le nom d’Odyssée Technologies en 2022.
Cette holding présente un CA de 20 M€, 1 M€ de bénéfice net et 4,8 M€ de fonds propres consolidés. Elle compte 185 personnes spécialisées sur des savoir-faire clairement définis : tournage, fraisage 3, 4 et 5 axes, rectification et électroérosion. « Nous avons un positionnement sur des marchés en croissance : aéronautique qui représente 61 % de notre activité (60 % dans le civil et 40 % dans la défense), énergie (9 %), défense (8 %), spatial (3 %), et machines spéciales pour l’industrie pharmaceutique notamment (11 %). Nous avons une expérience reconnue dans la réalisation de pièces de haut niveau technique : corps hydrauliques pour l’aviation, guides d’onde pour les satellites, pièce du train d’atterrissage du rafale (700 côtes à respecter)... Nous entretenons avec nos clients assembleurs ou fournisseurs de rang 1 des relations de long terme. Ainsi, l’acquisition de nouveaux clients prend entre 3 à 4 ans », confie Christian Mary.
Entrée en bourse et nouvelle acquisition
Aujourd’hui pour poursuivre son développement, le groupe dont le parc machine est évalué à 25 M€ et qui représente une contrainte très forte en termes de capitaux se prépare à une entrée en bourse en septembre. « Nous prévoyons une levée de fonds de 8 M€ avec une valorisation entre 25 et 30 M€, ce qui représenterait une dilution de propriété entre 20 et 24 %. L’idée est d’aller chercher un maximum de fonds notamment pour poursuivre la robotisation de nos usines (source à la fois de gains de productivité et d’attractivité pour capter de nouveaux clients) avec deux projets (nouvelles machines et îlots de production) à plusieurs millions d’euros aux Premiers Sapins et à Tarbes, pour de futurs travaux d’extension de notre site dans le Doubs (700 k€ d’investissement), pour changer notre progiciel de gestion des processus de l’entreprise, y compris RH, en y intégrant davantage d’IA et pour poursuivre notre stratégie de croissance externe afin de consolider nos métiers et élargir notre clientèle », développe le président.
Cette entrée en bourse est accompagnée par le banquier d’affaire parisien Louis Thannberger, président d’IPO n°1, qui s’est notamment déjà occupé de la cotation boursière du groupe Guillin à Ornans et de Delfingen à Anteuil : « Avec cette opération, Odyssée Technologies devrait voir son CA progresser de 10 à 15 % par an et son bénéfice net de 20 à 25 % au cours des cinq années à venir et cela hors croissance externe. » « L’objectif du groupe est d’augmenter nos ventes de 50 % à l’horizon 2028. Nous souhaitons maintenir notre trésorerie d’exploitation à 4 M€ sur cinq ans pour être prêts à une nouvelle acquisition d’entreprise dont la cible est déjà définie », ajoute Christian Mary.