« J’ai un profil couteau suisse », reconnaît Émilie Acquistapace. Si la trajectoire de la nouvelle sous-préfète de Château-Chinon, qui a pris son poste dans la Nièvre le 16 septembre dernier, peut être qualifiée « d’atypique » et forcer l’admiration du plus grand nombre, c’est avant tout parce qu’il est plutôt rare qu’un haut fonctionnaire chargé de représenter l’État, soit également barreuse d’aviron, multimédaillée et championne paralympique ! Le point commun qui relie ces deux fonctions a priori si différentes ? C’est certainement le sens de l’engagement, de l’effort et du collectif. Tout ce qui définit cette femme affable, déterminée et dynamique de 36 ans.
Dans son bureau, à la sous-préfecture, parée de son costume officiel bleu nuit, de son tricorne et de ses gants blancs, Émilie Acquistapace semble avoir laissé au vestiaire son uniforme de sportive de haut niveau. Sans regret elle affirme en effet « avoir tourné une page pour pouvoir se consacrer entièrement à son nouveau poste. Je sais qu’il réclame de la disponibilité et de l’engagement ».
Si l’effervescence vécue aux Jeux Paralympiques semble déjà loin, elle avoue en conserver un souvenir ému. Faut-il rappeler que le 1er septembre dernier, quelques jours avant son arrivée dans la capitale morvandelle, Émilie Acquistapace a réalisé l’un de ses plus beaux records sportifs à Vaires-sur-Marne ? En décrochant, à six centièmes de la 4e place, le bronze en para-aviron, en catégorie PR3 quatre de pointe mixte aux côtés des rameurs Margot Boulet, Rémy Taranto, Candyce Chafa et Grégoire Bireau, elle a bel et bien prouvé qu’elle était à l’acmé de sa carrière d’athlète. « Nous sommes particulièrement fiers d’avoir pu remporter cette médaille d’aviron handisport, à Paris, devant 15.000 spectateurs. C’est aussi un accomplissement personnel, après trois années d’engagement total, rythmées par un entraînement quotidien intensif. »
Championne de haut-niveau
Née à Lille le 8 août 1988, Émilie Acquistapace arrive en Savoie à l’âge de deux ans. Elle découvre sa future discipline au collège. « J’ai participé à une classe d’aviron. Ce sport d’endurance, exigeant et addictif, m’a immédiatement séduite. » Licenciée du Club Nautique Chambéry le Bourget-du-Lac, à partir de 2002, elle devient vite barreuse. C’est elle qui se charge de la direction du bateau et qui surveille les tactiques des autres concurrents. De 2005 à 2006, elle intègre l’équipe de France junior. Elle ne cesse de se distinguer.
Elle remporte de nombreuses victoires en équipe et comptabilise vingt-six médailles ! On la remarque dans tous les championnats hexagonaux : Coupe de France, Championnats de France, Championnats de France de Mer. Elle est triplement médaillée d’or au « World Rowing Master Regatta » en 2023 à Pretoria, en Afrique du Sud. Aux Championnats d’Europe, elle décroche l’argent à deux reprises, à Munich, en Allemagne, en 2022 et à Szeged, en Hongrie, en 2024. Elle obtient des performances identiques en Coupe du monde et en Championnats du monde…
« C’est le “faire ensemble” qui m’anime, l’esprit de l’intérêt général »
Elle intègre l’équipe paralympique en 2022. L’entraînement nécessaire pour se qualifier aux Jeux de Paris 2024 est astreignant. Seuls les bateaux les plus rapides se qualifient pour la finale. La puissance technique, la synchronisation et la vitesse déterminent la performance et la qualification. Et il lui faut maintenir un poids de 55 kg pour ses 1,62 m. « Pour être sélectionné aux JO, il faut être le plus performant possible. Cela réclame une hygiène de vie sans faille, de la stratégie et une relation de confiance avec ses partenaires. On travaille en moyenne trois heures, trois fois par jour. » Et le travail paie : en 2023, elle se hisse avec son équipe à la cinquième place. La suite, tout le monde la connaît.
Tête bien faite
Émilie Acquistapace n’est pas seulement championne olympique. Elle est par ailleurs diplômée de l’École de guerre économique, de Sciences Po Lille et de l’École supérieure des officiers de réserve spécialistes d’état-major. Après avoir donné naissance à sa fille, en 2013, elle occupe de 2014 à 2017 le poste de directrice de cabinet de la ville d’Arques , dans le Pas-de-Calais. « J’ai travaillé sur les dossiers de reconversion urbaine avec les porteurs fonciers, les bailleurs et les élus. Une expérience très enrichissante. » Elle est ensuite « déployée entre autres pour les opérations [anti-terroristes islamistes] Chammal au Moyen-Orient et Barkhane au Mali en qualité de réserviste ».
En 2020, elle devient première adjointe de sa commune, le Bourget-du-lac, en Savoie. Lorsqu’elle apprend, le 7 août dernier, par décret du Président de la République, qu’elle est nommée sous-préfète de Château-Chinon, tout s’enchaîne. Elle accepte cette affectation, démissionne pour sa prise de poste, remporte les JO et déménage dans la Nièvre quelques jours plus tard. Désormais, Émilie Acquistapace, qui succède à Yosr Kbairi, découvre avec curiosité le Morvan. « C’est un endroit magnifique. » Elle précise : « C’est le faire ensemble qui m’anime. L’esprit de l’intérêt général. Je veux servir et agir positivement. Je souhaite être sur le terrain pour bien comprendre la réalité, mesurer les enjeux et mener à bien mes différentes missions. » On l’aura compris : s’engager pleinement, comme toujours. Obtenir des résultats. Trouver des solutions. Tels sont les nouveaux objectifs d’Émilie Acquistapace.