Des rencontres et un certain facteur chance auront rythmé sa carrière jusqu’à faire l’acquisition en janvier 2020 de la célèbre Maison Philippe Le Bon, à Dijon, bien loin du triptyque métro-boulot-dodo de la vie parisienne qui l’a animée les quinze premières années de sa vie professionnelle. Originaire de Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, Estelle Molin est avant tout une commerciale aguerrie. Après un rapide passage dans la banque où elle commercialisait des photocopieurs, elle intègre l’univers de la tech un peu par hasard. « J’ai eu beaucoup d’opportunités dans ma vie, j’ai toujours rencontré des personnes qui m’ont emportée dans un domaine dans lequel je n’aurais jamais pensé pouvoir faire un petit bout de chemin, estime-t-elle. Pour moi qui sortais du milieu bancaire, mon recrutement dans la tech était complètement hallucinant. Je passais d’un milieu très codifié à un environnement très ouvert et libre. Mais je suis quelqu’un qui s’adapte assez rapidement et ça a été une chance inouïe que de travailler dans la tech, à son apogée dans les années 2000 ».
L’infogérance et l’hébergement de données aura en effet été son quotidien, tout en gravissant les échelons jusqu’à devenir responsable commerciale. « J’avais une équipe de 15 personnes basées dans diverses villes de France… cette partie management m’a beaucoup plu. » Ce sera d’ailleurs dans cette entreprise qu’elle rencontrera celui qui deviendra son mari, Pierre Molin. « En 2012, il décide de monter sa propre structure sur le même système avec la particularité qu’il travaillait plutôt sur de l’open source, détaille-t-elle. Finalement, deux ans plus tard, il sera approché par les Américains et prendra la décision de vendre son entreprise à Red Hat qui a elle-même été rachetée par IBM dans la foulée ».
Tout lâcher pour investir
Cette étape marquera sans doute un tournant dans leur vie professionnelle, mais aussi dans leur vie de famille. Parents de deux fils, ils en profitent pour se marier et se remettre en question. « Même si nous avons eu beaucoup de travail et que nous ne comptions pas nos heures, nous avons décroché de beaux contrats avec de très belles entreprises, se souvient-elle. Mais je commençais moi-même à fatiguer et nous avons donc décidé de tout lâcher pour investir ». Si aujourd’hui, le couple à la ville comme à la scène est propriétaire de trois établissements hôteliers, l’aventure a débuté à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, avec le rachat d’un terrain pour y construire leur premier hôtel.
« Nous sommes très attachés à l’histoire du lieu que nous aimons particulièrement raconter à nos clients. »
« Nous avons eu un véritable coup de cœur pour ce lieu qui abritait une ancienne imprimerie et nous avons d’ailleurs choisi de nommer l’établissement L’Imprimerie. » Deux années leur auront suffi pour remettre le couvert. « Le milieu de l’hôtellerie et de la restauration est un petit milieu et on nous a rapidement présenté une deuxième affaire à Reims, dans la Marne. » Cette fois, c’est une ancienne caserne de pompier, la caserne Chanzy, qu’ils acquièrent avant d’entamer de lourds travaux : « la façade étant classée aux bâtiments de France, nous avons dû la conserver, mais nous avons détruit tout ce qui était à l’intérieur sauf la tour de séchage, où ils faisaient sécher les tuyaux, pour construire notre établissement entoure cette tour, sur le parvis de la cathédrale ».
Du Champagne au Bourgogne
Alors que les deux premiers établissements sont la propriété de plusieurs familles, c’est finalement à Dijon qu’Estelle et Pierre Molin ont réalisé leur première acquisition seuls. « Lorsque nous nous sommes retrouvés à l’intérieur de la Maison Philippe Le Bon, nous avons tout de suite été charmés par le lieu et par cette ville qui raconte l’histoire des Ducs de Bourgogne, loin des tumultes de la vie parisienne, confie Estelle Molin. Nous sommes très attachés à l’histoire que raconte chacun de nos établissements ». S’ils partagent aujourd’hui leur vie entre la région parisienne et Dijon par alternance tous les 15 jours, c’est aussi l’équipe qui les a décidés à racheter l’établissement.
« L’équipe en place nous a plu, nous nous sommes tout de suite sentis bien avec eux, témoigne-t-elle. D’ailleurs, tout le monde a été intégré au projet et a pu donner son avis… Ils ont plein d’idées et de besoins et c’est important d’avoir cette proximité ». Pourtant, l’affaire n’était pas courue d’avance : « Nous avons signé en janvier 2020 et le 16 mars nous étions tous en confinement. Ça a été très compliqué. Nous ne connaissions les équipes que très peu et il a été très important de garder le lien pendant toute cette période difficile. Nous avons réussi à faire tenir les équipes et nous en sommes très heureux ». Un management positif et une agilité qui font aujourd’hui les valeurs et l’ADN de la Maison Philippe Le Bon.
« Les chefs de service, alors dans un système pyramidal, ont été responsabilisés et nous avons remis l’échange au centre des préoccupations. » Estelle Molin confie d’ailleurs voir son établissement comme « un laboratoire géant » et donne à ses équipes l’opportunité de tester des choses. Certaines fonctionnent, d’autres moins, à l’image du brunch et des soirées à thème le jeudi. « Nous essayons toujours de dynamiser ce bel endroit assez unique dans Dijon avec sa cour classée, sa terrasse dans un écrin de verdure et sa multitude de caveaux, pas encore tous exploités », reconnaît-t-elle. De quoi avoir encore un potentiel de projets suffisant pour amener à allier le bien-être des salariés avec les besoins de l’entreprise.