

Née d’un père américain, avocat en propriété industrielle, et d’une mère française, enseignante en lettre classique, Ève George a principalement passé son enfance à Paris avec de nombreux passages à Chicago. « J’ai été éduquée au parcours classique des études mais, j’avais beau avoir de bons résultats, dès le collège, je ne me suis pas sentie à ma place dans ce parcours scolaire », se souvient Eve George, 33 ans. Pour trouver sa voie, elle visite notamment l’école Boulle à Paris, école supérieure des arts appliqués et un lycée des métiers d’art, de l’architecture intérieure et du design. « J’ai rejoint l’établissement à 15 ans dans une petite classe avec un environnement moins scolaire. » Séduite par la dimension pragmatique des apprentissages, elle s’épanouit de plus en plus. « Le côté arts appliqués me semblait bien plus ancré dans la réalité que d’autres apprentissages. L’école Boulle était un peu magique même si je n’avais encore aucune idée de ce j’allais faire. » Ève George intègre donc l’école en 2007 et y obtient un bac art appliqué avant de poursuivre par l’équivalent d’un BTS Design d’objets qu’elle complète d’une année professionnalisante. Elle en sort en 2012.
Séduite par la danse du verre

« J’ai d’abord expérimenté le travail du bois et du métal », raconte Ève George qui n’avait pas d’appétence particulière pour le verre. « J’ai découvert le travail en atelier avec le verre en fusion. Ça a été une rencontre avec ce matériau qui se transforme, une lave qui coule, un mouvement semblable à une danse, une ronde des verriers qui conduit à la création d’objets. J’ai trouvé ça fascinant. » La jeune femme aux longs cheveux bruns rejoint ensuite le centre international d’art verrier, CIAV, en Moselle et apprend que son arrière-grand-père, qu’elle n’a jamais connu, a dirigé une verrerie sur ce territoire. « Depuis, son usine a fermé pour laisser sa place à l’école où je me suis formée. » En parallèle, elle constate que la profession de verrier s’exerce surtout dans une industrie de plus en plus digitalisée avec un design numérique. « Je voulais plutôt de la concrétisation, travailler dans les ateliers. J’ai occupé quelques postes de designer en agence mais je m’interrogeais sur la suite de mon parcours. »
Pendant sa formation, Ève George rencontre Laurent Fichot, verrier de profession. Les deux artisans débutent une collaboration. En 2013, la jeune femme poursuit son parcours à l’école nationale supérieure de création industrielle, ENSCI, à Paris où elle obtient, au bout de deux ans, l’équivalent d’un master en design. Désireux de poursuivre leur collaboration pendant cette période, les deux verriers mènent une première exposition puis enchainent avec des publications et d’autres travaux conjoints.
Pour donner corps à leurs ambitions, ils acquièrent une ruine à Mont-Saint-Jean en Côte-d’Or avec le projet de la transformer en atelier de verrier. « La semaine, je suivais mes études à l’ENSCI et le week-end, je rejoignais Laurent pour faire les travaux. » Les choses se mettent peu à peu en place mais une question émerge de leur association : le manque de compétences d’Ève dans le soufflage de verre. « Nous ne voulions pas que l’un devienne l’élève de l’autre », insiste Ève George.

Qu’à cela ne tienne, la verrière rejoint cette fois Nancy pour passer un CAP art du verre et du cristal avec spécialité en soufflage du verre. Elle enrichit encore son parcours en devenant compagnon verrier européen et finalise l’ensemble avec une formation de concepteur – créateur pour acquérir les bases du modèle entrepreneurial en se penchant sur la gestion tout autant que sur l’identité, la marque…
Les bases de l’Atelier George sont posées et l’entreprise voit le jour officiellement en juillet 2017 avec un site internet et une première collection qui sera exposée à Paris à l’occasion de la Design Week en septembre 2017.
Une reconnaissance rapide
Les choses s’enchainent ensuite très vite pour l’atelier des verriers qui obtient de nombreuses récompenses comme le prix de la jeune créatrice des métiers d’art de l’atelier d’art de France. « Il n’y a que peu de femmes dans le secteur et les distinctions nous ont fait connaitre. » Ève George a également été lauréate de la fondation Rémy Cointreau ou encore des fondations de la Banque populaire ou Hermès, et même de la villa Albertine sur le sol américain.
Au fil des ans, les deux associés ont réalisé trois collections et préparent actuellement la quatrième. « Nous avons un catalogue fourni fait de luminaires, d’objets d’art de la table, de décoration, de poignées de porte… On y retrouve tout ce qui est lié à l’architecture d’intérieur », détaille Ève George avant d’expliquer la démarche : « Nous réfléchissons à une thématique et la déclinons. » La prochaine a été pensée autour de la brume. « Nous avons cherché à voir comment le verre peut ressembler à la pluie, à l’eau dans tous ses états, du givre à la grêle en passant par les ondes. » La collection devrait sortir en 2026 ou en 2027, selon le temps laissé par les autres travaux.

Si quelques particuliers achètent directement des pièces, l’Atelier George s’adresse surtout aux professionnels de l’architecture d’intérieur, aux décorateurs et aux galeries. « Nous avons aussi une activité de commandes mais tout se fait à partir de nos dessins. » Récemment, Ève George et Laurent Fichot ont répondu à une demande de la maison Cartier pour habiller ses vitrines ou encore à celle de la Maison de whisky Michel Couvreur pour le flaconnage. « On pense, on façonne le prototype à petite ou moyenne série en y apportant une valeur artistique. »
Pour répondre au mieux à cette clientèle, l’Atelier George s’est doté d’un second atelier à Paris. « Nous avions d’abord un bureau pour recevoir nos clients. Désormais, nous faisons aussi les finitions de montage mais aussi de la création. » Les artisans verriers ont également renforcé leur équipe en s’adjoignant les compétences d’une salariée tandis qu’ils participeront cette année encore, en septembre prochain, à la Design Week de Paris avec deux expositions.