Face caméra
Miguel Marquez. Comédien, humoriste et animateur, cette figure incontournable du Sénonais a créé il y a six ans La télé de l’Yonne, une web-TV portée par des adolescents et encadrée par des professionnels, qui ne cesse de grandir. Au point de devenir une référence en la matière.
C’est l’histoire d’un mec qui n’a jamais cessé de croire en ses rêves, ceux de monter sur les planches et de transmettre sa passion aux autres, et en particulier aux plus jeunes qui, comme lui, n’ont pas eu la chance de pousser les portes d’un cours de théâtre parisien. Un gamin qui a quitté le collège à 15 ans parce que cela ne lui suffisait plus de faire seulement rire ses camarades et ses professeurs. « Je rêvais de jouer les jeunes premiers, de briller devant la caméra et d’amuser les spectateurs. » Aujourd’hui encore, le directeur de La télé de l’Yonne ne cesse de le répéter : « Je suis un enfant de la mission locale. Ils m’ont remis dans le droit chemin. Grâce à cette structure, j’ai obtenu mon Bafa et découvert que je prenais un réel plaisir à encadrer les jeunes, sans pour autant abandonner mes envies de percer dans le métier. »
« Nous ne voulons plus voir partir nos ados, à Paris ou ailleurs, pour poursuivre de couteuses études d’audiovisuel alors que nous sommes suffisamment équipés ».
Car derrière son éternel sourire et sa gouaille d’amuseur public, Miguel Marquez cache une force de caractère peu commune. Comme en témoigne cette anecdote survenue alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années. À cette époque, le Sénonais travaille, entre deux castings et des seconds rôles, en intérim. « Le parcours classique du comédien qui galère pour vivre de sa passion. » Le soir, il joue avec une dizaine de copains à la MJC de Sens les sketchs de ses idoles d’alors, Albert Dupontel, Guy Bedos, Raymond Devos ou Smaïn. « J’apprends par hasard qu’un comédien vient de s’installer à Sens et je souhaitais absolument le rencontrer mais je ne savais pas qui c’était et où il habitait. » Pendant des semaines, il mène une traque sans relâche pour découvrir son nom et son adresse jusqu’au jour, où il aperçoit Michel Crémadès - « le plus célèbre des seconds rôles du cinéma français, dont tout le monde connaît la tête mais personne ne retient le nom » - rentrer dans un immeuble. « J’ai pris ma plus belle plume et je lui ai écrit une lettre bourrée de fautes où je lui faisais part de mes ambitions de faire du théâtre et du cinéma mais je n’ai pas eu de réponse. Alors je lui en ai écrit une deuxième, puis une troisième, jusqu’à véritablement le harceler », sourit-il. Des mois passent jusqu’à ce soir où il répète avec sa troupe de joyeux drilles et voit débarquer l’acteur des Ripoux et d’Astérix et Obélix. En peignoir et chaussons. « Il m’a dit : “tu vas arrêter de me casser les pieds ! J’allais venir te voir mais en ce moment j’ai du boulot…”. Depuis ce jour-là, nous sommes devenus amis et Michel est devenu le fil rouge de tout ce que j’ai entrepris. Il a été d’un précieux conseil et, encore aujourd’hui, nous nous appelons très souvent. »
Après avoir créé sa société de production, Miguel Marquez se lance dans l’écriture et la mise en scène. Il partage alors son temps entre les tournées théâtrales en France et la direction de centre de loisirs dans l’Yonne où il monte des ateliers d’improvisation et de montage vidéo. En 2013, alors qu’il joue son spectacle En vrac au théâtre de l’Alambic à Paris, il est invité par Jacky - l’ancien animateur-vedette de TF1 et impresario de Gainsbourg - à parler de son spectacle sur IDF1 et le courant passe entre les deux trublions. « Il m’a demandé de venir faire des happenings lors de son émission pendant quelques mois. C’est à ce moment-là que je me suis dit que ce serait génial d’avoir une télé dans l’Yonne faite par des jeunes pour faire découvrir notre territoire. » Pendant un an, il rédige son projet, frappe aux portes pour obtenir des financements et fédérer les bonnes volontés. L’idée séduit Dominique Chappuit, la maire de Rosoy où il donne des cours de théâtre. En 2015, ComCom TV, qui deviendra par la suite La télé de l’Yonne, est née et les premiers reportages sont tournés. Quelques mois plus tard, l’association se dote d’un véritable studio avec plateau télé, « post-prod » et salles de formation, parrainée par un certain Michel Crémadès.
Valoriser le territoire et la jeunesse
Six ans après le début de l’aventure, 2.000 reportages ou émissions à son actif et plus de 70 jeunes encadrés, le directeur de la structure est en passe de réussir son pari, malgré une crise sanitaire qui a quelque peu rebattu les cartes : offrir un véritable parcours de formation dans l’audiovisuel et devenir la « vitrine » du département. L’association s’est installée, il y a quelques jours, à Joigny dans des locaux plus fonctionnels et plus en phase avec ses velléités de développement. Outre la production de contenus journalistiques et les interventions en milieu scolaire, La télé de l’Yonne a aussi su mettre à profit son savoir-faire technique. De nombreuses collectivités territoriales font, désormais, appel à elle pour retransmettre en direct leurs assemblées comme, récemment, le conseil départemental de l’Yonne. « Qui reste très attentif à notre action », glisse malicieusement le quadragénaire. Les entreprises n’hésitent plus à faire appel aux moyens techniques et au savoir-faire de Miguel Marquez pour l’organisation de forum numérique ou le tournage de films promotionnels. « Nous allons poursuivre notre partenariat avec le Sens Volley 89 pour la retransmission des matchs pro de l’équipe féminine qui cartonne sur internet. »
« Néanmoins, notre mission première est l’encadrement et la formation de la jeunesse. Nous ne voulons plus voir partir nos ados, à Paris ou ailleurs, pour poursuivre de couteuses études d’audiovisuel alors que nous sommes suffisamment équipés. La transmission est essentielle. » Une transmission qui passe par davantage de reconnaissance et l’obtention d’un agrément de formation. « Nous travaillons en ce sens », confie Miguel Marquez. Et par une plus grande visibilité. Il y a deux ans, La télé de l’Yonne a été la cheville ouvrière, avec trois autres web-TV de la grande région, du Pôle audiovisuel de Bourgogne-Franche-Comté qui leur permet de mutualiser un certain nombre de ressources. Aujourd’hui, s’il confesse avoir beaucoup appris ces dernières années, le directeur-comédien se prend à rêver d’obtenir un canal dédié sur les box comme pour les plus grandes chaines de télé. Un rêve inaccessible, vraiment ?