« Un jour, j’ai vu un reportage sur Bernard Loiseau… Le personnage m’a fasciné et m’a vraiment donné envie de me lancer dans la cuisine. » Attiré depuis tout petit par les métiers de bouche – la boulangerie et la pâtisserie avant de découvrir la cuisine – le jeune creusotin se rêve pour autant pilote de chasse. « Malheureusement, ma vue ne correspondait pas aux critères de sélection », confie-t-il, sourire aux lèvres. À l’issue de ses deux journées d’appel, il fera tout de même part de son intérêt dans les questionnaires et sera même recontacté. « Finalement, pourquoi ne pas allier les deux et travailler dans la marine, sur un porte-avion, dans la restauration ? », pense-t-il alors.
Originaire du Creusot, François Pelletier a grandi en Saône-et-Loire avant de rejoindre la Côte-d’Or pour intégrer le lycée hôtelier Le Castel à Dijon. Entré après le collège, il en sortira six années plus tard, son BTS en poche. « Au Castel, j’ai eu la chance d’avoir de très bons profs de cuisine et je pense que c’est ce qui fait tout… Quand on est bien formé et qu’on nous a montré les bons gestes, le métier paraît tout de suite beaucoup plus facile. » Pendant son BTS, le jeune cuisinier s’inscrit au concours du bœuf et des races à viandes de France et rencontre, lors de la finale nationale à Paris, deux sous-chefs de Michel Roth du Ritz qui n’ont pas boudé leur intérêt pour son travail.
Du Ritz au Floris en passant par l’Élysée
« Après le BTS, j’avais imaginé deux options : intégrer l’IUFM [Institut universitaire de formation des maîtres aujourd’hui devenu Institut national supérieur du professorat et de l’éducation – Inspé, Ndlr] pour enseigner la cuisine ou passer une mention sommellerie, sans forcément quitter la cuisine mais plus pour renforcer mes connaissances », confie François Pelletier. S’il s’était promis de ne jamais aller travailler à Paris, c’est finalement dans la capitale qu’il décrochera ses premiers contrats. « J’ai eu la chance de pouvoir directement intégrer une grande et belle maison à la sortie du lycée, je n’ai pas trop réfléchi avant d’accepter », témoigne celui qui avait fait ses armes aux côtés du chef étoilé Jean-Pierre Billoux au Pré aux Clercs à Dijon. C’est donc les cuisines du Ritz qu’il intègre à tout juste 22 ans en tant que deuxième commis.
« L’idée est de se faire plaisir et de faire des recherches pour apporter de nouvelles techniques et proposer des textures différentes. »
« Au début il y a pas mal de pression, se souvient-il. Paris conserve une certaine mentalité et en venant de Dijon j’étais le petit campagnard. C’est sûr qu’en arrivant dans une cuisine avec 30 personnes, au début, c’est assez impressionnant. Mais bon, après, avec le travail qu’il y a, on n’a pas trop le temps de rêver… ». Il restera finalement dix ans dans celle que l’on surnomme la capitale de la gastronomie et fréquentera les plus belles tables de la Ville Lumière.
Premier commis puis demi-chef, il finira chef de partie au Ritz avant d’entrer à l’Élysée sous le même grade pour cuisiner sous la Présidence de la République de Jacques Chirac. Après un passage en tant que chef de partie chez Guy Savoy, il termine premier chef de partie au Café de la paix. « À l’issue de ce contrat, j’ai voulu changer et quitter la restauration gastronomique pour enseigner. » Il donnera pendant quatre ans des cours de cuisine à des particuliers au sein de l’Atelier des Chefs, avant de prendre la direction de la Haute-Savoie où il intègrera finalement le restaurant gastronomique suisse Le Floris comme sous-chef aux côtés de Claude Legras, meilleur ouvrier de France, deux étoiles et deux macarons Michelin.
Retour aux sources
« Après cette nouvelle expérience, j’ai voulu privilégier ma vie de famille, raconte le père de deux filles. Je me suis dirigé vers la restauration commerciale où j’étais chef gérant… Un beau tremplin qui m’a appris beaucoup sur la gestion d’un établissement. Des sujets qu’on n’aborde pas forcément lorsqu’on est salarié d’un restaurant classique ». Sept ans après, il rejoindra finalement sa Bourgogne natale pour se rapprocher de ses deux filles.
À 41 ans, François Pelletier a intégré depuis février les fourneaux des deux tables de l’Abbaye de la Bussière, le restaurant gastronomique étoilé Le 1131 et le Bistrot des Moines. Ne lui demandez pas comment reconnaître la patte “Pelletier”, humble et discret, il rétorquera qu’il apprend encore le métier de chef. Mais en poussant les portes de l’Abbaye de la Bussière, une cuisine classique où le chef et son équipe privilégieront la technique avec un maximum de trois à quatre saveurs attendra le client.
« Pour le moment, nous assurons les valeurs sûres et consolidons les bases, mais l’idée, c’est aussi de se faire plaisir et de faire des recherches pour apporter de nouvelles techniques et proposer des textures différentes », assure François Pelletier qui se rêve déjà meilleur ouvrier de France, dans les pas de son prédécesseur Guillaume Royer.
En attendant, le nouveau chef de la Bussière cherche à renforcer son équipe en cuisine et vient de lancer des recrutements pour trouver un commis de cuisine, un demi-chef et un chef pâtissier, ainsi qu’un chef de partie. « Dans l’idéal, il faudrait qu’on soit entre six et huit, estime-t-il. Après, c’est comme tout, il ne faut pas mélanger la qualité et la quantité. Il suffit que la personne ait envie et qu’elle soit motivée pour que la moitié du travail soit déjà fait ».