Une coupe Gambardella, deux coupes de France, une coupe de la Ligue et près d’une trentaine de matchs en coupe d’Europe… Le palmarès de Jean-Pascal Mignot témoigne à lui seul d’une brillante carrière sportive. Aux côtés des Philippe Mexès, Djibril Cissé ou encore Olivier Kapo, il est de ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’AJ Auxerre et pourtant, il s’étonnerait presque qu’on puisse l’en féliciter.
« Jean-Pascal est au quotidien tout le contraire de l’image qu’il dégageait sur un terrain », sourit l’un de ses collaborateurs. « Il est agréable et souriant. C’est un vrai bonheur de travailler avec lui. » Au début des années 2000, être attaquant de l’équipe adverse et se « frotter » à l’ancien défenseur central - il évoluait parfois sur le côté gauche - s’apparentait à tout sauf à une partie de plaisir. Infatigable, doté d’un fort tempérament et d’un pied gauche sûr, « je pouvais parfois me montrer rugueux, un peu limite même, mais jamais méchant » confesse-t-il.
Un joueur de club, fidèle et besogneux, dans lequel les supporters de l’Abbé-Deschamps se reconnaissent encore aujourd’hui. « J’ai toujours eu cette âme de compétiteur. C’est ce que je retrouve dans la fonction commerciale. » Avec VisionAir Led Technology, il déploie désormais ses solutions numériques - écrans géants et panneaux publicitaires dynamiques high-tech - aux quatre coins de la France, mais l’amour du ballon rond ne l’a pas quitté pour autant. « J’ai toujours rêvé d’être joueur professionnel. » Une voie qui semblait toute tracée mais qui sera loin d’être rectiligne.
Une histoire de famille
Aîné d’une famille normande de quatre enfants, Jean-Pascal Mignot traîne, dès l’âge de quatre ans, sur les terrains où son père, Bruno, s’entraînait. Joueur de football professionnel à Rouen et à Libourne notamment, ce dernier a eu pour coéquipier un certain Johnny Rep au Sporting Club de Bastia. Professeure d’EPS et handballeuse, sa mère, Agnès Lefel, a, quant à elle, porté le maillot de l’équipe de France et participé aux championnats du Monde. Son frère et ses deux sœurs ont, eux aussi, pratiqué le sport à haut niveau. S’il a marché sur les traces paternelles, c’est malgré tout « par la petite porte » qu’il entre dans le foot pro.
À l’adolescence, il intègre la section « Sport Études » du lycée Joseph-Fourrier, « l’antichambre de la formation professionnelle ». À cette époque, le centre de formation auxerrois touche à l’excellence et lorsqu’il s’entraîne avec « la génération dorée », il mesure le chemin qu’il lui reste à parcourir. « Quand j’ai débarqué à Auxerre, j’ai pris conscience que j’étais un bon joueur techniquement mais que j’étais moins doué que certains. J’avais néanmoins des atouts. J’étais gaucher, j’avais du caractère et je croyais en mes chances »
Le Cauchois travaille comme un forcené et fait peu à peu ses preuves, au point d’intégrer l’équipe des moins de 17 ans et de remporter la coupe Gambardella en 1999. « À 19 ans, je ne suis que dans la cinquième équipe de l’AJA et je dois me battre pour avoir ma place de titulaire en Promotion d’honneur… ». Un an et demi plus tard, appelé dans le « groupe », il dispute son premier match de Ligue 1 au stade de la Mosson à Montpellier et signe son premier contrat pro la saison suivante. À 21 ans, son rêve semble sur le point de se concrétiser mais pourrait bientôt virer au cauchemar…
Sommet de l’Europe
« Lors de saison 2001-2002, j’attrape un staphylocoque et mon pied triple de volume. Le staff m’envoie d’urgence au service d’infectiologie du CHU de Dijon et je comprends immédiatement la gravité de la situation », raconte-t-il. « Le chirurgien n’est d’ailleurs pas très rassurant, me parle d’un risque d’amputation et me fait comprendre que ma carrière était peut-être terminée. Elle ne faisait qu’à peine de commencer… »
Après une période de doutes, il s’accroche et trois mois plus tard revient dans le groupe pour devenir, au fil des saisons, un titulaire indiscutable. Au total, Jean-Pascal Mignot disputera 271 matchs avec le club à la croix de Malte. Durant ces neuf saisons, il est de toutes les campagnes. Des faits d’armes à jamais gravés dans sa mémoire, des anecdotes sur l’inénarrable Guy Roux, les hauts et les bas d’un sportif de haut niveau, l’ancien « aboyeur » a tout conservé intact.
« Je pouvais parfois me montrer rugueux, un peu limite même, mais jamais méchant. »
Comme ce match retour en tour préliminaire de Ligue des Champions contre le Zenit Saint-Pétersbourg, où le « stade est littéralement en fusion » et qui semble lui procurer aujourd’hui encore des frissons. Une victoire qui qualifie les Auxerrois « dans le groupe de la mort » composé, excusez du peu, du Real Madrid, du Milan AC et de l’Ajax Amsterdam. « La veille de jouer à San Siro, j’apprends que je vais devenir papa. Quand je pénètre dans le stade, je suis comme un gamin. Nous nous apprêtions à jouer contre une équipe incroyable, Maldini, Ibrahimovic, Ronaldinho, Seedorf… À la fin du match perdu 2-0, je suis désabusé et un peu paumé. Dans le rond central s’est alors approché Pirlo pour me proposer d’échanger son maillot et me féliciter pour ma prestation. J’ai été sidéré par la classe et l’humilité de cette légende du foot… J’ai tout de suite su que mon fils s’appellerait Andréa. »
Capitaine sans brassard
En 2011, après 14 ans passés sur les rives de l’Yonne, il rejoint les Verts de Saint-Étienne. Fabien Galtier, l’entraîneur d’alors, recherche un défenseur expérimenté et le solide trentenaire se laisse séduire par le projet sportif. Si la première partie de saison se déroule comme il l’espérait, une blessure l’éloigne du carré vert et il peine à retrouver son niveau. « J’étais moins bien dans ma tête et cela se ressentait sur mes performances. J’avais aussi beaucoup de mal à tourner la page d’Auxerre. » Après trois ans du côté du Forez et une coupe de la Ligue ajoutée à son palmarès, il rejoint le FC Sochaux-Montbéliard qui vient de connaître la relégation et avec lequel « le taulier » s’engage pour deux années de contrat et une en option.
« À 35 ans, j’étais devenu moins malléable et j’avais perdu en vitesse. Le temps était venu de raccrocher les crampons. » Avait-il pour autant anticipé sa reconversion ? « Quand vous êtes joueur professionnel, vous vivez dans une bulle et votre seule obsession est la performance. Quand cela s’arrête, ni le centre de formation, ni le club, ni l’UNFP (Union nationale de football professionnelle) vous prépare à l’après. J’ai eu la chance de recevoir une bonne éducation par mes parents, d’être bien entouré et bien conseillé. Sur le terrain, j’étais un leader naturel par ma position de défenseur central et après les matchs, j’ai toujours aimé aller à la rencontre des supporters, des sponsors et des dirigeants. De me confronter à la vie réelle. J’ai aussi fait quelques erreurs qui m’ont surtout permis d’apprendre. » Ne rien lâcher. Jamais.