Vous prônez l’émergence "d’entreprises à valeur humaine" en lieu et place des PME ?
Jean-Pierre Blanc. Nous représentons un tissu économique qui n’est malheureusement pas considéré, un tissu compliqué. TPE, PME, ETI, la confusion perdure, nous ne sommes ni des petites entreprises, ni des multinationales, certes, mais de ne pas être clairement identifiés nous cause préjudice, particulièrement vis-à-vis de l’Europe, avec notamment cette détermination de "seuils" qui ne sont plus du tout d’actualité. Ce que nous voulons faire passer comme message, c’est que nous ne sommes pas des multinationales en petit format, mais effectivement des entreprises à valeur humaine, différentes, qui donc ont besoin d’un statut différent.
Pourquoi ?
Tout a été fait pour faciliter le travail des multinationales, mais rien n’est acté pour appuyer les PME. Balance commerciale, réindustrialisation, que nous propose-t-on vraiment ? Ce statut, c’est une forme de reconnaissance, à l’instar de ce qui a été créé avec les Entreprises à Mission, qui ont connu un véritable succès. Il faut agir vite, si l’on veut conserver les belles structures indépendantes, patrimoniales, avant qu’elles ne soient rachetées par des grands groupes ou qu’elles ne disparaissent à la faveur des nombreuses transmissions qui se profilent dans les prochaines années. Il ne faudrait pas détruire un modèle par faute d’inattention, un modèle qui s’illustre sur une autre dimension, celles des hommes.
Quelles seraient les structures concernées par ce nouveau statut ?
Les entreprises patrimoniales, indépendantes, avec un chiffre d’affaires jusqu’à 350 millions d’euros. C’est-à-dire qu’il faut ouvrir le champ, par-delà les seuils. Si l’État nous écoute, ce champ élargi permettra une réelle prise en considération de ces "ex-PME/ETI" par rapport aux grands groupes. Car nous sommes malmenés, notamment au niveau de l’imposition, avec un taux de l’impôt sur les sociétés (IS) défavorable, aux alentours des 23%, là où les multinationales, elles, ne dépassent pas les 15 %... Alors qu’elles ne créent pas d’emplois, hormis du travail délocalisable qui se fait souvent à l’étranger. Nos entreprises à valeur humaine sont en France, sur des sites de production français, elles dynamisent nos territoires, elles créent de la consommation, ce sont elles qu’il faudrait en toute logique privilégier. C’est tout le sens de notre démarche.
« Nous constituons une force, et nous pouvons être une force pour le futur président de la République, encore faut-il nous considérer à notre juste valeur. Revenir à l’autonomie alimentaire, entamer la réindustrialisation, n’est-ce pas, quelque part, la preuve de l’utilité de toutes ces entreprises intermédiaires ? Car ce sont elles qui ont disparu, faute d’appui. »
Dans la droite ligne du mouvement Fabriqué en France...
C’est assez proche en effet, je dirais plutôt que c’est complémentaire. Le Fabriqué en France/Origine France Garantie doit remplir un certain nombre de critères en direction du consommateur, l’entreprise à valeur humaine, elle, relève plus du pur statut et des avantages qui y sont liés. On parle là de taxes, d’impôts, mais aussi d’accès aux marchés publics, pour lui donner des armes (au moins) égales à celles déployées pour les grands groupes. Nous n’avons pas peur des multinationales, il en faut, mais nous avons l’impression pérenne d’être à la fois bafoués, malmenés, un peu méprisés parfois.
Ce changement de statut sera-t-il suffisant ?
Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il y a un réel besoin de revenir sur le local, de revenir sur l’industrie aussi. Bien sûr il y a des aides, mais on ne les voit pas arriver... Je pense que ce nouveau statut est un premier pas en avant, il permettra d’attirer l’attention des pouvoirs publics -et la période est propice. Il faut tout faire pour aider ces entreprises à se développer. Au regard de ce qui a été fait par le gouvernement Macron, il y a eu de bonnes choses, mais sans doute pas assez pour les entreprises intermédiaires. Il faut aller encore plus loin qu’une baisse des impôts de production, il faut permettre aux entreprises, en baissant la fiscalité dans son ensemble, de réinvestir. Prenez le Crédit Impôt Recherche, à qui profite-t-il ? Aux multinationales, parce que c’est compliqué, parce qu’il faut pouvoir, en aval, assurer le développement de cette recherche. Si ce CIR était étendu au développement, c’est l’ensemble des entreprises qui y auraient accès, et qui pourraient alors investir pour recréer derrière. Sans rien coûter à l’État, en se rattrapant sur les bénéfices futurs. On ne cherche pas à pomper l’argent public, au contraire, nous voulons participer à un effort collectif, avec des idées.