

Né à Troyes en 1990, Johnny Humberset coule une enfance heureuse dans l’Aube en s’essayant parfois aux jeux vidéo de l’époque chez ses cousins. Quelques pixels sur l’écran d’une Atari 2600 ou d’une NES déjà vieillissante suffisent alors à envoyer ce bambin dans des univers fantastiques. À 8 ans, il reçoit en cadeau sa première console bien à lui : une Nintendo Game Boy noir et blanc des plus basiques, sur laquelle il ne possèdera finalement qu’une poignée de jeux. Loin d’imaginer que cette machine se retrouvera à nouveau sur son chemin dans un lointain futur, il poursuit ses études et décroche un BTS de Management des Unités Commerciales en 2010. Il part ensuite en direction de Dijon afin d’accompagner sa conjointe sur le lieu de ses études, en tout bon gentleman qui se respecte… et qui surtout cherche un emploi. Mais il se lasse rapidement du secteur de la vente et décide de suivre une envie qui le taraude depuis longtemps : enseigner. Le concours de professeur en lycée professionnel lui fait de l’oeil, mais pour le passer il doit tout d’abord se former à plusieurs technologies, dont la programmation. Il n’a que peu de latitude et de temps pour acquérir ces connaissances, et décide bille en tête d’apprendre de manière autodidacte grâce à des tutoriels sur Internet. Coup de chance, le sujet devient une véritable passion et Johnny commence littéralement à produire des ersatz de jeux vidéo pour mettre à l’épreuve ses capacités. La réussite au concours tant convoité n’est malheureusement pas au rendez-vous, mais c’est un mal pour un bien. Ses nouvelles créations font remonter en lui la nostalgie de sa vieille Game Boy, et surtout jaillir une idée folle mais brillante : pourquoi ne pas recréer des jeux sur cette machine qui n’est plus construite depuis plus de 20 ans ? Un projet qui paraît insensé à un oeil non averti, mais qui, associé à une logique commerciale ambitieuse, peut s’avérer excessivement pertinent dans une société qui valorise le vintage comme le pinacle de la mode. L’ancien se vend plus cher que le neuf, alors pourquoi ne pas créer de l’ancien et faire plaisir à tout le monde ?
Dijon en quelques pixels
Aussitôt dit, aussitôt fait, Johnny se lance dans la programmation d’un véritable jeu sur Game Boy avec le logiciel gratuit GB Studio et prend pour base de travail… le plan de Dijon. Il le transforme en mini-jeu destiné à découvrir les divers quartiers et monuments de la ville des Ducs de Bourgogne, comme s’il s’agissait d’un guide touristique un peu rétro. Il poste alors la version numérique de ce jeu - jouable gratuitement - sur son site internet, sans réelle conviction. Succès fulgurant : ce sont plus de 2.000 joueurs qui s’essayent à ce « Dijon GameBoy » le premier jour ! Johnny décide alors de créer son autoentreprise, de se renommer Johndo (un clin d’oeil à Nintendo et aux consoles disparues) et de produire une version physique de son jeu sur une cartouche Game Boy qui fonctionne réellement. Avec l’aide financière de l’association dijonnaise Replay et du réseau de certains magasins locaux, il parvient à produire et à vendre un volume inespéré de cartouches pour un projet aussi modeste. « Mon but ultime était de proposer mon jeu dans la boutique du Musée des Beaux-Arts de la ville de Dijon, puis de proposer le concept à d’autres villes de la région », nous avoue-t-il. Ce ne sera finalement pas le cas, mais Dijon GameBoy et son créateur vont tout de même largement intéresser les médias locaux. Johndo passe partout et est ainsi repéré par Frédéric Gien, qui grâce à sa société Arcade Legends propose des installations de jeux d’arcade lors d’événements divers et variés. Avec ce support logistique, tout s’enchaîne. Johndo se met à créer des jeux old-school pour diverses occasions prestigieuses et sociétés de renom : la Fashion Week de Paris, le concert de la rentrée de Dijon, le festival Main Square de la ville d’Arras, les éditions Delcourt… Adepte du grand écart, il va jusqu’à présenter un jeu nommé « Moutarde-Man » sur une borne d’arcade en forme de Game Boy géante à la Cité de la Gastronomie et du Vin de Dijon, alors que le Conseil Départemental de la Côte-d’Or lui commande un jeu permettant aux enfants de mieux comprendre les dangers du monde numérique (Côte-d’Or : la Quête du Numérique).
« Mon but ultime était de proposer mon jeu dans la boutique du Musée des Beaux-Arts de la ville de Dijon, puis de proposer le concept à d’autres villes de la région »
Ces collaborations vont générer un effet collatéral inattendu et lui permettre de conquérir le monde de l’enseignement qu’il apprécie tant par une porte dérobée. Et le spectre de son action est large, puisqu’il touche aussi bien les études supérieures que la petite enfance. Dijon Game Boy a en effet été traduit par les étudiants du master T2M (traduction multimédia) de l’Université de Dijon, et le réseau des bibliothèques de la ville de Dijon lui a offert la possibilité d’animer des ateliers de formations de jeunes enfants à la programmation de jeux vidéo.
Retour sur les cours
Ce même réseau lui commande également un jeu éducatif nommé « Le Mystère de la Bibliothèque Patrimoniale ». Le succès est total, et Johndo est à présent adoubé par toutes les institutions de la ville et du département. Mais il ne compte surtout pas s’arrêter en si bon chemin et continue de proposer ses services aussi originaux que décalés avec son autoentreprise Johndo Studio, de sortir régulièrement des jeux et de faire des apparitions remarquées dans la presse nationale. Une preuve de la viralité de ses créations ? Il a été cité dans une question du jeu télévisé populaire « Les 12 Coups de Midi » sur TF1. Il est décidément partout, même là où il ne va pas.