L’éternel baroudeur
Jérôme Ballet. De déménagements en déménagements, c’est un véritable tour de France des régions qui l’a porté jusqu’à Dijon il y a tout juste deux mois, pour prendre la présidence du directoire de la Caisse d’Épargne de Bourgogne Franche-Comté.
Une ville de plus à cocher sur la carte de la France pour Jérôme Ballet. S’il ne compte plus ses déménagements, ces derniers ont rythmé sa vie et forgé son caractère. « Le fait de déménager tout le temps, ce n’est pas drôle et mes cinq filles pourront en témoigner. Enfant, on ne vient jamais vous chercher dans la cour de récréation. Ces voyages m’ont obligé à aller vers les autres et ça m’a sûrement même aidé à développer une certaine curiosité », témoigne-t-il. D’un naturel timide, l’enfant qu’il était a bien dû mettre son tempérament de côté pour s’adapter et grandir. « Mon papa travaillait chez Saint-Gobain, où il y a fait toute sa carrière. Il était directeur de filiale et la politique du groupe à l’époque était de changer les directeurs de filiales tous les trois ou quatre ans », développe Jérôme Ballet. De Marseille où il est né à Caen, en passant par Nice, Angers, Nantes, Rennes, Angoulême, Rouen ou encore Bordeaux, il a ainsi arpenté tout le sud et l’ouest de la France avec ses parents, son frère et sa sœur, sans jamais réellement se poser. « Nous avions tout de même un fief familial ! Mes arrière-arrière-grands-parents avaient acheté une maison à Pornic, en Loire-Atlantique. Enfant, j’y passais les deux mois d’été et encore aujourd’hui j’y retourne forcément une fois par an pour retrouver tous mes cousins, oncles et tantes qui vivent encore sur place. » Cette enfance de baroudeur, Jérôme Ballet ne la regrette absolument pas, bien au contraire. « J’en ai finalement gardé quelque chose dans ma vie professionnelle : pouvoir bouger, voir d’autres choses, apporter des choses différentes et nouvelles est très intéressant », explique-t-il.
des sciences à la banque
Étudiant, Jérôme Ballet ne se destinait absolument pas à une carrière dans la banque ni même dans l’économie et les finances. « Ne sachant que faire, à l’issue du baccalauréat je m’étais inscrit dans deux facultés, la médecine et la biologie. J’ai finalement rapidement abandonné l’idée de partir en médecine après avoir échangé avec un cousin qui était à l’époque en deuxième année de médecine et j’ai fini par m’orienter vers la biologie », détaille-t-il. Un bac+2 de biologie et une licence de biochimie en poche, il s’interroge alors sur son avenir professionnel et prend le temps de s’intéresser au métier de son père et à la dimension économique. « Je me suis surpris à lire Les Echos, mon père y était abonné, et c’est comme ça que j’ai finalement basculé dans les études de gestion, commerce et finance, dans une école de commerce, où j’ai rapidement été davantage à l’aise avec la matière. » Si son seul regret a été de ne faire aucun stage en trois années de formation, il a finalement choisi la voie du commissariat au compte.
« À mon arrivée chez Mazars, il y avait un gros dossier qu’était le dossier Danone et lorsqu’on m’a demandé ce qui m’intéressait, fort de ma licence de biochimie, j’ai répondu l’agroalimentaire ! On m’a ensuite demandé ce que ne voulais pas faire, j’ai très naturellement répondu : “La Banque”, se souvient-il tout sourire, avant de s’en défendre : J’avais cette cette image poussiéreuse et pas dynamique d’une grosse institution qui ne m’intéressait pas... ». Sans surprise, alors qu’il venait de s’installer et de se marier à Paris, ses responsables lui ont rapidement confié toutes les missions bancaires en l’envoyant au Crédit Mutuel de Bretagne, à Brest. « J’ai d’abord trouvé qu’il y avait un petit côté technique et expertise dans les produits bancaires et financiers, ainsi qu’une profondeur assez enrichissante. Et je m’en mords un peu les doigts aujourd’hui, mais j’ai aussi trouvé intéressant le fait qu’il y ait un cadre avec une réglementation bancaire. » Il intègre finalement le secteur bancaire quatre ans après en partant chez un client, la Banque de financement et de trésorerie, à Paris. « Pendant cinq ans, j’ai exercé en tant que responsable du contrôle de gestion et du contrôle financier. D’ailleurs, à mon arrivée, le président de la banque m’a demandé de mettre en place un système de contrôle des resultats de la salle des marchés, qui s’évaluait jusqu’à présent toute seule... Je suis donc allé voir le responsable de la salle des marchés pour lui demandé un rendez-vous et à ma grande surprise, il me donne une date... le rendez-vous avait lieu un an plus tard ! »
Des envies de province
Si pour lui, l’envie lui est rapidement venue de travailler pour une banque de détail, le déclic a été plus personnel. « Je me vois encore, un dimanche de juin, avec une fille dans chaque main à attendre un tour de balançoire sur un terrain poussiéreux et en plein soleil... Ma femme et moi n’étant pas de Paris, dès mon retour et avec mes filles pleurant de n’avoir fait leur tour de balançoire, nous nous sommes dit que la vie parisienne était finie et qu’il nous fallait partir nous installer en province, dans une maison avec un jardin et une balançoire », se remémore-t-il. Parti à Tours pour intégrer la Banque Populaire Val de France en qualité de responsable du contrôle de gestion et de la gestion de bilan, il n’y restera que très peu de temps. « Un an après mon arrivée, la Banque Populaire Val de France fusionnait avec la Banque Populaire région ouest de Paris, ramenant le siège à Saint-Quentin... » Acceptant le poste de responsable des finances qu’on lui proposait et toujours dans l’optique de s’éloigner encore davantage de Paris, Jérôme Ballet décroche son premier poste au sein de la Caisse d’Épargne en Lorraine, à Metz, en tant que directeur financier. « Sur le papier, Metz n’a rien de sexy. Bizarrement, on a eu beaucoup moins de visites qu’à Tours, et les seuls copains qui sont venus nous voir étaient vraiment de bons copains ! Mais c’est une très belle ville où j’ai notamment travaillé sur la fusion avec la caisse de Champagne-Ardennes et où j’ai eu l’occasion de me former pour devenir membre du directoire. » Cette formation interne l’entraîne alors à Saint-Etienne pour intégrer le directoire de la Caisse d’Épargne Loire Drôme Ardèche, en charge des finances et de l’activité commerciale de la banque du développement régional. « À Saint-Etienne, tout se joue à Geoffroy-Guichard... Souvent, après la mi-temps, lorsque le match reprenait, une bonne partie des personnalités ne revenait pas de la loge VIP et continuait à discuter et à faire du business », se souvient-il.
Ouvrir une banque en Suisse
Après quatre ans à Saint-Etienne, Jérôme Ballet a intégré la Caisse d’Épargne Rhône Alpes à Lyon. « Un territoire différent, très dynamique et assez tourné vers la Suisse, de par sa proximité avec Genève. » Fait d’ailleurs marquant dans sa carrière, le banquier a participé à la création d’une banque en Suisse. L’occasion de se lancer sur un nouveau marché encore peu exploité, à destination des frontaliers. « Ça a été une aventure dingue ! On a créé la banque avec 10 collaborateurs, 100 % Caisse d’Épargne Rhône Alpes. Si aujourd’hui, ils sont une quarantaine à y travailler, le premier jour nous n’avons eu aucun client. à la fin de la journée, nous avions dix clients... qui n’étaient autres que les comptes des dix collaborateurs ! » Au bout de neuf ans, Jérôme Ballet s’est interrogé pour être numéro 1, président ou directeur général. « Ce n’était pas forcément une vocation, mais j’ai rencontré beaucoup de dirigeants et par curiosité, je leur demandais tout le temps ce qu’ils faisaient », détaille-t-il.
« À mon arrivée chez Mazars, lorsqu’on m’a demandé ce que je ne voulais pas faire, j’ai très naturellement répondu : “La banque”... »
Depuis le 1er mai, Jérôme Ballet a pris la suite de Jean-Pierre Deramecourt à la présidence de la Caisse d’Épargne de Bourgogne Franche-Comté. « Pour moi, le rôle d’un président est de piloter sa caisse mais aussi de participer à la construction du groupe BPCE, développe le nouveau Dijonnais. Je suis très attaché au modèle des Caisses d’Épargne, notamment des banques régionales, coopératives et commerciales. Le développement commercial me paraît fondamental, il y a plein de parts de marché à prendre et plein de choses à faire. Il ne faut négliger aucun secteur et être présent partout, mais pas n’importe comment. En matière de produits, nous proposons relativement tous la même choses... Toutefois, ce qui fera la différence, c’est la qualité de nos relations avec nos clients. Je trouve que c’est une chance que notre entreprise appartienne à des clients sociétaires. Cela nous donne une notion de temps long. »