En plus d’avoir un joli minois, Marine Chagnon possède surtout une voix capable de susciter de vives émotions. Il ne faut en effet pas se laisser leurrer par son apparence fluette car la jeune femme de 31 ans pourrait en surprendre plus d’un tant par sa tessiture de mezzo-soprano que par son caractère dynamique. Bien qu’aujourd’hui elle enchaîne les rôles au sein de la troupe de l’Opéra de Paris, l’artiste s’imaginait en médecin plutôt qu’en chanteuse d’opéra.
Entre une mère, chercheure en toxicologie à Agro Sup notamment, et un père, directeur général des services à la mairie de Longvic, elle se souvient surtout avoir été bercée par la variété française et les chansons à texte. « Je crois n’avoir jamais écouté d’opéra à la maison » sourit-elle. Son grand-père l’a toutefois initiée à la musique, lui qui a notamment dirigé un orchestre à New-York avant de mettre en place des actions pédagogiques autour de la musique classique en France. « Alors que la médiation culturelle fait partie intégrante de notre métier aujourd’hui, il était aux prémices du principe » explique-t-elle avec une vive émotion et une pointe de fierté dans ses yeux verts.
Coup de foudre pour l’opéra
Sans doute influencée par cette forte personnalité familiale, Marine Chagnon est inscrite par ses parents en cours de solfège ; un calvaire pour l’enfant de l’époque. « Je préférais la danse. J’aimais être sur scène, surtout quand on me laisser chanter pour le gala annuel qui se déroulait au Grand théâtre de Dijon. »
Devant ce goût prononcé, ses parents l’inscrivent, vers dix ans, dans le chœur du conservatoire de Dijon qui deviendra le chœur d’enfants de l’Opéra de Dijon. Adolescente, elle rencontre pour la première fois cet art lyrique sur la scène de l’Auditorium, en costume. « J’ai beaucoup de mal à expliquer ce que j’ai ressenti. C’était plus sensoriel et physique que pragmatique et concret. Je me suis sentie vivante comme jamais en découvrant un autre monde. »
Assumer ses choix
Au lycée Charles de Gaulle, elle se destine à la médecine en se projetant vers un bac scientifique malgré ses lacunes en mathématiques ou en physique et les encouragements de ses professeurs à s’orienter vers une section littéraire. Malgré tout, cette travailleuse acharnée intègre une classe de chant lyrique à l’Opéra de Dijon en parallèle de sa terminale. « J’ai profité de la rigueur scientifique de ma mère pour réussir. J’ai travaillé dur en section européenne, persévéré et j’ai obtenu mon bac S avec mention. J’ai appris que le travail paie toujours et qu’il n’y a rien d’impossible » insiste la chanteuse en passant une main dans sa longue chevelure brune. Son diplôme en poche, elle obtient de ses parents de consacrer une année à sa passion pour le chant.
« La scène et l’art lyrique me permettent de traverser mille vies en une. »
À 17 ans, elle part seule à Paris pour intégrer l’un des quatre conservatoires parisiens pour lesquels elle avait passé avec succès les auditions. Elle y apprend tant la joie du chant que la technique mais ne se projette pas encore dans ce métier. Pourtant, une fois l’année écoulée, les portes d’une carrière artistique s’ouvrent à elle. « J’ai montré à mon entourage que je ne faisais pas ça pour rigoler et qu’un parcours artistique peut être très sérieux. » Marine Chagnon enrichit peu à peu son parcours. Après l’obtention de son diplôme du conservatoire à rayonnement régional de Paris, elle tente d’intégrer le conservatoire national supérieur de musique mais échoue.
« J’ai commencé à passer des auditions et à décrocher des petits rôles dans des compagnies. J’avais des signaux positifs pour ma carrière mais je voulais suivre les cours de ma prof au CNSM. » À force de persévérance, elle réussi le concours d’entrée et renonce à une carrière qui s’annonce pour reprendre les cours. « Je ne regrette pas mon choix. Le CNSM a été une vraie remise en question de la technique, de la musicienne, la comédienne et même de la femme que je suis. Ça a été une rencontre avec moi-même. » Éprouvante, l’expérience reste merveilleuse pour l’artiste.
Révélée par la Poppée de Monteverdi
Toujours soucieuse de progresser et d’apprendre, elle passe le concours de l’Opéra Bastille. « Alors que c’est très international, à une autre échelle ; à ma grande surprise, j’ai été retenue. Une autre carrière s’ouvrait. » Bûcheuse, passionnée, Marine Chagnon réussit le pari d’enchaîner les contrats avec l’Opéra Bastille et saisit l’opportunité offerte par le CNSM de suivre une nouvelle année de master pour compenser l’année covid. À cette même période, elle tient le rôle principal qui la marquera longtemps, celui de Poppée, de Monteverdi.
« C’est un personnage à facette. C’est aussi un rôle que j’ai pu jouer au Grand théâtre de Dijon, là où j’étais montée sur scène enfant. » Ce rôle contribue à lui apporter une certaine notoriété jusqu’à la conduire aux Victoires de la musique classique dans la catégorie révélation lyrique. « J’aurais été honorée de l’avoir mais c’est aussi un soulagement de ne pas être récompensée. Je n’ai pas le sentiment que l’on m’attend au tournant comme ça ! » s’amuse la mezzo-soprano. Aujourd’hui membre de la troupe de l’Opéra de Paris comme artiste soliste rattachée, elle multiplie les productions entre la Bastille et l’Opéra Garnier. « Je travaille aux côtés des plus grands artistes mondiaux tous les jours. La scène et l’art lyrique me permettent de traverser mille vies en une. » Également passionnée de voyages, Marine Chagnon attend désormais de jouer sur les scènes internationales.