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Mathieu Cailliès

Les clefs d’un service en or

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Photo de Mathieu Cailliès
Mathieu Cailliès est le premier concierge de Bourgogne à recevoir les prestigieuses Clefs d’Or. (Crédit : JDP)

Depuis le 25 avril, un petit plus est venu parfaire la tenue impeccable de Mathieu Cailliès : deux petites clefs dorées sont dorénavant épinglées de part et d’autre de son gilet bleu-nuit. Elles sont le symbole de la prestigieuse distinction « Les Clefs d’Or », qui récompense les meilleurs concierges du monde. Âgé de 46 ans, celui qui est né à Beaune et a grandi à Flagey-Echézeaux est ainsi devenu le tout premier représentant en Bourgogne de cette communauté de concierges, véritables artisans de l’accueil et ambassadeurs de l’hospitalité à la française.

Fondée en 1929 par Pierre Quentin et les portiers des grands hôtel de Paris, l’association Les Clefs d’Or réunit aujourd’hui près de 4.000 membres dans le monde, dont 400 en France. « Les Clefs d’Or, c’est pour moi l’accomplissement d’une carrière, au même titre qu’une étoile Michelin pour un chef », avoue celui qui incarne au sein de l’Hostellerie Cèdre & Spa, à Beaune, ce que l’hôtellerie de luxe bourguignonne peut offrir de plus personnalisé.

Ce sens du service exceptionnel et cette passion pour le métier ont pris corps lors de son premier emploi au Château de Gilly. « C’est dans cette belle maison que j’ai découvre l’hôtellerie haut de gamme. J’ai fait la rencontre du chef sommelier Michel Smolarek qui communiquait l’envie d’apprendre, d’ouvrir des livres... ». Ce qui pour le jeune homme n’était pas au départ une évidence. « À la sortie de la troisième, je ne savais pas trop quoi faire ». Ses premières aspirations le dirigeaient vers la mécanique. Cependant, il y a presque 30 ans, l’apprentissage n’était « pas aussi bien vu qu’il l’était maintenant et mes parents ne me voulaient dans un garage ». C’est finalement en suivant l’avis d’un ami qu’il se dirige vers l’hôtellerie-restauration et décroche un CAP à Saint-Bénigne, à Dijon.

Après six année intenses au château de Gilly, et un passage au Castel de Très Girard, Mathieu Cailliès ressent le besoin d’une « respiration » et d’un rythme de vie moins contraignant. Il choisit alors de prendre un poste de voiturier et bagagiste à l’hostellerie du Chapeau rouge à Dijon, avant de finalement prendre, pour trois ans, la direction du restaurant du château de Chailly-sur-Armançon.

Mathieu Cailliès est arrivé au Cèdre en 2012, l’année où l’hôtel passait de quatre à cinq étoiles. Il est d’abord embauché comme voiturier, puis très vite le changement de statut de l’Hôtel, qui engendre une mutation dans les exigences des clients, l’amène à prendre de nouvelles responsabilités : « les demandes sont devenues un peu plus pointues. Les clients, qui désirent être pris en charge de A à Z, attendaient un service sur-mesure. Or, nous ne disposions d’un service de conciergerie officiel et les réceptionnistes ont très vite été débordés par les demandes spécifiques de cette clientèle des établissements de luxe. »

« Les Clefs d’Or, c’est pour moi l’accomplissement d’une carrière, au même titre qu’une étoile au Michelin pour un chefs »

Fort de sa connaissance de la région et de ses liens (notamment grâce à la gestion de la cave à Chailly), Mathieu Gailliès se positionne naturellement pour soulager la réception, reprenant cette partie conciergerie, avec l’assentiment de Lucie Brindjonc, la directrice de l’établissement. Aujourd’hui, son travail consiste mission d’organiser le plus finement possible le séjour des clients. « Je fonctionne comme un entonnoir, partant d’une demande large pour cibler précisément ce que le client souhaite, que ce soit une dégustation dans les grandes maisons historiques de Beaune comme Patriarche ou chez un vigneron à taille humaine ». Dans une région mondialement célèbre pour ses vins, le concierge doit faire preuve de pédagogie. « Les clients étrangers arrivent avec des rêves parfois inaccessibles, comme visiter la Romanée-Conti. Je dois alors leur expliquer que ces domaines n’ouvrent pas leurs portes, tout en proposant des alternatives, des vignerons avec qui on travaille et dont je sais qu’ils pourront leur proposer une expérience de qualité ». Face aux demandes extravagantes, l’efficacité de ce réseau est parfois mise à rude épreuve. Mathieu Calliès se souvient de deux anecdotes frappantes : trouver un poulet de Bresse, un dimanche, pour un client suisse, désir comblé grâce à un ami chef dans la région. Et celle d’un Américain qui lui demandait de pouvoir aller voir les plages du Débarquement. Ce client lui lance le défi au petit-déjeuner de lui trouver un avion et un guide. Grâce à une compagnie aérienne, il a pu organiser un vol en bimoteur partant de Beaune et réserver un guide pour l’accueillir à l’atterissage en Normandie, avec un retour le soir même.

Devenir Clef d’Or n’est pas une mince affaire. La candidature de Mathieu Calliès fut complexe car il devait être coopté par trois parrains Clefs d’Or, dont un de sa région. « Or, il y avait une grande zone blanche de concierges Clefs d’Or entre Lyon et Paris, rendant le parrainage difficile. J’ai finalement été rattaché à la zone Rhône-Alpes Marseille ». Il a ainsi été parrainé par François Méquignon (Villa Maya, Lyon), Julien Tanguy (Maison Rouge, Strasbourg) et Philippe Chérence (Bordeaux). Après la finalisation de son dossier et le succès de l’entretien final devant un jury de six Clefs d’Or, Mathieu a été admis à l’hunanimité.

L’adhésion apporte une différence notable dans la continuité du service. « L’entraide et l’amitié entre concierges clefs d’Or sont fondamentales. Nous nous transmettons les infos importantes sur les clients, comme un anniversaire de mariage, un vin favori ou une demande spécifique. Grâce à ce fil conducteur, le dossier sur le client s’enrichit à chaque étape, pour créer un véritable parcours client individualisé ».