Nul fût besoin de fée bleue pour réveiller la passion pour le bois dans le cœur du jeune Mathieu, son grand-père, menuisier de métier s’en acquitta à merveille. « Ma mère était secrétaire de la Sarl Vautherin, créée par mon grand-père à Pont-de-Roide et spécialisée dans la rénovation de toiture, le bardage extérieur mais aussi dans le bois de cercueils pour les pompes funèbres. Quand je rentrais de l’école, je filais dans l’atelier pour découper du bois, je me fabriquais des épées et des tremplins pour vélo », se souvient Mathieu Solbach. Cette appétence pour le travail des essences ne s’élime pas avec le temps, bien au contraire.
De la menuiserie à la lutherie
À 14 ans, après un été passé en compagnie de son grand-père à se familiariser avec les techniques de coupe et d’assemblage traditionnelles de la menuiserie et de la charpenterie, l’adolescent décide d’entrer, en 2013, chez les Compagnons du Devoir pour décrocher un CAP menuiserie, charpentier. Un premier diplôme qu’il complétera d’un second CAP ébéniste, puis d’un brevet professionnel menuiserie, charpentier au CFA Vauban. Durant ses cinq années d’études une nouvelle corde se fait sensible dans les mains du jeune homme, de celle que l’on trouve sur les guitares électriques et qu’il commence à gratter d’un médiator autodidacte sous des rythmes rock métal. « C’est très vite devenu une vraie passion. J’ai donc pris des cours auprès d’un professeur qui était féru de belles guitares. Il m’a apporté une inestimable culture de la lutherie, sur ce qui fait qu’un instrument, de par sa forme, les bois qui le compose, sonne d’une manière et pourquoi un autre modèle résonne différemment. Il comparait cela aux vins qui s’affinent avec le temps et s’expriment spécifiquement en fonction des terroirs dont ils sont issus ».
« La lutherie, c’est plein de métiers en un : c’est le travail du bois, le choix des essences, l’électronique, les vernis, la peinture... »
Cette rencontre donne à Mathieu Solbach l’envie de créer sa propre guitare. Un souhait encouragé par son professeur en menuiserie qui va l’aider et le pousser à aller au bout de cette initiative. « En 2014, je sortais ainsi ma première guitare, une copie d’une Gibson SG. Je l’avais conçue avec des méthodes de menuisier en m’attachant à l’aspect visuel, travaillant le bois dans le sens du fil. Elle était ainsi parfaite esthétiquement, mais offrait de piètres qualités sonores ». Pour que cette tentative ne reste pas au stade du canard, Mathieu Solbach choisi de se former à la lutherie auprès de Gabin Graff à Pfaffenheim en Alsace, fabricant et réparateur de guitares et basses électriques. « J’ai fait un stage de deux semaines où j’ai appris à écouter le morceau de bois, à prendre en compte sa densité, à travailler sur l’ergonomie. Puis en rentrant chez moi je me suis remis au boulot, jusqu’à obtenir un instrument commercialisable » Le 1e janvier 2019 la microentreprise Solbach guitares voit le jour. Le luthier décide alors de se spécialiser dans la fabrication sur-mesure en apportant son expertise dès l’idée de base, jusqu’à la réalisation finale pour concrétiser l’instrument de rêve de ses clients. Il fait également le choix d’exercer son talent uniquement en électrique, jouant lui-même dans ce registre, il lui est plus facile de se mettre dans la peau du musicien qui fait appel à lui.
Guitares en série
Mathieu Solbach réalise en moyenne une guitare par mois. Il capte sa clientèle en participant aux différents évènements musicaux et concerts régionaux (il est notamment guitar tech sur différents festivals comme le Warm Up Hellfest à l’Axone de Montbéliard, c’est-à-dire qu’il est chargé de la maintenance technique du matériel appartenant aux musiciens d’un groupe afin de garantir le meilleur son possible sur scène), en exposant ses créations, mais également en donnant à écouter toute l’étendue de leur qualité acoustique sur les riffs de son groupe Trapdoor Band. « Cela génère du bouche à oreille... le reste, c’est le web. Un outil que j’ai investi dès le début avec une présence importante sur les différents réseaux sociaux, y compris TikTok. Je poste en général une vidéo par jour... Cette visibilité en ligne m’apporte 50 à 60 % de ma clientèle ».
À 27 ans, le jeune-homme s’est ainsi déjà fait une belle réputation notamment auprès d’artistes comme Manu Lanvin, fils de Gérard, Damien Chopard, guitariste de Babel (Kijango), Hélène Schmitt, chanteuse et guitariste des Fallen Lillies ou le groupe bisontin Holy Fallout pour qui Mathieu a réalisé une basse électrique six cordes, qui lui a permis de remporter le prix départemental des métiers d’art, remis par la CMA BFC. « Les basses ont habituellement quatre cordes, le bassiste du groupe Mathieu Roger voulait un instrument ergonomique et léger. J’ai donc imaginé et réalisé à la main une basse sans tête avec un manche traversant de 13 plots de bois, une table d’harmonie en frêne, un corps en noyer et une touche en wengé. J’ai fini avec une couche de vernis très fine pour ne pas en altérer les vibrations. Chaque morceau de bois a été sélectionné en lien avec Roger pour répondre au mieux à ses besoins en en termes de sonorité, de stabilité et de visuel ».
Depuis peu Mathieu Solbach, qui a récemment investi dans des outils numériques, pour repousser les limites de la création de ses instruments, travaille à la conception d’un modèle de série plus abordable. Un projet qui se veut plus vintage avec une touche de modernité. « Je devrais être capable de produire une guitare par semaine au prix de 1.700 euros contre 2.500 à 3.500 euros pour le sur-mesure. Je pense également les commercialiser en ligne ».