« Dans les affaires, on peut faire des choses, notamment pour l’environnement, qu’on ne peut pas faire ailleurs. » Matthieu Lambeaux a choisi de faire des études dans le marketing pour faire bouger les choses de l’intérieur. Originaire de Grenoble, il a débuté ses études en France avant de rejoindre l’Angleterre à 20 ans. À Glasgow, il obtient son MBA, Master of Business Administration. Pendant cette période, il hésite à rejoindre Greenpeace mais choisira d’agir à une autre échelle.
Ces études Outre-Manche l’amène à partir au Mexique pour mener deux projets en parallèle, l’un pour le gouvernement écossais autour de l’industrie pétrolière, le second pour une entreprise anglaise de traitements des eaux. À 22 ans, malgré son profil déjà riche, les entreprises françaises se montrent pourtant hésitantes à lui accorder leur confiance. L’entreprise CPC, qui sera rachetée par Unilever quelques années plus tard, ne laissera pas passer ce profil atypique en lui confiant la direction marketing.
À ce poste, il développe un nouveau conditionnement pour la célèbre marque de mayonnaise Hellman’s. Chassé par le secteur de l’agroalimentaire, il rejoint les soupes Campbell soucieuses d’innover à leur tour. En 2001, il intègre Findus, là encore en tant que directeur marketing. « J’étais intéressé par la dimension management. On m’a alors confié le marché France à développer. »
Un transformateur en action
De 2005 à 2015, il transforme Findus France en Findus Europe du Sud, faisant évoluer le chiffre d’affaires de 70 à 400 millions d’euros en dix ans. Pour y parvenir, il joue sur trois leviers : L’innovation organique en développant les plats cuisinés ou encore le poisson ; un positionnement marqué sur l’environnement en menant, en précurseur, la bataille de la pêche durable et la suppression de l’huile de palme ; et enfin en ouvrant le marché à d’autres pays. Après 15 ans et une gestion exemplaire du Horsegate menée en toute transparence après que de la viande de cheval ait été trouvé dans des lasagnes, Matthieu Lambeaux quitte l’entreprise pour prendre la tête de Saint-Mamet avec le soutien d’un investisseur. « Quand on a repris, avec mon équipe, l’entreprise perdait trois millions d’euros. Quand on est parti, elle en gagnait plus de trois millions. »
Pour obtenir un tel résultat, il a notamment réorienté la production vers des vergers durables et signé un accord de 20 ans avec les arboriculteurs qui engageaient une conversion vers le bio. Séparé de son investisseur, le marketeur, comme il aime se nommer, choisit de rester dans l’agriculture en accompagnant la marque d’Aucy dans son développement avec le lancement des produits frais. Ne trouvant pas le modèle qui lui convenait pour poursuivre, il se lance un nouveau défi. « Le secteur du petcare se rapproche de l’agroalimentaire car il parle aux consommateurs. »
« Nous sommes dans un monde où les entreprises peuvent changer les choses plus vite que les politiques. »
À la tête d’Agrobiothers depuis janvier 2020, il transforme l’entreprise familiale qu’un fond belge lui a confié après le rachat. Le groupe compte 250 salariés dont 150 sur le site de Cuisery en Saône-et-Loire, le reste étant réparti entre l’Alsace, la Suède et la Tunisie. « L’objectif est de la faire passer de PME à une ETI européennes en s’appuyant sur l’innovation, le bien-être animal, les produits locaux et écoresponsables et en dépassant les frontières françaises. » Matthieu Lambeaux entend ainsi faire évoluer le chiffre d’affaires actuel de 65 millions d’euros à plus de 100 millions d’euros d’ici 2024.
Des animaux écolos
En un an et demi, Matthieu Lambeaux a déjà largement métamorphosé le groupe. Une partie des produits fabriqués en Chine ont déjà été rapatriés en Tunisie afin de limiter les kilomètres tandis que le dirigeant a interdit le recours aux acheminements en avion. L’usine tunisienne, habituée à produire des couchages pour animaux, récupère désormais les chutes de tissus pour concevoir des jouets.
« Les entreprises peuvent changer les choses plus vite que les politiques »
Agrobiothers a également imaginé une litière à base de bois pour les rongeurs et une autre à base de carton pour les chats. Selon Matthieu Lambeaux, ces produits représentent 4 % des déchets en France. « Nous travaillons aussi à un bac à litière en plastique recyclé, des jouets en caoutchouc naturel et à une gamme bio de produits d’hygiène animale. »
Des friandises pour animaux, fabriquées en Europe et naturelles, rejoindra bientôt les références des trois marques du groupe : Vétocanis, Aimé et Tyrol. « Nous comptions 7.500 références, dont beaucoup en aquariophilie, et nous avons resserré à 3.000 pour les gérer correctement et être en accord avec nos discours. C’est un travail de fond. » Au-delà des discours, le dirigeant entend ancrer de façon indiscutable son discours et ses valeurs. « Ce que je dis, je le fais ! »
Se préoccuper des salariés
L’autre cheval de bataille de Matthieu Lambeaux concerne la RSE et l’action auprès des salariés. « On remet l’entreprise aux standards, notamment concernant l’équité dans les ressources humaines. » L’indice d’égalité femmes/hommes et une importante politique de sécurité ont ainsi été largement étudiés. Dans un souci de transparence avec ses équipes, Matthieu Lambeaux a mis en place une réunion en visio, non obligatoire, destinée à tous les salariés toutes les deux semaines. « Nous partageons en toute transparence les chiffres et les projets. Nous sommes dans l’échange. »
Pour s’assurer de l’engagement des équipes, il a également mis en place, chaque mois, un « énergie-mètre ». Ce sondage anonyme destiné aux managers leur donne l’occasion de noter la stratégie de l’entreprise. « Le dernier portait sur notre façon de gérer le télétravail. » À travers ses actions multiples, Matthieu Lambeaux vise une labellisation en décembre 2021 qui valorisera ses engagements à prendre en compte les préoccupations sociales et environnementales dans son entreprise.
« Nous transformons les pratiques. Ce défi semble impossible dans les délais impartis alors, en tant que dirigeant, je mouille la chemise avec les équipes pour y arriver. » En parallèle, Agrobiothers prévoit de multiplier les soutiens aux associations locales investies dans la protection animale. « Les entreprises peuvent changer les choses plus vite que les politiques. Elles ont la capacité à transformer positivement la société. Il faut encourager celles qui font du bon boulot, elles sont un levier de transformation de la société. »