Maxime Lesobre
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Maxime Lesobre

L’étoile montante de Courban.

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Photo de Maxime Lesobre
« Il y a eu un effet Top Chef, à vingt ans, tout le monde pense qu’il est chef mais non ! Il faut avoir l’humilité d’apprendre, d’apprendre, d’apprendre, de toutes les saisons, de plein de maisons, pour se dire : “ca y est, je pense que je suis pas mauvais pour prendre une place de chef”. Il n’y a que le travail qui paye, ça c’est une certitude et notre métier en est la preuve. » (Crédit : JDP)

Acéré comme un fleuret, souriant mais concentré, ainsi apparaît Maxime Lesobre, chef officiel du restaurant gastronomique du Château de Courban depuis février dernier et élu « Grand de demain », début juillet, par le célèbre guide Gault&Millau. Une récompense à laquelle il ne s’attendait pas et un premier pas vers son objectif : reconquérir l’étoile Michelin perdue par la maison côte-d’orienne en mars dernier suite au départ de son chef Nicolas Thomas, éphémère successeur du chef historique Takashi Kinoshita qui avait permis à la maison de la famille Vandendriessche de décrocher le macaron en 2018.

« Pur-sang parisien », Maxime Lesobre a grandi non loin de la boucherie de ses parents. Son père, charcutier, avait auparavant une entreprise à Rungis : « Depuis tout petit, j’étais à Rungis. Puis à la boucherie... Je n’aime pas trop quémander, je suis à moitié Portugais, j’ai eu un grand-père qui nous a inculqué la valeur du travail alors dès qu’on faisait quelque chose à la boucherie, on avait une petite pièce pour acheter des bonbons ! » La boucherie familiale se lance dans la confection de brochettes, de saucisses… « Au fur et à mesure, j’ai appris à découper la viande, à casser les morceaux de boeuf… j’ai un deuxième métier dans les mains. » Au moment de choisir une orientation, Maxime Lesobre hésite entre… la création de bijoux ou la cuisine. « Au moment de faire un choix je me suis dit : “Ce que je préfère c’est passer de bons moments en famille autour d’une table”. Donc si j’arrive à faire passer du bon temps aux gens autour d’un repas, ce sera sympa. »

Il intègre l’école Ferrandi à 16 ans pour son BEP, préfère un brevet pro au bac et débute comme apprenti-commis à Coignières dans les Yvelines. « C’était un petit restaurant, on était deux apprentis et le chef, mais il a pris le temps de nous apprendre les bonnes bases » Le brevet pro se passe dans un restaurant du Groupe Flo à Versailles, « beaucoup de choses maison, avec un gros débit, donc ça a été formateur ».

Constellations d’étoilés

Diplôme en poche, il retourne à Paris et intègre Le Laurent, auprès du chef étoilé Alain Pégouret. « Là on est à l’armée, s’amuse Maxime Lesobre. La rigueur ! Ça a été un petit temps d’adaptation quand même et de remise en question. Mais quand on voit que l’on progresse au quotidien, on se dit qu’il ne faut pas lâcher, même si c’est dur. À 18 ans, on a envie de rigoler et on nous demande d’être plus que sérieux... ce que je peux comprendre quand on envoie des assiettes à 100 € ».

Il rejoint ensuite La Cuisine du Royal Monceau, sous la direction du chef Laurent André. « Et j’étais toujours commis, parce que j’avais une grande bouche ! » Mais en 2012, Maxime Lesobre fait une rencontre déterminante, celle de Frédéric Robert, son « chef de cœur » dans la constellation des Étoilés qui ont éclairé son chemin. C’est auprès de lui, à La Grande Cascade que Maxime Lesobre va gravir les échelons : postulant comme commis, Frédéric Robert lui fait prendre du galon et en deux mois à peine le nomme chef de partie (aux garnitures viande), le rapprochant du graal, le poste cuisson. Maxime Lesobre infuse là l’essence de son métier de cuisinier, subtil mélange de traits de génie et d’humilité. « J’essaye d’être aussi bon que lui au quotidien. » Son parcours l’emmène ensuite à L’Arpège, chez le triple étoilé Alain Passard, huit mois à sublimer les légumes dont le chef s’est fait une spécialité. « Ce n’est pas forcément une cuisine qui me correspondait. Peut-être parce que j’étais un peu jeune et je sortais de maisons où on me disait ce que je devais faire alors que là c’était carte blanche au gros poste de l’Arpège… Après je pense que ça m’a bien aidé pour la créativité aujourd’hui. »

Il rejoint ensuite Michel Rostang, pour sa première place de sous-chef tournant « dans tous les restaurants du groupe à l’époque, c’était hyper intéressant. Là où ça n’allait pas, il fallait y aller ! J’ai fait le pompier de service mais c’était bien, on s’adapte à une maison très rapidement, on prend les choses en mains. Chez Rostang, on vous donne les clefs du restaurant et on y va ! »

« La cuisine, c’est sexy ! C’est un mélange de cérébral et de sensualité. »

À 24 ans, le métier reconnaît à Maxime Lesobre une expertise non seulement en cuisine mais aussi dans la conduite des équipes : un bon ingrédient pour la suite… Retour ensuite à La Grande Cascade, comme sous-chef cette fois mais « je voulais encore monter. Alors je suis parti chez Jérôme Banctel (La Réserve, aujourd’hui triple étoilé), juste avant l’obtention des deux étoiles. Grand cuisinier, grand technicien, encore une fois la rigueur. Je me suis plutôt pas mal adapté. Sa cuisine me parlait ». Ce qui le fait vibrer, c’est « une cuisine du produit, déjà. Où on sublime le produit, on n’utilise pas des poudres à tire-larigot… J’aime bien avoir des sauces, des jus, de la texture sur un produit. On n’a rien à créer, on fait de belles associations, avec de bons jus, on va ramener de la créativité dans les sauces, dans les garnitures en se faisant plaisir avec la saison. Mais c’est vraiment le produit qui guide la cuisine ». Après Banctel, Maxime Lesobre rejoint Thomas Boullault à L’Arôme*, comme chef-adjoint et en 2019 prend la direction des quatre restaurants de la maison de caviar Boutary.

L’équipe de Yannick Alléno le recrute ensuite pour l’ouverture du Château de la Vallières en Touraine. Mais pas vraiment en accord avec la direction, Maxime Lesobre quitte le navire au bout d’un an et fait des extras avant d’aborder en Châtillonnais au Château de Courban.

Raccrocher l’étoile

Venu en remplacement et pour épauler Nicolas Thomas, Maxime Lesobre se voit proposer de devenir officiellement le chef de Courban début 2024. C’est une vraie remise en question personnelle et familiale mais aussi le début d’un appétissant challenge pour celui que le Gault&Millau vient donc de distinguer « Grand de demain ». Au Château, il a fait valser les cartes pour faire place à des menus en trois, cinq ou sept plats, bâtit un réseau de producteurs les plus locaux possible, privilégie les poissons de ligne de pêcheries familiales - avec un penchant avoué pour le travail sur les poissons maturés, séchés plusieurs jours sur l’arête pour une concentration naturelle de la salinité -, les légumes bios des Jardins du Cosmos de Leuglay à quelques kilomètres « il va me faire pousser ce que j’ai envie de travailler, on va monter d’un niveau », les truffes de Bourgogne... Car Maxime Lesobre comme la famille Vandendriessche ne cachent pas leur détermination à voir la belle adresse châtillonnaise reprendre sa place dans la galaxie des maisons chéries du Michelin, avec une cuisine « qui sublime le produit, qui a l’air simple en apparence mais qui ne l’est pas du tout ». La montée en gamme se fait partout, depuis le travail de pain et pâtisserie de la cheffe pâtissière Sae Hasegawa (depuis 2015 dans la maison !), jusqu’au service, la cave et l’équipe en cuisine que Maxime Lesobre veut emmener avec lui un peu plus près des étoiles.