Originaire du Haut-Doubs, Michaël Gauthier est très tôt fasciné par les sciences et plus particulièrement dans leurs acceptions techniques et technologiques. « Enfant, je vouais une véritable passion pour les Lego techniques et pour les bricolages informatiques », confie celui qui vient d’être nommé directeur de l’institut de recherche bisontin en sciences de l’ingénieur Femto-ST. Également féru d’histoire géographie, le jeune Michaël se voit contraint de faire un choix au lycée, ces deux centres d’intérêt ne pouvant pas être réunis dans un même cursus. C’est un enseignant de technologie, à la pédagogie particulièrement émulatrice, qui fait pencher la balance.
Ce sera donc les sciences et l’entrée en 1995 à l’École normale supérieur Paris-Saclay (anciennement Cachan), section génie mécanique-productique. Il hésite alors entre parcours d’ingénieur et recherche. « J’ai choisi la seconde voie, car j’aimais cette idée d’être à la frontière des connaissances, dans ce niveau de haute technologie où nous avons la possibilité de pousser l’investigation aux limites des principes physiques », détaille Michaël Gauthier qui réalisera sa quatrième année de spécialisation à l’université de Franche-Comté.
Il obtient son doctorat en automatique et informatique en 2002 et un an plus tard, il entre au CNRS comme chargé de recherche au laboratoire automatique de Besançon, qui sera intégré à Femto-ST en 2008. En 2011, le scientifique obtient son Habilitation à diriger des recherches (HDR) en soutenant une thèse intitulée « Micromanipulation robotique en milieu liquide ». Il prend alors le poste de directeur adjoint, puis, de 2012 à 2016, la direction du département Automatique et systèmes micromécaniques (AS2M) de Femto-ST. Dans le même temps, il s’illustre dans l’entrepreneuriat en participant à la création en 2011 d’un spin-off de Femto-ST : la deep-tech, multi primée, en robotique de micro-assemblage Percipio Robotics, qui brise les limites de la miniaturisation industrielle.
« Dans le monde de la recherche, vous avez trois grandes voies d’investissement, soit vous vous impliquez pleinement dans un domaine ultra pointu, soit vous cherchez à vous projeter à l’internationale, soit vous vous orientez vers la gestion collective. C’est dans cette dernière direction que j’ai, petit à petit, conduit ma carrière », explique celui qui est également conseiller municipal de son village de 450 habitants. « J’ai toujours trouvé qu’il y avait beaucoup de satisfaction à faire fonctionner quelque chose en groupe », lâche-t-il. Michaël Gauthier a ainsi été directeur adjoint de l’institut Femto-ST de 2016 à 2019, président du programme franco-suisse Smyle, associant Femto-ST à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), de 2018 à 2023 et co-directeur du groupe Miniaturisé Robotique dans la plate-forme euRobotics.
Booster la transversalité et attirer les talents
Autant dire qu’il connaît bien la maison dont il vient de prendre la direction pour cinq ans en janvier, succédant à Laurent Larger. « Le hasard veut que ma prise de fonction corresponde aux 20 ans de la création de Femto-ST. Un institut dont les recherches scientifiques ont produit plusieurs premières mondiales dans des domaines high-tech. 750 personnes travaillent dans ce qui est le plus grand laboratoire de science de l’ingénieur de France. Nous rassemblons ici un grand nombre de disciplines dans un petit espace, ce qui permet d’énormément croiser ses différents champs de recherche. Cette transversalité, qui fait toute notre richesse, j’entends non seulement la maintenir mais aussi la faire grandir avec de nouveaux axes de maillage ».
Parmi ceux-ci, Michaël Gauthier cite les technologies liées à la santé « déjà bien positionnées », le développement durable « pour lequel nous devons travailler à l’émergence de technologies peu impactantes, dont l’hydrogène énergie. Nous aurons également à oeuvrer sur la question des matériaux biosourcés. Issus de matière d’origine biologique, ces nouveaux matériaux, dont les caractéristiques se combinent pour donner au final un composant doté de propriétés nouvelles, ont vocation à remplacer avantageusement ceux issus du pétrole, mais soulèvent également de nouvelles questions scientifiques. Doté d’un budget global de 7,4 millions pour quatre ans le projet européen Ssuchy ambitionne ainsi d’élargir les débouchés des matériaux biosourcés en développant des démonstrateurs pour les secteurs technologiques de pointe tels que le transport terrestre et aérien et pour les marchés de niche à haute valeur ajoutée comme l’acoustique haut de gamme ».
« Il y a beaucoup de satisfaction à faire fonctionner quelque chose en groupe »
Le nouveau directeur évoque également un nouveau champ pluridisciplinaire sur intelligence artificielle (IA) « Nous souhaitons animer un réseau qui mêle informaticiens concepteurs de logiciel d’IA et spécialistes de l’optique. Nous développons ainsi des systèmes optiques capables de mimer un réseau de neurone sans utiliser de zéros et de uns comme nos ordinateurs classiques, le tout à la vitesse de la lumière. De même sur les systèmes quantiques, si les principes physiques sont de mieux en mieux compris, encore faut-il être en mesure de construire les appareils et les technologies qui permettrons d’arriver au calculateur quantique. C’est quelque chose qui nous projette sur le long terme, mais sur lequel nous pouvons faire la différence ». Le scientifique pointe enfin deux derniers axes de progrès pour Femto-ST : la capacité à attirer de nouveaux talents au sein de l’institut et la prise à bras le corps de l’impact carbone de leurs activités.
« Nous avons la moitié de nos effectifs qui sont fonctionnaires et sur la seconde moitié, nous accueillons beaucoup de thésard pour des périodes minimales de trois ans. Ce qui se concrétise par le renouvellement trisannuel de plus de 300 personnes ! Ainsi la question de l’attractivité de notre institut est un enjeu perpétuel. Nous devons être quotidiennement en capacité de recruter quelqu’un sur un bassin d’emploi aussi bien régional, que national et européen, alors même que le nombre de talents s’avère être de plus en plus en tension. Nous recrutons à Bac+5 et, sur ce niveau d’étude, nous sommes challengés par le milieu industriel. Il faut que nous arrivions davantage à nous vendre, à faire valoir nos atouts, comme celui de notre parc d’équipement de pointe unique. Il est nécessaire de changer nos modes de communication pour mieux expliquer ce que l’on fait, notre vision... mais aussi casser les mythes liés au monde de la recherche, montrer que nous ne vivons pas en “ermite” mais que nous tissons des liens étroits et permanents avec le tissu socio-économique local ou encore défendre notre démarche environnement. Sur ce dernier volet, justement, nous nous sommes mis en ordre de marche en nous interrogeant sur nos propres pratiques. Nous sommes en cours de réalisation de notre bilan carbone et nous nous inscrivons dans une démarche plus globale qui implique le CNRS au niveau national et l’Université de Franche-Comté, qui a notamment nommé un vice-président dédié à cette question ».