Noël Lazarini
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Noël Lazarini

Luxe, Corse et volupté.

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Photo de Noël Lazarini
« Je sais que j’ai encore des choses à découvrir : rester en Corse, c’est un piège, car c’est tellement bien que j’ai peur de ne plus jamais pouvoir repartir ! » (Crédit : JDP)

Successeur de l’emblématique Antoine Munoz - parti en retraite après 25 années de bons et loyaux services à la tête du Grand hôtel La Cloche -, Noël Lazarini prend les commandes, à tout juste 40 ans, de l’unique établissement cinq étoiles de Dijon. Pourtant, l’hôtellerie-restauration n’apparait pas comme une évidence pour le natif de Bastia. « Quand on est jeune et qu’on doit choisir sa voie, ce n’est pas évident, se souvient Noël Lazarini. J’ai vu qu’il y avait un lycée hôtelier et je me suis dit “pourquoi pas ?”, quelque chose m’attirait. Je m’étais dit que j’irai découvrir d’autres endroits ».

Malgré son grand amour pour l’île de beauté - mais peut-être davantage pour le métier auquel il aspire -, le Corse prend son envol à 21 ans après l’obtention d’un BTS hôtellerie et découvre la Côte-d’Azur. Il pose ses valises à « La Palme d’Or », restaurant doublement étoilé du luxueux hôtel Martinez à Cannes, où il officie en tant que commis. « C’était presque une ambiance de palace ; très stricte et avec un esprit de compétition qui ne me convenait pas, témoigne Noël Lazarini. Je suis plus dans l’esprit d’équipe et le partage, et c’est encore ce qui dicte mon métier aujourd’hui : quand je gagne, je gagne avec mes équipes. Sans elles, je ne suis rien, c’est comme un chef d’orchestre qui travaille sans musicien ».

Travailler pour grandir

Insatisfait, le jeune commis veut voir ailleurs. Il traverse la rue (ou presque) et s’engage à l’hôtel Cannes Montfleury. « Cette aventure m’a permis de découvrir les différents services d’un hôtel, particulièrement en restauration. » Rapidement, Noël Lazarini gravit les échelons. D’abord chef de rang puis responsable de deux bars, il devient assistant puis directeur de la restauration. « C’est un établissement qui fonctionne à la confiance et au mérite, explique-t-il. Chaque fois que je pensais avoir fait le tour et que j’avais l’idée d’aller voir ailleurs, on me proposait le poste au-dessus ! » Mais en 2011, Noël Lazarini est approché par le Mas Candille (groupe Relais & Châteaux) à Mougins, pour occuper le même poste dans un autre contexte. « On change d’ambiance, résume-t-il. Là-bas, ce sont quatre hectares de jardin, trois piscines, deux jacuzzis et 45 chambres. C’est un vrai havre de paix ». Mais c’est aussi le retour dans un restaurant étoilé Michelin. « Je m’étais dit après ma première expérience au Martinez que j’éviterais les étoilés. C’est une épée de Damoclès, une pression constante. » Néanmoins, l’atmosphère de travail est différente : le désormais directeur de la restauration prend ses marques et reste trois ans à Mougins. « Dans ce métier, on peut gravir rapidement les échelons si on est motivé et passionné, assure-t-il. Il ne faut pas avoir peur de travailler, s’intéresser au métier et garder la curiosité. Je suis un homme de terrain : même quand j’ai eu des postes à responsabilité, j’ai fait quelques extras, par passion. Cela m’a permis de découvrir des lieux extraordinaires comme le Negresco ou l’hôtel de Paris Monte-Carlo à Monaco ».

« Il faut se demander comment on peut aller encore plus loin ; si on cherche, il y a toujours quelque chose à développer. »

Après quelques années passées dans le sud de la France, Noël Lazarini monte vers la capitale. Il rejoint un établissement du groupe américain Hyatt, où il occupe toujours le poste de directeur de la restauration, avant d’intégrer le Sofitel Paris Faubourg. « Là-bas, j’ai accueilli Bill Clinton, raconte Noël Lazarini, sourire aux lèvres. Je me retrouve donc à travailler avec les “secret services” américains ; ce métier nous fait parfois vivre des trucs de dingue ! » Puis arrive la crise sanitaire : « Normalement on ne ferme jamais la porte d’un hôtel, on est ouverts 24h/24, 7 jours/7. C’était un moment difficile. » À l’été 2020, le Corse retrouve son île. « Je fais une saison au Sofitel d’Ajaccio, un des plus beaux d’Europe, sur une presqu’île avec 98 chambres, toutes vue sur mer, décrit-il. J’ai été appelé en pompier pour tout réorganiser, c’était beaucoup de travail ». Durant ces quatre mois, Noël Lazarini organisera un conseil d’administration pour le groupe hôtelier Accor, en présence de son PDG Sébastien Bazin ; « quelqu’un de très accessible avec qui j’ai même partagé un verre ».

Mais son grand accomplissement, Noël Lazarini le vit au mois de septembre, alors qu’il organise avec ses équipes, en une dizaine de jours, le Med 7. « On se prépare donc à recevoir les chefs d’État de sept pays, dont Emmanuel Macron, se souvient-il. Tout l’hôtel est privatisé, la presqu’île est bloquée. C’était incroyable de voir toute la sécurité mise en place et les contrôles systématiques : si un serveur faisait 30 allers-retours de la cuisine à la salle, il passait 30 fois sous le détecteur à métaux ! »

À la fin de la saison, l’île de beauté ne parvient pas à retenir Noël Lazarini. « Je sais que j’ai encore des choses à découvrir : rester en Corse, c’est un piège, car c’est tellement bien que j’ai peur de ne plus jamais pouvoir repartir ! » De retour à Paris, il découvre le Molitor et ses emblématiques piscines durant six mois, le temps de relancer l’activité après la Covid. C’est ensuite au Pullman Paris Tour Eiffel (430 chambres, 25 salles de séminaire) que Noël Lazarini s’installe en tant que directeur des opérations, « un poste qui m’a apporté une vision plus large du métier dans un endroit bouillonnant, affichant plus de 80% de taux d’occupation à l’année ». Là-bas, il crée un impressionnant rooftop éphémère, à 200 mètres de la Tour Eiffel. « On l’a imaginé, crée et ouvert en seulement deux mois, se félicite le néo-dijonnais. On recevait 300 à 400 personnes par soir d’ouverture. En étant ouvert 100 fois par an, on faisait un million d’euros de chiffre d’affaires : deux fois ce qui était prévu à la base ».

Dijon, un accomplissement ?

Nous voilà désormais en mars 2024 : Noël Lazarini quitte la capitale pour rejoindre celle des ducs de Bourgogne. « Je ne connaissais l’hôtel La Cloche que de nom, avoue-t-il, mais pas plus que ça. Comme tout le monde, je suis allé voir sur Internet, et j’ai vu que c’était un bel établissement. Quand je suis arrivé à Dijon pour la première fois, j’ai d’abord visité la ville et je l’ai beaucoup appréciée. Ensuite, ça a matché avec la famille Jacquier (propriétaire du bâtiment, Ndlr) ». Nommé directeur général d’un établissement pour la première fois de sa carrière, le Corse semble prêt à maximiser le potentiel d’un hôtel qui n’en manque pas – 88 chambres, un bar, un spa et une capacité d’adaptation à différents types de tourisme avec des salles de réunion et de banquet. « Je repense souvent au fait que quand j’étais à Paris, je ne le connaissais pas. Je veux que ça change : je rêve de le faire davantage connaître. Il faut se demander comment on peut aller encore plus loin ; si on cherche, il y a toujours quelque chose à développer. »