Vous venez d’être plébiscité à la tête de la Fédération européenne de l’industrie du recyclage - Federec. Que représente cette nomination pour vous ?
Olivier François. C’est vraiment une belle reconnaissance de la profession. Cela fait 20 ans que je suis très actif dans le domaine du recyclage à travers la Fédération française et, petit à petit, à travers mon investissement, je me suis investi dans la Fédération européenne à Bruxelles. J’ai été vice-président de la Fédération et suis donc aujourd’hui devenu président pour trois ans de mandat.
Concrètement, que recouvre la filière du recyclage ?
Nous considérons que le recyclage est la production de matières premières, c’est-à-dire le fait de produire du neuf avec des matériaux recyclés. Or les gens ont tendance à penser que notre métier est uniquement lié à la gestion des déchets. Aujourd’hui, 80% de l’activité du recyclage est liée aux métaux, dont 40 % pour les métaux ferreux et 40% pour les métaux non ferreux (aluminium), 7 % pour le papier carton, 3% pour les plastiques et 10% pour tout ce qui concerne le textile, le bois, les pneumatiques... Les métaux jouent un rôle absolument majeur dans le métier de recyclage. À l’échelle nationale, la filière pèse environ neuf milliards d’euros de chiffre d’affaires et représente plus de 1.000 entreprises.
Quels sont les principaux défis à relever pour la filière ?
La Commission européenne, avec Ursula Van der Leyen comme présidente depuis 2019, avait affiché la couleur avant même la Covid. Le cap n’a pas varié depuis : la Commission a clairement inscrit l’économie circulaire comme sa priorité numéro un, ainsi que la décarbonation comme autre priorité. Il faut que l’Europe accélère sa politique en matière de décarbonation, cela représente l’un des principaux enjeux des années à venir.
Comment s’articule le plan d’actions de la Commission européenne ?
Précisément l’objectif à terme est d’utiliser les matières recyclées pour la conception et la fabrication d’objets neufs, c’est cela qui crée le lien indissoluble entre l’économie circulaire et la décarbonation. Donc l’utilisation de matières recyclées est un levier extraordinaire pour décarboner la production industrielle.
« Il y a urgence à amplifier le recyclage, mais il faut nous permettre d’investir et de continuer à produire des matières premières recyclées »
Quels sont, actuellement, les freins persistants de la filière recyclage ?
Les entreprises savent très bien faire leurs calculs : quand elles consomment des matières recyclées, elles font forcément des économies d’énergie, il n’y a donc pas réellement besoin de les convaincre. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus les autorités à l’origine des réglementations qu’il faut convaincre. C’est ce à quoi nous travaillons intensément. Pour cela, l’idée est d’introduire des obligations d’incorporation de matières recyclées dans les objets neufs, c’est là tout l’enjeu actuel. En 2025, par exemple, l’Europe a imposé l’incorporation obligatoire d’au moins 25% de plastique recyclé dans les bouteilles en plastique type PET (typiquement les bouteilles d’eau). La plupart des grands groupes à l’image de Danone et Nestlé, à titre d’exemple, se sont immédiatement rapprochés des acteurs du recyclage par rapport à ces futures réglementations.
L’introduction d’obligations est-elle donc la solution pour que la filière accélère ?
L’introduction d’obligations est effectivement une voie, mais il faut favoriser la demande. Parce que c’est bien de recycler mais la demande est extrêmement importante, et l’incorporation d’obligations de matières recyclées stimule cette demande. C’est un argument qu’on a déployé depuis des années et qui commence à trouver des effets dans les décisions politiques à l’image de la France. De l’autre côté, les industriels ne veulent pas d’obligation et veulent rester libres de choisir. Il faut donc vaincre les réticences de la part des constructeurs d’objets neufs. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur un vrai soutien des parlementaires français et européens pour stimuler la demande à travers ces obligations.
Est-ce que la France est plutôt en avance sur ses voisins européens en matière de recyclage ?
Il n’existe que très peu de différences entre les pays de l’Europe de l’Ouest, à savoir la France, l’Allemagne, le Benelux et même l’Espagne qui a beaucoup rattrapé son retard. Nous constatons très peu de différences en matière de qualité technique et d’investissements entre ces pays. En revanche les pays de l’Europe de l’Est restent en retard en ce qui concerne le traitement de déchets et le recyclage.
Êtes-vous confiant pour les années à venir ?
Il y a une réelle prise de conscience en ce qui concerne l’usage de matières recyclées pour décarboner l’industrie. J’ai cette impression que même la guerre en Ukraine ne va pas profondément remettre en cause l’idée de décarbonation. Elle risque de retarder l’application de certains projets, mais nous sommes sur la bonne voie en matière de décarbonation. L’objectif est d’accélérer sur un mode de consommation et de production d’objets qui soient décarbonés, mais il faut pour cela que ce soit l’objectif numéro 1 des États. Il y a urgence à amplifier le recyclage, mais il faut nous permettre d’investir et de continuer à produire des matières premières recyclées...