Invités / Entretiens

Olivier Poelaert

Soleil couchois.

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« Je pourrais vivre partout où il y a une bonne table et des gens qui me tendent la main ». (Crédit : DR)

On le range volontiers dans la case (très fournie en Bourgogne) des grandes gueules attachantes mais il n’est pas la plus médiatique. Pourtant, c’est bien son visage qu’on a vu apparaître dimanche, aux côtés de Michel Cymes et Thierry Lhermite, suite à son enchère victorieuse de la « pièce des présidents » aux hospices de Beaune. Rencontre avec un homme de valeurs, passionné, instinctif et entreprenant.

Il est l’enfant d’un père origine belge et d’une mère d’origine espagnole, qui se sont rencontrés… en Algérie. Allez savoir si ces influences multiples n’ont pas contribué à faire de lui ce qu’il est. Ou peut-être sont-ce ses origines normandes, il est né près de Caen, qui lui ont donné cet état d’esprit conquérant. Mais ce n’est pas de drakkar dont il rêve enfant. Biberonné aux exploits télévisuels des Chevaliers du ciel, Olivier imagine devenir Tanguy ou Laverdure, avant que ces problèmes de vue ne l’empêchent de devenir pilote de chasse. Il doit quitter l’école de Bretigny-sur-Orge la mort dans l’âme mais pas question de renoncer à une vie à 100 à l’heure.

Informaticien de la première heure

Une fois son bac électrotechnique en poche, il intègre l’entreprise Somelec comme technicien puis comme commercial, son patron ayant rapidement repéré ses capacités. Intrigué par l’arrivée des premiers PC en 1986, Olivier ne le convainc pourtant pas d’investir la filière, trop fidèle au minitel, mais il y parvient avec celui de sa femme avec qui il crée CSI qui deviendra plus tard Cyllene, opérateur de transformation digitale. «  Et ça dure depuis 40 ans », résume-t-il, lui qui passe encore environ la moitié de sa semaine à Paris pour gérer son entreprise.

Vin et vintage

Olivier Poelaert, on l’aura compris, aime aller vite. Alors pour limiter les risques, ce passionné d’automobile a opté pour les sportives… anciennes, celles des années 1950/1960, les Jaguar, Ferrari, Lamborghini et autres Austin Martin, une façon de s’offrir des sensations enivrantes en restant en règle avec le Code de la route. « En roulant à 90 on a l’impression d’être à 200 », sourit-il. On peut même l’apercevoir sur le Tour Auto avec une Austin Healey décapotable qui roule au bio éthanol, comme pour faire taire les écologistes qui ciblent volontiers les veilles bagnoles polluantes.

Et puisque l’homme est jusqu’auboutiste, faute d’un garagiste suffisamment fiable à ses yeux, il a fondé à Courbevoie son propre atelier de réparation de véhicules anciens qui existe encore aujourd’hui et qui est tenu par… son fils.

Quant à sa passion du vin, il la fait volontiers remonter aux origines du monde, enfin du sien. « Mon père mettait en bouteille du coteau-du-layon le jour où je suis né », s’amuse-t-il. Rapidement, pour celui qui a l’âge de 17 ans effectuait sa première dégustation à l’aveugle, la cave deviendra une des pièces les plus importantes de la maison.

Mais son destin bachique réellement bascule à cause de… sa femme. Pour tromper son ennui dans son travail de gestionnaire de l’entreprise, cette passionnée d’archéologie souhaitait investir une demeure historique. Et c’est ainsi qu’en 2009, le couple fait l’acquisition du château de Couches, dit de Marguerite de Bourgogne. Une impressionnante bâtisse aux origines médiévales (XIIè et XVè siècles), complétée par un corps de logis XIXè, devenue un bastion de l’œnotourisme.

Dans un premier temps, Olivier est un peu déçu par la qualité des vins. « L’ancien gestionnaire des vignes considérait le Couchois comme sur zone d’entrée de gamme, bonne à produire du crémant. J’avais une autre vision. » Sous-entendu, comme une envie d’excellence.

Encore faut-il avoir les capacités de la faire. « Au départ, je n’étais qu’un amateur de vin, je connaissais la dégustation mais pas la culture de la vigne. C‘est le vigneron Jean-Claude Royet qui m’a pris sous son aile, il m’a tout appris. » Un aveu qui sonne comme un hommage.

Porte-parole du Couchois

Il reprend le bail en 2016 pour gérer les vignes en direct et en 2017 il change de braquet en rachetant les caves de Mazenay Il possède aujourd’hui 25 ha mais en vinifie et élève l’équivalent de 60. Le slogan de la maison : des grands vins à petits prix. Car il est de ceux qui veulent partager le bon goût et ne pas le réserver à une élite. « On peut gagner sa vie en faisant des bons vins à 15 € », assure Olivier.

Mais son esprit franc-tireur lui vaut d’être regardé dans un premier temps avec suspicion par les vignerons voisins. Alors pour défendre sa vision, il a d’abord créé sa propre association. Depuis, les deux clans ont enterré la hache de guerre. « Aujourd’hui, je suis le porte-parole des producteurs ! C’est bien ainsi. Vous connaissez la devise des Belges : l’Union fait la force. »

Et il peut profiter de sa médiatisation récente. La vente aux enchères 2023 des hospices de Beaune l’a révélé aux yeux du grand public. « J’ai relancé à 350 000 € car les enchères commençaient à s’assoupir », persuadé qu’elles allaient se poursuivre. Il a eu la bonne surprise de voir Michel Cymes porter le coup de marteau final sur son offre. « Un des plus beaux jours de ma vie, j’ai pu crier vive le Couchois sur l’estrade ». En homme de valeurs, il promet de « de ne pas spéculer sur cette pièce. »

Toujours tourné vers l’avenir, quand on lui demande des dates clefs de son parcours, il ne peut s’empêcher de citer 2024 : «  Je fêterai mes 60 ans, nos 40 ans de mariage, peut-être l’aboutissement de l’AOP côtes-du-couchois blanc ! »