Le 6 octobre dernier, elle s’est classée 6e aux Trophées du maquillage permanent, un concours national organisé lors du Beauty Forum à l’hôtel Pullmann de Paris, dans la catégorie « aréoles mammaires ». Derrière ce trophée, c’est la récompense du parcours d’une esthéticienne arrivée dans le domaine à cause d’un BTS comptabilité « qui n’était pas pour moi » et d’un bilan de compétences : « J’ai découvert toute la dimension du contact avec les autres, prendre soin d’eux, et l’aspect cosmétique qui me plaisait. Ce n’était pas une vocation. Ni ma mère, ni moi n’avions mis les pieds dans un institut. Je ne savais pas trop ce qu’il en retournait ».
Finalement, Peggy qui cherchait un emploi, découvre un métier : celui de la rencontre privilégiée avec le client, de l’intimité partagée avec un ou une inconnu(e), d’un lien de confiance qui se créé à huis-clos : « On est un peu le psy bis. Les gens se livrent complètement ». Et par conséquent, elle se livre aussi, parfois même en annulant des rendez-vous pour écouter ses clientes, quitte à y passer des heures.
Employée dans un institut de Toucy, Peggy Dobremel rachète l’affaire en 2005. Elle y passera 13 ans, formera dix apprentis, fera grandir la réputation de son entreprise jusqu’à, dit-elle, toucher le plafond de verre en 2016, date à laquelle, elle décide de revendre : « L’institut marchait bien. Je me suis éclatée mais j’avais fait le tour. Puis la vie de commerçante est difficilement compatible avec la vie de famille. Et je venais de me marier, j’avais 38 ans. C’était le moment de changer avant de ne plus oser ».
L’institut vendu, se pose alors la question de la suite : « Je n’avais pas de projet mais je savais ce que je ne voulais plus faire. » Puis, Peggy se souvient des clientes qui venaient la voir pour l’épilation des sourcils : « J’avais un truc pour ça. Les clientes étaient ravies, mais j’étais frustrée. On a beau faire la plus belle épilation, quand il n’y a pas de poils, il n’y a pas de poils. Et je n’avais pas de solution pour redonner une ligne aux sourcils qui sont essentiels pour le visage. Ils sont le caractère, la jeunesse du regard. C’est la pièce maîtresse du visage. Au final, je n’étais pas satisfaite ». Par des clientes, elle découvre le maquillage permanent qui va répondre à cette frustration, élargir son métier hors du seul aspect esthétique, lui faire découvrir la dermographie réparatrice, la reconstruction des aréoles mammaires, la pigmentation, tout ce qui reconstruit l’esthétique du corps après une maladie, et notamment le cancer.
Reconstruire le corps et l’âme
Aujourd’hui Peggy Dobremel intervient dans les centres esthétiques, instituts et spa, principalement auprès des femmes atteintes de pathologies. Parmi elles, les malades atteintes du cancer du sein : « Quand on apprend que l’on a un cancer, on vous dit seulement que vous allez perdre vos cheveux et on vous met à la rue avec cette information ». En amont, elle intervient notamment sur la perte des sourcils, en dessinant la ligne pour que, pendant le traitement, le miroir ne réfléchisse pas une image morbide. Pendant le traitement, grâce à la dermographie, elle permet aux patients sous chimiothérapie de retrouver les lignes de leur visage : « Je vais prendre des mesures par rapport à la morphologie, créer une cartographie pour retrouver la ligne du sourcil, la couleur des pigments pour que le tatouage soit le plus fidèle possible ».
« On est la dernière personne qui intervient dans la reconstruction définitive, le dernier maillon qui permet de refermer l’épreuve du cancer. »
Après le traitement, pendant la rémission et à l’issue de toutes les interventions et notamment des mastectomies (ablation d’une partie ou de la totalité du sein), c’est grâce au maquillage en 3D, en s’appuyant sur des techniques d’ombre et lumière qu’elle reconstruit – visuellement – les aréoles mammaires. Une intervention bien plus essentielle qu’un simple maquillage permanent : « On voit de plus en plus de cas chez des jeunes femmes et à cet âge-là, la féminité est essentielle. On est la dernière personne qui intervient dans la reconstruction définitive, le dernier maillon qui permet de refermer l’épreuve du cancer. Et comme nous ne sommes pas dans un environnement médical, les personnes viennent avec un autre état d’esprit ».
Car derrière cette reconstruction esthétique, c’est toute la féminité, l’appropriation du corps qui se joue : « Il m’arrive de rencontrer des femmes qui ont été amputées de leur aréole il y a 10 ou 15 ans. Qui disent “Oh je m’y suis habituée” puis quand elles se regardent dans le miroir, elles pleurent et se rendent compte qu’elles avaient oublié leur sein et qu’elles se retrouvent ».
Une pratique insuffisamment prise en compte
C’est pour cet impact psychologique essentiel que Peggy Dobremel souhaiterait mettre en place une convention avec La Ligue contre le cancer. L’intervention coûte entre 300 et 600 €, sans prise en charge. Les maquillages permanents, réalisés à base de produits vegan, doivent être entretenus – leur durée varie de 1 à 5 ans. Or « Être malade du cancer, ça coute très cher. Toute une partie des soins n’est pas prise en charge ». Autre inquiétude de la professionnelle, l’absence de réglementation : « Aujourd’hui n’importe qui peut faire ce métier sans aucune connaissance. La seule chose imposée est la formation d’hygiène et salubrité ».
Un vide juridique qui peut avoir des conséquences dramatiques médicales et psychologiques en même temps qu’il néglige une étape esthétique essentielle dans la guérison : « Le Centre Georges-François Leclerc de Dijon m’envoie certaines de leurs patientes, mais d’une manière générale, les médecins ont encore du mal à conseiller ces interventions qui peuvent apporter un soutien important dans la lutte contre la maladie. Même quand on est face à la fatalité, on peut trouver des solutions qui vont aider les malades à traverser l’épreuve. Perdre sa féminité, son intimité, c’est dramatique pour une femme. Et cela a des conséquences, parfois terribles, notamment dans le couple. »