Derrière la porte de la boutique de la Chocolaterie de Bourgogne, l’imposante carrure de René Loquet rejoint son bureau, témoin d’une autre époque. Jovial et avenant, l’homme de 46 ans se définit comme un véritable Côte-d’Orien, originaire de Nolay, même si ce sont les murs de l’hôpital de Chalon-sur-Saône qui l’ont vu naître. Son passage par l’IUT génie électrique et informatique du Creusot ne laisse en rien présumer de son parcours professionnel. « Cela ne me correspondait pas alors j’ai poursuivi avec un BTS Force de vente », sourit-il. En alternance, il débute chez Equip Labo Froid et travaille en parallèle dans l’univers du loisir au Carré, jusqu’à devenir adjoint de direction. À 23 ans, il bifurque pour intégrer l’enseigne Carrefour comme responsable d’une agence finance et assurance. Pendant 13 ans, René Loquet évolue jusqu’à devenir directeur de réseau pour les agences bancaires Carrefour. Mais à 41 ans, il opère un virage majeur.
Reprendre les bases
« Les postes que je visais nécessitaient un diplôme d’école de commerce et un bon niveau d’anglais. » Il rejoint alors l’EM Lyon Business School où il suit deux masters. « Incertain quant à ma future vie professionnelle, je ne savais pas si je voulais retourner dans un grand groupe ou alors créer ou encore reprendre une entreprise. Je me suis préparé aux deux. » Dans le cadre de son Executive MBA et de son Advance Management Programm, il n’hésite pas à partir près de trois mois à Londres, laissant derrière lui sa femme et ses deux jeunes enfants. Avant même l’obtention de son diplôme en 2019, le quadragénaire est sollicité. « On m’a informé que la Chocolaterie avait changé de main, reprise par l’Espagnol Lacasa, et que le groupe cherchait un directeur général. » Réticent au début, par méconnaissance du secteur, René Loquet rencontre toutefois les dirigeants. « Ils cherchaient surtout un Dijonnais avec la culture française, une connaissance de la réglementation, capable de conduire une usine, manager une équipe, échanger avec les institutionnels ou les syndicats. »
« J’avais conscience que le produit et la marque bénéficiaient d’un réel pouvoir d’attractivité. »
Il finit par accepter le poste, à titre temporaire d’abord avant de s’inscrire dans le long terme. « J’ai aimé le défi, risqué, de redresser cette entreprise locale et j’ai aimé les valeurs du dirigeant soucieux de créer de l’emploi localement. » De 65 salariés en 2018, la Chocolaterie atteindra 120 collaborateurs en 2020. Une ombre passe toutefois sur son visage quand René Loquet évoque les raisons structurelles et conjoncturelles qui ont conduit à la fermeture de l’usine et des boutiques, conduisant au licenciement de 75 personnes en 2021. Même si le directeur général avait réussi à faire grimper le chiffre d’affaires de zéro à 23 millions d’euros en deux ans, sans pour autant atteindre la rentabilité, les charges, les ambitions et la Covid ont finalement eu raison de l’activité, amenant l’actionnaire principal à renoncer. « À ce moment-là, c’était la bonne décision à prendre et avec le recul, ça restait la bonne décision. » Il se souvient cependant encore tout autant du jour où il a fermé la porte du site que des longues files d’attente devant la boutique où les clients, larme à l’œil, venaient chercher les derniers escargots.
Une fin pour un nouveau début
René Loquet a accompagné la procédure de redressement puis de liquidation. Il a aussi participé à la recherche d’un repreneur pour le site industriel de 6.000 mètres carrés afin de s’assurer que le projet soit crédible et qu’il garantisse l’emploi. En mai 2022, le site est repris par un promoteur. Mais René Loquet reste attaché à la Chocolaterie de Bourgogne : « J’avais conscience que le produit et la marque bénéficiaient d’un réel pouvoir d’attractivité. » Il s’appuie sur son expérience dans le commerce de détail, dans l’industrie et sur son master en stratégie entrepreneuriale pour imaginer une nouvelle histoire aux fameux escargots en chocolat. « Il y avait aussi les équipes qui connaissent le produit et les recettes, le site dont nous pouvions occuper une partie et la marque, mise à disposition par Lacasa. »
Entouré de quelques anciens collaborateurs, mois après mois, René Loquet imagine sur place un projet moins ambitieux, mais viable sur la durée. « Certains ont démissionné pour me suivre », sourit-il, une pointe de fierté et d’émotion dans la voix. Il rachète le contenu de la boutique et quelques éléments du patrimoine comme l’ancien bureau de M. Lanvin, des cuves et des documents d’archive. « On a préparé la reprise, trouvé un fournisseur qui fabrique notre recette le temps de rapatrier les équipements. »
Des clients de retour !
Après avoir investi 100.000 euros en mai 2022, René Loquet prévoit d’engager 500.000 euros pour reprendre une partie de la production en 2023, puis une seconde phase d’investissement comprise entre 1,5 et deux millions d’euros pour internaliser la production de chocolat. En parallèle de son réseau de revendeur, le repreneur envisage d’ouvrir de nouvelles boutiques à Dijon et Beaune d’abord puis d’aller conquérir les marchés de Besançon ou Chalon-sur-Saône. De nouveaux produits à consonance locale comme un nougat bourguignon pourraient voir le jour tandis qu’il cherche à séduire les jeunes ou encore à fournir des bonbons au chocolat en marque propre pour d’autres clients. Pour l’heure, René Loquet se réjouit de voir que, depuis la réouverture en septembre 2022, les clients répondent présents. « Certains vont jusqu’à me remercier », sourit-il, touché dans son cœur, fondant comme du chocolat.