Invités / Entretiens

Riadh Bouaziz

Du sol tunisien au monde du luxe

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Photo de Riadh Bouaziz
(Crédits : RKF GROUP)

« J’ai toujours été attiré par des études à l’étranger. J’ai vite eu l’ambition de m’épanouir à l’international », se souvient Riadh Bouaziz. Originaire de Sfax en Tunisie, il y est resté jusqu’au bac avant de s’envoler pour la France et d’atterrir à l’IUT de Belfort. Il rejoint la filière organisation et génie de la production. « J’avais postulé dans plusieurs établissements mais face à Paris ou Lyon, j’ai préféré Belfort car j’y voyais une ville plus sage pour l’étudiant fêtard que je savais être. » Il poursuit son cursus par un diplôme d’ingénieur à l’université de Haute Alsace. « Je voulais avoir plus de possibilités de parcours et des responsabilités plus importantes. » En alternance dans l’industrie ferroviaire, il y reste un temps malgré l’envie d’entreprendre qui très tôt l’anime. « J’étais le plus jeune directeur qualité de France à ce moment-là. J’étais parmi les premiers à faire la norme ISO 9002 qui a permis à ma société de signer deux importants contrats dans la foulée », ne manque pas de préciser Riadh Bouaziz. Sorte de serial certificateur pour le groupe Swiss Steel qui l’emploie, il met ses compétences au service des différentes identités jusqu’à en perdre un certain intérêt pour son métier.

Dès 1998, il entame une réflexion pour créer sa propre entreprise. « Je cherchais ma valeur ajoutée. Je ne voulais pas aller dans la certification mais plutôt créer quelque chose d’innovant. » À force de chercher, c’est un souvenir d’enfance qui l’a finalement mis sur la voie de son activité. « Une fois par an, nous allions passer un week-end dans un hôtel de luxe en Tunisie. J’avais l’impression de vivre un rêve avec la climatisation, un haut niveau de service, le sourire du personnel… J’attendais ce moment d’une année sur l’autre. » C’est de ce souvenir que lui est venue sa volonté de travailler dans l’hôtellerie du luxe. Restait pour lui à trouver de quelle façon.

La Boucle Intirable

En jouant le client d’hôtels de luxe et de palaces parisiens, il observe avec attention les services, les prestations, les produits à la recherche d’une problématique à solutionner. « J’ai constaté que les peignoirs avaient tendance à s’effilocher et que le problème était récurrent. » Riadh Bouaziz décide alors de créer des peignoirs et serviettes de qualité « avec des bouclettes éponge résistantes. » En 2000, il lance RKF Group avec une usine à Luxeuil-les-Bains en s’appuyant sur un produit de qualité avec une durée de vie accrue, au prix du marché. Sûr de lui, le jeune dirigeant se fixe l’objectif de devenir le leader français du secteur en 2005. « J’y suis arrivé dès 2003 en comptant la quasi-totalité des thermes et centres de thalasso français comme clients. » Le bouche-à-oreille fait son œuvre autour de « la boucle intirable » et RKF gagne des clients avec les clubs de sport et les chaines d’hôtel. En 2004, il se lance à l’export dans les pays frontaliers et le Moyen-Orient. En 2005, RKF étend son activité au linge de lit. « Dans l’hôtellerie de luxe française, on utilisait du poly-coton. J’ai voulu miser sur un produit plus noble et sur le Made in France. »

Casser Les Codes Du Luxe

En 2007, le chef d’entreprise sollicite un cabinet conseil pour basculer du haut de gamme au luxe. « Je voulais fournir le groupe Vuitton dans les cinq ans. » Pendant la crise de 2008, il maintient ses efforts en sillonnant les salons et décroche un contrat avec l’hôtel Cheval Blanc de Courchevel. Désormais RKF équipe 50.000 établissements du luxe, hôtel et spa, dans 87 pays du monde. Malgré le succès qu’il n’hésite pas à souligner, Riadh Bouaziz ne se repose pas sur ses lauriers et cherche à innover. « Les gens n’osaient pas traverser le lobby des hôtels en peignoir et chausson pour aller au spa. J’ai voulu créer un peignoir haute couture et j’ai lancé une première collection en 2018 avec un défilé de mode sur la place Vendôme pendant la fashion week. Cette idée cassait avec la tradition et apportait de l’originalité à un produit comme le peignoir. » Le groupe RKF poursuit son développement en enrichissant sa gamme avec du linge de table qu’il installe dans les étoilés Michelin.

En 2007, le chef d’entreprise sollicite un cabinet conseil pour basculer du haut de gamme au luxe. « Je voulais fournir le groupe Vuitton dans les cinq ans. »

Entre temps, en 2017, le groupe rachète l’entreprise Bruno à qui il sous-traitait la fabrication d’une partie de ses produits. « Fondée en 1834, la société était habituée des familles royales, du Moyen-Orient… Nous en gardons en héritage des dessins qui servent nos collections, des marques et des brevets autour d’innovation dans les matières, la qualité du made in France mais aussi la durabilité. » Riadh Bouaziz insiste sur les labels et certifications qui inscrivent ses marques dans une industrie durable. « Nous sommes parmi les 8 % des meilleures entreprises mondiales. Nous tendons vers un bilan carbone nul. Nous sommes en avance sur le sujet. »

Innover Aussi Dans L’écologie

En parallèle, le dirigeant de 58 ans se félicite des nombreux prix remportés par RKF. « Nous en avons eu 24 en 10 ans que ce soit sur le design haute couture, l’innovation ou les matières. » Actuellement, l’entreprise finalise un produit « au toucher soie réalisée avec de la fibre de bois de hêtre, 100 % naturel, écologique, recyclable et biodégradable qui consomme 20 fois moins d’eau que le coton ! » Chevalier de l’Ordre national du mérite, il contribue au rayonnement du pays et de la région avec une entreprise comptant 160 salariés. Entrepreneur dynamique, il parcourt le monde et les hôtels de luxe tout en trouvant le temps de s’entretenir et de passer du temps avec ses quatre enfants. Quitte à se lever aux aurores pour tout faire tenir dans une journée.