Sacré péché de gourmandise
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Sacré péché de gourmandise

Xavier Brignon. Cet artisan pâtissier-chocolatier à Besançon vient de recevoir le titre de « Maitre Artisan Pâtissier ». Parallèlement à ce sacre, il ouvre une seconde boutique au centre-ville.

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Photo de Xavier Brignon
Xavier Brignon devant sa nouvelle boutique au centre-ville de Besançon la veille de son ouverture. (Crédit : JDP.)

La vie professionnelle de Xavier Brignon doit tout à l’un des sept péchés capitaux : celui de la gourmandise. Enfant déjà, il était capable d’engloutir le tiers de la préparation à tarte de sa grand-mère avant qu’elle n’ait eu le temps de la passer au four ! Collégien, ce penchant pour la chose sucrée lui valut quelques heures de colle, après que le garnement ait croqué goulûment dans le gâteau préparé par la classe d’à côté : « Cette punition est venue conforter en moi l’idée que je devais faire de ma gourmandise mon métier », se souvient Xavier Brignon. À une époque où les métiers manuels sont peu considérés, il s’inscrit d’abord à l’école hôtelière de Besançon où son appétence au sucre lui vaut d’être une nouvelle fois remarqué par un de ses professeurs qui lui prédit un destin de pâtissier.

Globe-croqueur

La messe étant dite, il entre en 1990 en apprentissage chez Philippe Verny, un grand pâtissier qui tient boutique rue de Vesoul à Besançon. Il obtient un CAP cuisinier complété d’un an de CAP chocolatier. Trois ans plus tard, libéré du service militaire, on le retrouve dans les cuisines d’un restaurant au Canada où il partage son temps entre descentes de pistes en snowboard et montée de blancs en neige. Ce boulimique de travail et de savoirs poursuit ses pérégrinations sucrées encore un été à Montréal alternant avec la réalisation des desserts le soir en restauration et le matin dans une boutique de pâtisserie, avant de s’envoler pour la Suisse, où, à 22 ans, il prend la place de chef pâtissier d’un hôtel restaurant quatre étoiles à Genève. « C’était l’époque des premiers postes de pâtissiers en cuisine, des premiers desserts de restaurant, où tout est fait minute pour sublimer les goûts, tout en s’inscrivant dans la continuité du menu élaboré par le chef... Sans conservation, ni transport, on entrait dans une tout autre dimension que la pâtisserie de boutique », se souvient Xavier Brignon qui pendant plus de vingt ans va ainsi continuer de “globe-croquer” les expériences un peu partout dans le monde auprès des plus grands chefs cuisiniers, de meilleurs ouvriers de France ou encore de champions du Monde de la pâtisserie au sein des univers culinaires, pâtissiers et traiteurs. « J’ai passé deux ans aux États-Unis, dans une station de ski au Colorado, j’y ai appris la langue et obtenu une carte verte mais j’ai surtout pris conscience de la formidable notoriété de la pâtisserie française... », relate l’artisan, tout en confiant qu’à l’époque : « j’étais une véritable éponge, je notais tout dans des carnets, prenant tout ce qui me faisait vibrer, ce en quoi je me reconnaissais, dans l’optique de m’en servir plus tard dans la construction de ce qui ferait l’ADN de mes futures créations. Il faut dire qu’à l’époque, il n’y avait pas d’internet, pas d’accès facile aux savoirs, la seule solution était de pousser des portes et de travailler sans compter ses heures ».

« Quand on est pâtissier français, de l’Asie à l’Amérique, le monde s’ouvre à vous mais on n’a rien sans rien, le travail reste indispensable »

En 2014, il a 42 ans, quand il décide enfin de se poser et de s’installer dans son Besançon natal. Le hasard, le fera reprendre la boutique de son premier employeur Philippe Verny. Mais avant de boucler ainsi la boucle, Xavier Brignon, reprend pour un temps le chemin de la formation : « je voulais savoir si j’avais la légitimité de m’installer à mon compte ». Il se confronte alors aux meilleurs, du chef étoilé de Metz Christophe Dufossé au Meilleur ouvrier de France Franck Fresson « qui possède sans doute la plus belle boutique de France et la plus technique ». Ainsi rassuré par ses pairs, celui qui cumule également les concours et les prix (meilleur apprenti de Franche-Comté, demi-finaliste en 2018 Meilleur apprenti de France, et vice-champion de France du dessert 2009 et 2011) va enfin pouvoir s’exprimer pleinement, associant sa double expérience en cuisines et en boutiques dans des créations signées XB, inspirées d’une saveur, d’un voyage ou d’une expérience et privilégiant les produits locaux sans concession sur la qualité.

Un Titre Et Deux Boutiques

Ces gourmandises raisonnées, moins sucrées et moins grasses trouvent rapidement leurs becs sucrés locaux au point de voir le chiffre d’affaires multiplié par trois en dix ans, avec une croissance à deux chiffres chaque année. « Nous avons été très vite à l’étroit dans la boutique, nous avons donc investi dans un laboratoire de 300 m2 à Miserey-Salines : un outil formidable riche en machines qui m’ont permis d’optimiser toute la production sans valeur ajoutée. L’idée étant d’aller vers une mécanisation intelligente qui en enlevant la pénibilité libère la créativité et fidélise les équipes ». Enfin, mi-novembre 2024, il ouvre une deuxième boutique bisontine en plein coeur de ville, sur la place de la révolution. Il investit 300.000 € dans les travaux, pour faire des lieux son “chez lui” : « Cette nouvelle adresse est pour moi la concrétisation de mon parcours... Le lieu a été pensé avec des décors neutres pour mettre en avant les produits, avec un service par l’avant, moderne. À l’entrée, j’ai réservé une place pour la réalisation de finitions sur place ou pour des démonstrations de jeunes apprentis afin de promouvoir l’artisanat », évoque celui qui fait de la transmission une priorité et qui a reçu le 18 novembre 2024, le titre de « Maître artisan pâtissier » à la chambre de métiers et de l’artisanat du Doubs des mains de sa vice-présidente Manuela Morgadinho. « Les apprentis qui sont passés par chez moi ont 90 % de réussite aux examens et sont aujourd’hui dans de très bonnes maisons. Aux jeunes, je leur dis : “si ce n’est pas pour toi un métier passion, alors arrête !”. Quand on est pâtissier français, de l’Asie à l’Amérique, le monde s’ouvre à vous mais on n’a rien sans rien, le travail reste indispensable »