En 2019, quand Sophie Courvoisier ouvrait les fenêtres de sa chambre son regard avait pour horizon d’immenses palmiers pourvoyeurs d’ombres rafraîchissantes, le sable blond clair, presque blanc de plages où naguère des pirates de légendes enterrèrent de mystérieux coffres aux trésors et les eaux cristallines de la mer des Caraïbes, donnant à voir toute une faune aquatique hétéroclite et bigarrée... Les destinations de rêves, les restaurants étoiles et autres Palaces, celle qui vient de reprendre la direction du Cours Hôtelier de Besançon les égraine sur son Curriculum Vitae.
De Paris à Genève, de Deauville à Monaco, de l’Angleterre aux îles tropicales privées, des ambassades aux hôtels de luxe, en passant par les Relais & Châteaux ou les maisons privées, celle qui fut ancienne élève de l’école bisontine a eu à cœur d’explorer toute la diversité de son métier, dont elle connaît aujourd’hui tous les codes.
Entrée en 1988 au sein de cette prestigieuse institution privée de formation aux métiers de réceptionniste, gouvernante et majordome, Sophie Courvoisier a eu pour professeur Madame Denise Cheval, une des plus iconiques directrices de l’établissement.
Celle qui allait prendre sa retraite un an plus tard, avait, en vingt-six années de direction, contribué à la formation de plus de 1.300 élèves, au point que son nom finisse, pour le public et les professionnels de l’époque, par se substituer avec celui de l’établissement. On ne parlait alors plus de Cours Hôtelier mais d’école Cheval !
Ascension à l’étranger
Enfant, Sophie Courvoisier est attirée par la cuisine et la pâtisserie, mais ses parents jugent ces activités trop masculines et préfèrent qu’elle suive la voie tracée par sa sœur qui a fait le Cours Hôtelier de Besançon. Quand, en 1989, elle sort à son tour diplômée de cette école plus que centenaire, le passeport est déjà de mise : destination l’Angleterre, à Bournemouth plus précisément où elle intègre, les équipes de l’Hôtel Carlton cinq étoiles, comme chef de rang.
Les valises ont à peine le temps d’être défaites que la valse des destinations et des adresses plus reconnues les uns que les autres s’amorce : en 1991, elle est ainsi demi-chef de rang au Colombi Hôtel, cinq étoiles à Freiburg, en 1992, c’est comme réceptionniste caissière qu’elle œuvre à l’hôtel Hermitage, quatre étoiles luxe de Monaco.
« L’école reçoit chaque année plus de deux cents offres d’emplois d’établissements réputés. À l’issue de notre formation d’un an, dont trois mois de stages dans des hôtels de qualité en France et à Monaco, 100 % des élèves sont placés ».
Un poste qu’elle occupera également de 1993 à 1994 en Suisse au sein de l’hôtel cinq étoiles des Bergues, puis en 1995 la maison Anne-Sophie Pic, trois étoiles Michelin à Valence. « Une famille très à l’écoute et d’une extrême bienveillance qui m’offre une occasion unique de renouer avec ma passion juvénile pour la gastronomie », se souvient Sophie Courvoisier. De 1996 à 1998, c’est chez un autre grand chef, Marc Meneau, qu’elle pose un temps ses valises, comme assistante de direction de l’Espérance trois étoiles Michelin.
Ouvrir l’école aux nouvelles technologies
Elle occupera ensuite les postes de directrice de deux hôtels quatre étoiles du septième arrondissement de Paris, avant d’intégrer jusqu’en 2020 l’ambassade des États-Unis à Paris, non sans faire faire une petite escale sous forme de CDD d’un an comme gouvernante générale de l’île privée Calivigny au cœur de l’état insulaire des Grenades, au sud-est de la mer des Caraïbes.
« L’hôtellerie est un métier qui nous ouvre tellement de portes, d’opportunités, de découverte. C’est une source d’enrichissements quotidien. C’est aussi une grande famille, liées par les contraintes de la profession, de notre vie en décalage. Tout au long de mon parcours, j’ai créé des liens d’amitié forts au sein des établissements où je suis passée. Par mon professionnalisme et la confiance que l’on a su me témoigner, j’ai, par exemple, pu nourrir ma passion pour la décoration en participant à la rénovation d’hôtels de plusieurs millions d’euros... ».
Un panel d’expériences et de savoir-faire qu’elle entend transmettre à la nouvelle génération. « Quand on m’a proposé de prendre la direction du Cours Hôtelier, cela faisait presque un an que j’occupais le poste de gouvernante d’une maison privée. Je suis arrivée à Besançon le 15 novembre prenant “en marche” la cession d’élèves 2021-2022 : je me suis de suite senti comme un poisson dans l’eau, même si, je dois l’avouer, m’asseoir dans le fauteuil de Madame Cheval était très impressionnant pour moi.
J’ai accepté le défi avec l’envie de partager mon expérience, de transmettre, de donner aux étudiants de quoi “toucher” à la réalité du métier », confie la nouvelle directrice qui entend également projeter un peu plus l’école dans le XXIe siècle.
Rigueur et discipline
Et si la rigueur, la discipline, le respect des règles et le crédo : « quoi qu’il arrive, il faut garder le sourire : le plus important, c’est le client », sont toujours de mise, Sophie Courvoisier veut ouvrir l’école aux nouvelles technologies. « Aujourd’hui les hôtels sont de plus en plus équipés de tablettes, de logiciels spécifiques, pratiquent le e-management... La base de notre enseignement repose sur les jeux de rôle et mise en situations réelles... Il faut que nos 32 élèves puissent s’exercer sur ces nouveaux outils », défend la directrice qui recherche des sponsors pour appuyer ce nécessaire investissement.
« Je souhaite également renforcer la formation au métier de majordome, lancée il y a trois ans, pour répondre à une nouvelle tendance dans le monde du luxe. Celle-ci voit la clientèle fortunée déserter les palaces au profit de lieux privés plus intimiste où ils sont sûrs de ne pas être dérangés. Cette clientèle exige un personnel professionnel, disponible et au comportement discret... ».