Né à Champagnole dans le Jura de parents Haut-Saônois, Sylvain Grosdemouge fait ses premières armes de geek sur Amstrad et PC. À huit ans, il crée ses premières lignes de code et échange sur le sujet avec un voisin passionné comme lui et un ami de son père qui travaille dans le domaine.
« J’ai toujours été intrigué par l’affichage temps réel. C’est ainsi que j’ai fait mes premiers pas dans la demoscene (mouvement artistique né dans les années 1980 dont le but est de créer sous forme de programme informatique des démonstrations audiovisuelles remarquables, de petite taille mais extrêmement innovantes sur le plan technique et artistique. NDLR). Nous étions aux prémices de la 3D et des animations et nous essayions de repousser les limites des machines pour donner naissance à des animations fluides. Sur ce point, nous avions une certaine avance sur les jeux vidéo, ce qui fait que nos profils étaient très recherchés par cette industrie ». À 19 ans, après des études à Belfort, il part pour Paris où une opportunité de stage se fait jour. Il restera une dizaine d’année au sein de sociétés telles qu’Infogrames, Delphine Software International et Wizarbox, passant de programmateur à directeur technique encadrant des équipes de R&D.
« J’ai quitté la capitale avec mon épouse un peu sur un coup de tête, fruit d’un ras-le-bol grandissant de la vie parisienne et de la naissance de notre fille pour qui nous voulions un autre environnement. Nous avions devant nous un an de trésorerie. Quand je suis arrivée à Besançon je me suis d’abord installé comme autoentrepreneur puis je suis passé par l’incubateur de Franche-Comté puis l’hôtel d’entreprise de Temis Innovation pour créer la société Shine Research en 2012, avec la volonté de développer les secteurs du jeu vidéo et du logiciel en région. Deux ans plus tard, je réalisais ma première embauche ».
Ne pas mettre tous ses “jeux” dans le même panier
Ensuite tout s’accélère, Sylvain Grosdemouge met au point une chaîne de production interne, baptisée Shine Engine. Celle-ci permet notamment de créer, chose rare, une application sur PC et de la déployer sur toutes les plateformes du marché (PC, Mac, ios, android, consoles, casques de réalité augmentée et virtuelle…). L’entreprise, lauréate “Création” du Réseau Entreprendre Franche-Comté, maîtrise également les systèmes de reconnaissance de mouvements, de motion capture, de géolocalisation… autant de savoir-faire qui lui permettent de réaliser des projets sur-mesure.
L’entreprise ne quitte plus les taux de croissance à deux chiffres, affichant même une progression de 530 % entre 2015 et 2018, ce qui lui vaut d’intégrer la neuvième position du classement du cabinet d’audit Deloitte en 2017. En 2016, Shine Research quitte Temis pour s’installer sur la commune d’École dans des locaux de 200 mètres carrés. Shine Médical voit le jour pour travailler sur la simulation virtuelle pour l’univers de la santé. « Nous utilisons les technologies des jeux vidéo et de la réalité virtuelle notamment pour booster les séances de rééducation des patients post infarctus ou le repositionnement en radiothérapie ».
« Nous sommes sur un marché extrêmement porteur, nous recrutons actuellement entre cinq à dix personnes par an. »
De quatre les effectifs grimpent à 13 et l’espace vient une nouvelle fois à manquer. L’entreprise qui compte maintenant quatre entités : Shine Group (holding), Shine Research (jeux vidéo et création de logiciels sur mesure), Shine Médical (logiciels médicaux) et Shine Digital (développement web, formation, design, graphisme) déménage en 2020 sur son site actuel de Châtillon-le-Duc, dans des locaux de plus de 1.000 mètres carrés. « À notre arrivée nous occupions environ 400 mètres carrés, puis nous sommes passés de 16 à 39 collaborateurs en deux ans. Nous sommes en plein travaux, la surface utilisée est actuellement de 625 mètres carrés et nous prévoyons de créer un plateau dédié à la motion capture et un espace réservé à la réalité virtuelle ».
Croissance à haut-débit
Une des raisons de ce succès tient au fait que dès ses débuts la société s’est focalisée sur l’expertise technique (30 à 35 % du chiffre d’affaires en R&D) en réalisant d’abord du portage de jeux. « Il s’agit d’adapter le code, les graphismes d’un jeu pour les différentes consoles existantes sur le marché. Cela nécessite le recrutement de profils BAC+5 d’ingénieurs ou de docteurs en développement, ainsi que des technical artists pour adapter et optimiser les objets 3D. Puis, nous avons commencé à travailler sur des briques de développement de jeux pour des éditeurs en France, en Europe et au Canada. Recherche de chemin par l’IA, composant de comportement de gameplay, jusqu’en 2022, où nous avons signé avec un éditeur notre premier contrat pour la réalisation d’un jeu complet de A à Z, ce qui a conduit au recrutement de cinq graphistes, de designers et d’un chef de projet ». L’année 2022 fait d’ailleurs office de moment charnière dans le développement de Shine Group qui entre dans le programme d’Accélérateur de Bpifrance.
« Avant, nous étions sur une formule de portage où nous vendions des heures. De même, nous avons essaimé notre savoir-faire sur beaucoup de secteurs : médical, industrie, formation... Aujourd’hui, nous avons décidé de recentrer les choses sur le jeu vidéo qui porte l’essentiel de notre chiffre d’affaires. Nous proposons soit du portage complet en utilisant la technologie TRX que nous avons développé et qui permet de capitaliser du code source commun à tous les jeux - ce qui offre un véritable gain de productivité - soit on travaille le partage en licence (nous avons les agréments officiels pour Sony, Nintendo, Microsoft et Epic Games) ce qui est source de chiffre d’affaires stable et récurrent. Nous accompagnons également les studios indépendants en coproduction de jeux : nous prenons en charge les coûts de développement en échange de pourcentage sur les ventes. À cela s’ajoute la volonté de développer deux jeux complets décalés dans le temps en parallèle des projets de portage. La réalisation des jeux complets mobilise sur une durée courte un grand nombre de salariés, cet effet de “vague” doit pouvoir être compensé par d’autres activités afin de maintenir les équipes constantes. C’est ce que j’appelle cultiver la résilience de la société ».
Shine Group a dans les tuyaux sept jeux en développement (portage ou complet), travaille avec trois éditeurs et discute avec une trentaine dans le monde et connaît une croissance exponentielle. « Nous sommes sur un marché extrêmement porteur, nous recrutons actuellement entre cinq à dix personnes par an venues de toute la France. Côté chiffre d’affaires, nous avions prévu pour 2023, 2,3 millions d’euros ; nous avons fait trois millions d’euros, contre 1,4 million d’euros l’année précédente. Nous avons un an d’avance sur notre business plan et cette année, à fin mars, nous avons déjà atteint le chiffre de 2023 ».