À l’automne dernier, une page s’est tournée rue Étienne-Dolet. Après douze années sous la présidence d’Alain Pérez, frappé par la limite d’âge, les 36 membres de la chambre consulaire icaunaise ont unanimement porté leur voix sur le dirigeant d’Algan Sirec. Une élection sans surprise puisque Thierry Cadeville, adoubé par son prédécesseur, était l’unique candidat d’une liste de consensus rassemblant le Medef, la CPME et les indépendants.
Après avoir gravi tous les échelons de l’institution, celui qui était jusqu’alors vice-président en charge des services, faisait figure de successeur naturel tant nombreux sont ceux qui, chez les entrepreneurs, louent son sérieux et son implication. « Depuis la première mandature, j’ai toujours adhéré au projet d’Alain Pérez et à sa manière de répondre à la baisse des subsides de l’État. Il a immédiatement réagi comme un chef d’entreprise en mettant en place une nouvelle stratégie pour anticiper la diminution des ressources et conserver la qualité de nos services », précise-t-il.
Avec un budget annuel de six millions d’euros dont 1,6 million d’euros, seulement, de dotations nationales, le contrat de mandature présenté par Thierry Cadeville pour les six prochaines années se veut, certes, prudent sans pour autant être dépourvu de projets structurants. Bien au contraire. « Nous n’avons pas d’ambitions démesurées. Nous allons développer la facturation de conseils et d’expertises auprès des collectivités territoriales pour compenser ce que l’État ne nous donne plus ! » Car les dossiers sur le bureau présidentiel ne manquent pas.
À commencer par celui de la modernisation de la pépinière d’entreprises de l’Auxerrois - l’une des six structures d’accueil que gère la « chambre » dans le département de l’Yonne - dont le chiffrage global s’élève à quelque 10 millions d’euros étalés sur plus d’une décennie.
« Nous sommes en cours de sélection du jury d’architecte pour la première phase. Nous allons donner les premiers coups de pioche à la fin de cette année. À terme, la pépinière accueillera nos services de formation. Cette réhabilitation s’inscrit dans le cadre de la mutation des charges économiques puisque dans le même temps, nous mettons en vente notre hôtel consulaire. » Ainsi, les services administratifs devraient bientôt intégrer un bâtiment du groupe Action Logement, boulevard Vauban, plus fonctionnel et plus sobre en frais de fonctionnement.
Observer la santé des entreprises du territoire
Homme de dossiers, Thierry Cadeville n’en est pas moins un observateur avisé et attentif de l’actualité économique, tant au niveau local, que national et international. La liquidation judiciaire de l’équipementier Figeac Aéro, la fermeture programmée de Benteler Automotive à Migennes ou les difficultés structurelles des acteurs du tourisme et du commerce traditionnel sont autant de sujets sur lesquels le sexagénaire se tient en alerte, tout comme les difficultés récurrentes de recrutement dans les filières industrielles. « Nous allons participer avec nos partenaires institutionnels à des programmes de reclassement en lien avec les entreprises défaillantes », souligne-t-il, à titre d’exemple. Quant à l’invasion de l’Ukraine par son voisin russe, dès les premiers jours, il a souhaité prendre la mesure de l’impact économique sur les entreprises exportatrices du territoire.
« Les marchés ukrainiens et russes représentent moins de 0,5 % du chiffre d’affaires de l’Yonne. Nous allons néanmoins rester vigilants sur l’impact de cette crise chez certains viticulteurs chablisiens et chez certains industriels. Les difficultés d’approvisionnement en matières premières restent une préoccupation majeure. » Et lorsque l’éventualité d’une fusion avec une autre chambre consulaire vient à être abordée, Thierry Cadeville y répond avec pragmatisme. « Il faut qu’il existe une cohérence et une attirance naturelle. Je dois rencontrer prochainement mon homologue de la Nièvre. Nous allons certainement aborder le sujet mais la question n’est pas véritablement posée. »
Un cheminement progressif
Diplômé de l’École supérieure de commerce (ESC) de Strasbourg, le dirigeant d’Algan-Sirec - société spécialisée dans le négoce, la location et la maintenance des chariots élévateurs implantée à Charbuy, à Champigny-sur-Yonne et à Pannes, près de Montargis (Loiret) - a arpenté le chemin de l’entrepreneuriat, pas après pas, à l’instar de son parcours consulaire. Au gré de ses différentes expériences professionnelles, il a suivi toutes les étapes de la fonction commerciale, puis de la direction marketing, et enfin de la direction d’entreprises. Après avoir occupé diverses fonctions chez Cegid, Strafor ou encore Guilbert, il devient en 1997, directeur commercial de l’usine Rossman à Lavancelle (Bas-Rhin).
Cinq ans plus tard, le groupe l’envoie à Bonnard avec pour mission de redresser l’une de ses filiales - Ondul’Yonne, devenue plus tard Valscius Bourgogne -, une unité de fabrication de papier destinée à l’emballage, à bout de souffle. Le jeune directeur obtient rapidement des résultats et se voit confier la destinée de deux autres sites, à Meaux (Seine-et-Marne) en 2004, puis à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) en 2006. « Sur le plan professionnel, c’était intense et enrichissant, mais je n’étais plus que deux jours dans l’Yonne, et ce n’était pas satisfaisant au niveau familial », se souvient Thierry Cadeville. « Les années passant, je ne me voyais pas terminer ma carrière sans n’avoir jamais tenté l’aventure entrepreneuriale. »
C’est en 2008 qu’il a l’opportunité de reprendre une petite entreprise de cinq collaborateurs, la Sirec (Société icaunaise de réparation et d’entretien de chariots), qui affichait un chiffre d’affaires annuel de 450.000 euros. « En étudiant le dossier, je me suis intéressé à la notion de services, de fidélisation et de diversité du portefeuille clients. »
Quinze ans plus tard, après avoir repris les activités manutention de la Ciria en 2010 et opéré une fusion réussie avec l’entreprise sénonaise Algan en 2012, l’entreprise Algan-Sirec pèse 3,6 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte une vingtaine de collaborateurs. « Nous intervenons aussi bien auprès des professionnels de l’industrie, que de ceux de la distribution, de la viticulture ou des services publics. Comme la logistique, nous sommes dans un secteur barométrique de l’activité économique. » Une acuité qui devrait s’avérer très utile en ces temps troublés.