

Thierry Vuillaume est ce que l’on nomme un autodidacte. Il vient d’ailleurs d’être récompensé pour cela, le 26 mars, lors des Victoires des autodidactes et self-made entrepreneurs, organisées par la Place financière de Bourgogne Franche-Comté. Ce prix met en valeur le parcours atypique d’un homme qui aura tour à tour été à la tête d’un important groupe de magasins de location de vidéos et pionnier du multiloisir en France. Celui qui aura 63 ans cette année est ainsi entré sur le marché du travail à 16 ans. « Je n’étais pas vraiment fait pour l’école, je l’ai donc quittée après ma troisième, obtenant tout de même mon Brevet d’études du premier cycle (BEPC) », confie Thierry Vuillaume qui s’essaye à la vie active au travers d’un florilège de petits boulots d’intérimaire : laveur de carreaux, maçon, barman, vendeur dans un magasin de bricolage...
Pompier, vidéos et multiloisirs
Mais très vite, sous les conseils de ses parents, tous deux ouvriers las de tant de barguignage, le jeune homme choisit, à tout juste 18 ans de devancer l’appel sous les drapeaux. Il se retrouve dans une base à Strasbourg « à un poste assez tranquille » qui lui permet de réfléchir à son avenir. Tout petit, Thierry Vuillaume voue une véritable passion pour les pompiers, rien d’original me direz-vous. Certes... Mais le jeune Thierry ira plus loin que la simple admiration pour le casque rouge et la grande échelle : « Je suis rentré chez les Petits pompiers à neuf ans et, à 16 ans, j’étais pompier volontaire. C’est quelque chose qui m’a cadré, canalisé même... Je me suis donc dit que ça me plairait bien de devenir pompier professionnel ». Ainsi, au sortir de l’armée, il passe le concours à Besançon : « Nous étions des centaines et il n’en prenait que cinq : j’ai été du lot ! ». Dans les atours de soldat du feu, Thierry Vuillaume va vivre plus d’une vie, multipliant les expériences et les formations : « J’ai été plongeur, spéléologue, moniteur de secourisme... Tout ce que je n’ai pas pu faire à l’école, je l’ai fait chez les pompiers. » Mais bientôt, il comprend que, faute d’un certain niveau scolaire, il ne pourra pas évoluer au sein de ce corps : « Au mieux, je pouvais espérer passer adjudant-chef après 35 ans de carrière... ». Une situation qui ne le satisfait pas et qu’il entend bien contrarier. En 1986, il ouvre ainsi son premier vidéoclub à Pontarlier. Le succès est au rendez-vous, au point qu’il quitte les pompiers deux ans plus tard et ouvre un second établissement à Besançon. S’ensuivent des implantations à Belfort, Dijon, Bourg-en-Bresse et : « J’en ai ouvert une dizaine autour de moi ». Les choses vont ensuite s’accélérer pour notre jeune entrepreneur, qui fait la rencontre en 1994 de deux Parisiens avec qui il s’associe, entrant ainsi dans le groupe Video Futur. Au début des années 2000, le trio sera numéro un en France sur ce marché qui tire parti de la popularisation des magnétoscopes dans les foyers, avec quelque 650 magasins et 1 Mds € de chiffre d’affaires annuel. Face à la montée en puissance du streaming, l’aventure finira par tourner court. Thierry Vuillaume saura toutefois anticiper ce déclin et revendra ses parts et l’ensemble de ses enseignes en 2008. « En vendant au bon moment, j’ai dégagé un bon pécule. Pendant un an, j’ai réfléchi à ce que je pouvais faire de cet argent et puis, à force de rencontres et de discussions autour de moi, petit à petit, l’idée d’un complexe multiloisirs associé à de la restauration, capable d’accueillir petits et grands, a vu le jour ». Le premier centre du genre en France sort ainsi de terre au 1055 de la rue de la Lieme à Perrigny, près de Lons-le-Saunier. Il prend le nom de « 10 55 » et réunit, sur 6.000 m2, pistes de bowling, laser game, trampolines, escape game, parcours gonflable, mini-golf, jeux de réalité virtuelle... couplé à une authentique brasserie, avec une restauration de qualité réalisée par un vrai chef cuisinier.
« J’aime cette idée d’être un peu comme des forains sédentaires. »
En 2015, les deux fils de Thierry rejoignent le groupe Urban Loisirs fondé par leur père : c’est le début de l’expansion du concept. Un deuxième 10 55 arrive à Bourg-en-Bresse, puis ce sera, en 2022, le tour de Chalon-sur-Saône, de Besançon et d’Oyonnax. En 2024, le 10 55 s’invite à Pontarlier et à Belfort pour la première fois sous licence de marque. Trois autres sites d’implantation sont déjà signés à Épinal (88), à Béthune (62) et à Archamps (74), près de Genève. « D’ici à la fin de l’année, on devrait avoir une dizaine de centres en exploitation propre et en licence de marque. Nous avons également amorcé le lancement de nouveaux jeux sur les centres existants avec, en particulier, un circuit de karting électrique à Chalon-sur-Saône. Le secteur est très concurrentiel, avec des fonds d’investissements qui trustent le marché, ce qui nous pousse à innover sans cesse, avoue Thierry Vuillaume. Le 10 55 nous sert notamment à tester les nouveaux jeux, on a déjà fait de la patinoire, du mini-golf, de l’escalade... À Besançon, pour contrer la concurrence, nous avons proposé pour la première fois 20.000 m2 de jeux en extérieur. Nous avons également créé notre propre brasserie avec des bières artisanales qui portent le nom de mes petits-enfants. On produit 1.600 hectolitres de bière que l’on distribue dans tous nos centres, auxquels s’ajoutent les 70.000 couverts par an que l’on réalise sur chaque site « . Le petit groupe familial qui ambitionne de devenir le leader français des centres de loisirs prévoit de poursuivre son déploiement dans l’est de la France (Dole, Montbéliard...) et sur le centre (Moulin, Auxerre, Nervers...). « On imagine également la construction, dans une grande ville qui reste à déterminer, d’un méga centre de plus de 10.000 m2 avec une vingtaine d’activités en intérieur et en extérieur, ainsi que plusieurs restaurants à thèmes. L’idée, c’est de créer un vrai lieu de vie, où les gens viennent en famille et restent toute la journée : j’ai déjà fait les plans, j’ai tout dans la tête », ajoute Thierry Vuillaume. Des projets qui ne sauraient se passer de fonds, et même si l’activité loisir semble sourire à la famille Vuillaume - « À Besançon, nous étions partis sur un prévisionnel de 4 M€ de chiffre d’affaires et nous avons fait 4,5 M€, soit 12 % au-dessus » - l’ouverture d’un nouveau centre représente un investissement compris entre 8 et 10 M€, dont 5 M€ pour le seul foncier. « Nous avons déjà réalisé deux levées de fonds, une première en 2020 et une seconde en 2023, avec toujours la volonté de rester majoritaires. Nous avons ainsi fait appel à Bpifrance et à Carvest au travers des fonds CAFCI et Calixte Investissement ».