Politique

Roselyne Bachelot : « La culture représente 70 milliards d’euros et 700.000 emplois »

Politique. En marge de la cérémonie des vœux de la Maison de l’entreprise où elle était l’invitée d’honneur, l’ancienne ministre de la Culture du Gouvernement Castex est revenue, notamment, sur les enjeux du secteur culturel et son rôle primordial dans l’économie française.

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Photo de Roselyne Bachelot
Avant de rejoindre une salle comble, Roselyne Bachelot a accordé une interview exclusive au Journal du palais et à la Télé de l’Yonne. (Crédits : Stéphane Bourdier)

Journal du palais. Quel est le message que vous souhaitez faire passer aux entrepreneurs ?

Roselyne Bachelot. Je veux parler de l’importance de la culture, du ministère de la Culture et des enjeux du secteur culturel dans le monde du XXIe siècle. Il y a des personnes qui consomment de la culture naturellement, qui vont au théâtre, assistent à des concerts et se rendent dans les festivals, et celles qui estiment que c’est seulement un loisir, qu’on peut facilement s’en passer. La culture est essentielle et ses liens avec l’économie sont intenses. Je veux rappeler que le secteur représente 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 700.000 emplois.

Plus que l’automobile ou l’aéronautique. Je l’avais dit à un député de la France insoumise qui refusait de voter des textes sur la protection de la propriété intellectuelle : « Vous vous battez pour défendre des emplois dans le secteur industriel, vous avez bien raison et je partage votre démarche, mais vous estimez à tort que la culture est superfétatoire et que nous pourrions en avoir un libre accès non rémunéré… » Quand vous demandez à des étrangers pourquoi ils sont venus s’installer en France, ils répondent en général : l’attractivité, les infrastructures, l’Éducation, les bassins de compétences mais ils placent très souvent en premier la culture et le patrimoine.

Quelles sont les interpénétrations qui peuvent exister entre le secteur culturel et le monde de l’entreprise ?

RB. Les secteurs où se déploie de la culture ont des ramifications dans l’ensemble de l’activité économique, et en premier lieu le patrimoine. Il faut savoir que pour mettre aux seules normes du réchauffement climatique l’intégralité des bâtiments publics - patrimoniaux et non patrimoniaux - cela va nécessiter 500 milliards d’euros d’investissement. On mesure les perspectives de développement économique pour les entreprises des travaux publics, du bâtiment et d’ingénierie. Le second chapitre concerne celui des industries culturelles et des médias qui sont traversés par l’intelligence artificielle et la digitalisation des contenus. Cela génère de l’emploi et du progrès technique qui irrigue l’ensemble du tissu économique.

J’ajouterai, par ailleurs, d’autres éléments comme le marché de l’Art. Il y a pour les entreprises des possibilités de participer à la vie citoyenne par du mécénat et d’entraîner les salariés dans des actions qui les valorisent et leur donnent un sentiment d’appartenance. Nous pensons naturellement au chantier de Notre-Dame de Paris mais il existe bien d’autres chantiers patrimoniaux qui associent les entreprises et leurs salariés à une dimension qui, parfois, les dépassent… La culture est un élément de paix, de progrès social et de solidarité.

Vous êtes l’élue d’un territoire à caractère rural, le Pays angevin. Que vous inspire l’inquiétude des agriculteurs qui fait naître un mouvement de contestation ?

RB. La France est et doit rester une grande puissance agricole. Elle est la première de l’Union européenne. Comme le secteur industriel et celui des services, l’agriculture connaît des mutations profondes évidentes. Des mesures doivent être prises par le gouvernement et les Français ont pris conscience de la nécessité absolue de ce mouvement. Ils ont découvert les normes absolument incroyables qui s’imposent aux agriculteurs et s’empilent inexorablement. Dans la législation sur les haies, il n’existe pas moins de 14 instructions sur leur entretien !

Des exemples de ce type, il y en a pléthore qui illustre l’empilement de législation très technique et parfois des injonctions contradictoires. Dans certains domaines, on demande aux agriculteurs des installations très coûteuses que, même s’ils bénéficient d’aides, ils ne peuvent financer… Il faut assainir tout ça et que la France arrête d’être le bon élève qui rajoute des normes aux normes. Si l’Europe a fait de la France une puissance agricole et agroalimentaire, il faut aussi se poser la question d’un modèle économique des aides aux agriculteurs basé sur la seule taille de l’exploitation et imaginer un modèle plus social.