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Rentrée Culturelle : « À quoi sert la culture, si elle ne nous bouscule pas ? »

Culture. Alors que plusieurs régions françaises réduisent leurs crédits consacrés à la culture, la Bourgogne-Franche-Comté affiche une position radicalement différente. Pour Bertrand Veau, la culture demeure un pilier incontournable de la cohésion sociale, de l’émancipation et du développement économique.

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Le Journal du Palais. Plusieurs régions ont emboîté le pas à Pays-de-la-Loire pour baisser leurs crédits à la culture. Quelle est la position de la majorité de la région BFC sur ce point ?

Photo de Bertrand Veau
Bertrand Veau, est vice-président régional à la culture et au patrimoine.

Bertrand Veau. En matière de culture, la position de la Région Bourgogne-Franche-Comté est à l’exact opposé ! Nous pensons en effet que la culture est un élément majeur de la qualité de vie des habitants, un moteur pour le tourisme et pour le développement économique, et un facteur essentiel d’émancipation personnelle et de cohésion sociale. Avant les annonces des Pays-de-la-Loire, nous avions déjà annoncé que la culture ne serait jamais une variable d’ajustement budgétaire en Bourgogne Franche-Comté. À quoi serviraient toutes nos autres politiques publiques, si nous ne devions plus soutenir la culture et le sport ? C’est la question que tous les responsables politiques devraient se poser avant de valider un budget.

Au-delà des crédits ou de leur fléchage (voir ce qui se passe en région Aura par exemple), assiste-t-on à une tentative de reprise en main par le politique du monde culturel, une vision « Trumpiste » de la culture qui doit évacuer toute interrogation sociale, sociétale, ou ne pas convoquer des esthétiques jugées incompatibles avec une culture fantasmée ?

Une partie extrême de la droite républicaine, ainsi que l’extrême droite [1], est clairement tentée de mettre à leurs ordres le monde culturel. Ils envisagent la culture d’abord comme un moyen de propagande, un outil pour faire valoir leurs idées. Pour eux, la culture doit être contrôlée, docile, passéiste et collaborative. Elle ne doit ni faire réfléchir ni provoquer le débat. Ainsi, le soutien à certains secteurs culturels est pour eux inimaginable, comme pour l’art contemporain. Et certaines esthétiques les dérangent spécifiquement : le cinéma dès lors qu’il est jugé subversif, mais aussi le spectacle vivant et même parfois la lecture. Selon cette vision, il faudrait accompagner le patrimoine, favoriser la musique classique ou traditionnelle, et jouer seulement les auteurs classiques. Une culture « décorative » ou une culture « dévitalisée ». Mais à quoi sert la culture, si elle ne nous bouscule pas, si elle ne nous aide pas à comprendre le monde d’aujourd’hui ?

La culture est-elle encore, alors que nous sommes à la veille d’une longue période de diverses élections, un marqueur et un espace de combat politique ?

Bien sûr ! Et plus que jamais. Alors qu’elle est ignorée de la plupart des enjeux électoraux, elle constitue pourtant, selon moi, un marqueur net et fort des différents courants politiques. La gauche et le centre, avec une partie de la droite républicaine modérée, la voient toujours comme une valeur essentielle de notre démocratie. Un élément clé de la cohésion sociale, du droit à l’émancipation, de développement économique, d’attractivité territoriale, et du fameux « vivre ensemble », aujourd’hui renié par l’extrême droite qui n’en comprend pas même le sens. Une autre partie de la droite, la plus libérale, pense, comme avant les années 1980, que la culture doit répondre à un modèle économique rentable. Ils aiment la financiarisation de la culture, nient l’exception culturelle française, et pensent que l’argent public est mal investi quand il est dépensé en faveur de la culture. Enfin l’extrême droite rêve d’une culture au service de leurs messages : tournée vers le passé, sous contrôle, aux ordres, nationale et identitaire. Ils n’arrivent pas à imaginer que le monde de la culture entrera en résistance s’il le faut, mais que jamais il ne se livrera complètement à eux.

[1Nous avons tenté de joindre, à plusieurs reprises et en vain, le groupe RN BFC afin d’obtenir son point de vue.