Il n’est pourtant pas né de la dernière pluie, Michel Barnier. Élu depuis 1978, cheville ouvrière des JO d’Albertville en 1992 avec Jean-Claude Killy (Jean-Claude Killy ! Médaillé d’or en... 1968 !), blanchi sous le harnais, il devait bien s’en douter, non, que la formation de ce gouvernement allait être son chemin de croix ? Certes, il savait. Mais savoir et éprouver, ce n’est pas la même histoire et moi j’imagine le Premier ministre (d’ailleurs pour qu’il y ait un Premier, il faut qu’il y ait au moins un second et là le misérable est tout seul, les autres ont tous l’étiquette « démissionnaire » collée en travers de leurs cartes de visite, on a fait faire les stickers en urgence), je l’imagine disais-je, en train d’enfiler ses chaussettes le matin en disant à Isabelle (madame Barnier se prénomme Isabelle) que s’il avait su, il serait pas viendu. Et pourtant, il en déploie des efforts...
À l’heure où j’écris ses lignes, il s’est déjà pointé à l’Élysée avec une première liste des prétendants sur lesquels Emmanuel Macron a jeté un brutal veto, avant d’en peaufiner une deuxième qui, semble-t-il, a davantage l’heur de plaire à notre président. On y retrouve peu ou prou des macronistes, avec des gros morceaux de LR à l’intérieur comme Bruno Retailleau, qui viendra prendre la place de Gérald Darmanin à l’Intérieur, tout excité à l’idée de jeter l’immigration à l’extérieur. Aucune personnalité de gauche évidemment, à se demander pourquoi on a organisé une dissolution et des législatives anticipées. Les communistes ont d’aileurs déjà annoncé que, le discours de politique générale de Michel Barnier à peine prononcé, ils déposeront une motion de censure et on se doute qu’ils ne seront pas les seuls...
À l’automne, les noms d’oiseaux vont voler bas dans l’hémicycle et le « perchoir » de l’Assemblée nationale, d’où Yaël Braun-Pivet s’efforcera de calmer tout ce beau monde, n’aura jamais si bien porté son nom. Enfin, cerise sur le gâteau, et pendant que la Haute Autorité sur la Transparence de la Vie Publique (c’est tellement beau que la majuscule me vient) vérifie le pedigree des prétendants, Michel Barnier a dû apprécier en connaisseur la peau de banane que lui a gentiment glissée Gabriel Attal sous la semelle juste avant de quitter Matignon : la reconduction de l’agrément d’Anticor avec le gouvernement français. L’association de lutte contre la corruption pourra ainsi, pendant trois ans, fouiner à loisir dans les tripatouillages des élus pas nets. Le seul hic c’est que trois ans, c’est vraiment très optimiste comme espérance de vie, de nos jours, pour un ministre...