Humeur

Avortement : un droit... et des moyens !

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Emmanuelle de Jesus.

Jeudi 24 novembre, les députés se sont prononcés en faveur de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, en adoptant en première lecture (par 337 voix contre 32) une proposition de loi de La France insoumise soutenue par la majorité ; le texte doit désormais être examiné par le Sénat. Quelque 47 ans après le vote historique de la loi dite « Veil » du 17 janvier 1975 encadrant la dépénalisation de l’avortement en France - après 25 heures de débats houleux émaillé d’attaques parfois odieuses contre la rapporteuse du texte, Simone Veil - était-ce nécessaire d’inscrire le droit à l’IVG parmi les droits inaliénables édictés par notre Constitution ? Pour ses opposants, ce débat était inutile, car estiment-ils, le droit à l’avortement n’est pas menacé en France. Oui, il était nécessaire dans un contexte de régression contre-attaquent ses partisans, alors qu’aux États-Unis, l’arrêt historique Roe vs Wade de 1973 rendu par la Cour suprême (impliquant le droit pour les femmes à poursuivre ou non leur grossesse au nom du droit à la vie privée protégé par le 14e amendement) a été infirmé par la Cour Suprême américaine fin juin 2022.

Au-delà de ce débat et de la sacralisation du droit, encadré par la loi à l’IVG qui en fixe les limites (délai, clause de conscience des médecins qui peuvent refuser de pratiquer cet acte au nom de leurs convictions personnelles, professionnelles ou éthiques), c’est aussi et surtout la question des moyens qu’il faut poser. En 2020, un rapport parlementaire pointait déjà les difficultés d’accès des femmes à l’IVG : 2.000 d’entre elles allaient à l’étranger pour réaliser une IVG après douze semaines, faute d’avoir pu effectuer un avortement dans ce délai légal. Depuis ce rapport, ce délai est passé à 14 semaines (décret de mars 2022) mais les inégalités territoriales, la dévalorisation de l’acte, les campagnes de prévention insuffisantes notamment auprès des jeunes pèsent encore sur l’accès à l’IVG. Sacraliser le droit à l’avortement, au-delà de son inscription dans la Constitution, c’est aussi et d’abord, permettre aux femmes d’exercer pleinement ce droit dans les limites de la loi... et non dans la limite des moyens alloués à ce droit.