Enfin ! Après un suspense que l’on qualifiera (au choix de ses opinions politiques et de l’intérêt porté à la chose, d’insoutenable, de grotesque, de longuet, de décevant...), c’est donc François Bayrou qui succède à Michel Barnier à Matignon. Apparemment, cela n’a pas été de soi : Emmanuel Macron aurait appelé F. Bayrou aux petites heures du vendredi 13 (bigre) pour lui exprimer ses regrets dans le style « malgré l’intérêt de votre candidature, ce n’est pas vous qui décrochez le pompon du manège désenchanté ». Colère du Béarnais « Jarnicoton ! », aurait-il hurlé, tel son idole Henri IV, le téléphone à peine raccroché, entrevue à l’Élysée, menace de quitter le club des derniers Macronistes et voilà comment on devient locataire de l’enfer de la rue de Varennes.
Candidat (par trois fois) malheureux à l’élection présidentielle depuis 2002, François Bayrou a été ministre (si si) de l’Éducation nationale dans le gouvernement Balladur entre 1993 et 1997, et très éphémère ministre de la Justice en 2017 : 35 jours plus tard, il est forcé à la démission car soupçonné d’avoir été le « décideur principal » d’un « système frauduleux » ayant consisté, entre 2005 et 2017, à utiliser des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires qui travaillaient, en réalité, pour son parti (un truc courant à Bruxelles on dirait bien). Montant du préjudice : 350 000 €. Précisons que dans cette affaire, François Bayrou a été relaxé mais... que le Parquet a fait appel de la décision. C’est ce qu’on appelle, selon le degré de culture et le raffinement de son langage, une épée de Damoclès, un caillou dans la chaussure, ou une crotte au cul.
Que nous apprend ce CV qui manque singulièrement de panache pour un admirateur du bon Roy Henri ? Que Bayrou, c’est pas le Guiness des records. 1) Un ministre a largement fait mieux dans le genre comète, c’est Thomas Thevenoud, l’homme de la phobie administrative, (une formule qu’il a déposée à l’INPI, y’a pas de petit profit), secrétaire d’État pendant... 9 jours. 2) Un parti a largement éclaté le record de la fraude aux fonds européens, c’est le RN avec un préjudice évalué à plus de 6 M€. Bayrou, petit joueur. Ah si : en 2002, candidat à la présidentielle, il avait flanqué une gifle à un gosse de 11 ans qu’il accusait de lui faire les poches. Tu parles d’un exploit.
Alors si ce n’est pas le CV, c’est quoi qui a convaincu Emmanuel Macron de choisir un Centriste et particulièrement celui-là ? Une promesse des Socialistes de ne pas recourir au 49.3 en échange d’un pacte de non-censure ? (Pour LFI c’est plié, Mathilde Panot était très en colère, faut pas la chercher Mathilde). Une autre faite à Laurent Wauquiez de garder Retailleau à l’Intérieur ? Les commentateurs politiques se grattent la tête, les think tanks s’enflamment, Pascal Praud analyse (dans la mesure où ce modèle de pondération et de profondeur analyse) : « François Bayrou incarne un modèle qui a sa chance en politique, l’échec dans la continuité » mais pour ma part, je crois qu’il s’agit simplement d’alphabet. Si « Bayrou » a été choisi, c’est qu’il venait juste après « Barnier » dans la liste des contacts d’Emmanuel Macron. Encore après, il y a Borne et Castex, ça ne compte plus. Je crois qu’à la lettre C, Bernard « Cazeneuve » se tient près pour la prochaine motion de censure. La politique, des fois, ça ne tient pas à grand chose...