
Jeudi 28 août, au journal de 20 heures de TF1, le Premier ministre offrait un bien pathétique baroud d’honneur aux Français. Pour éviter la sanction le 8 septembre lors de son discours de politique générale, à l’issue duquel il entend engager la responsabilité de son gouvernement, François Bayrou s’est dit ouvert à « toutes les négociations nécessaires » sur le budget 2026 à condition « qu’on s’entende sur l’importance de l’effort ».
Car le nœud du problème, selon lui, serait qu’il soit finalement le seul à prendre la pleine mesure de la catastrophe à venir. Triste Cassandre, où sœur Anne en son donjon, il s’époumonerait même à crier dans le désert, ne voyant poindre au loin aucune réponse des oppositions. Des oppositions qu’il n’aurait d’ailleurs pas pris la peine de contacter cet été « car [elles] étaient en vacances ». Ce à quoi Marine Le Pen s’est empressée de répondre, accusant le Premier ministre de mensonges : « Tout le monde peut vérifier que je vous ai bien écrit une lettre précise et détaillée sur vos propositions budgétaires, lettre restée sans réponse. »
À dire vrai, l’objet de ce billet n’est pas de savoir qui de l’amnésique de Bétharram ou de la reconnue coupable de détournement de fonds publics, pratique le mieux la perfidie, mais de s’intéresser à l’aveuglement, feint ou réel, de François Bayrou quant aux raisons qui pourraient le faire chuter. Cars contrairement à ce qu’il dit, la gravité du poids de la dette et la nécessité de redresser la barre font consensus chez une grande majorité de Français et de politiques. Ce qui irrite au plus haut point les citoyens, c’est, d’une part, d’avoir le sentiment d’être punis pour une bêtise qu’ils n’ont pas commise. La crise actuelle étant pour l’essentiel le fait d’erreurs dans les prévisions des recettes faites par Bercy – estimées à entre 40 et 60 Mds €, et faisant actuellement l’objet d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée de faire la lumière sur les causes de ces dérapages – ainsi que le fruit d’une gestion au gré du vent et du pari fou de la dissolution, aux allures de fuite en avant, orchestrée par Emmanuel Macron.
Dès lors, comment ne pas trouver à minima ironique la parabole du « bateau, qui aurait une voie d’eau, un trou dans la coque », lâchée au 20 heures par le Béarnais évoquant des passagers qui disent : « T’en fais pas Simone, le bateau flotte encore », alors même que, comme le rappelle Marine Tondelier (EELV) : « le capitaine et l’équipage sont macronistes depuis 8 ans ». L’autre point de crispation vient des sentiments d’iniquité et d’inégalité qui émanent des propositions de redressement prévues par le Premier ministre. Alors que ce dernier affirme haut et fort que chaque individu se doit de prendre sa part, dans les faits les recettes envisagées pour s’en sortir semblent éculées et toujours porter sur les mêmes classes sociales. J’en veux pour preuve, le rejet de la taxe « Zucman », un impôt plancher sur les patrimoines de plus de 100 M€. Il en va de même de l’amendement du Sénat au projet de loi de finances, qui proposait de mettre fin aux avantages dont bénéficient les anciens chefs d’État et anciens chefs du gouvernement, estimés à 2,8 M€.
Selon le Canard Enchaîné du 29 janvier, François Bayrou se serait opposé en personne à cette modification. Ainsi, ce n’est pas la réalité de la dette qui mènera peut être les Français dans la rue le 10 septembre, mais bien la désinvolture dont font preuve le gouvernement et le chef de l’État quant à leur responsabilité en la matière. S’ils avaient le courage d’assumer et de prendre réellement leur juste part à l’effort commun, il est certain que les Français auraient plus de cœur à les suivre. Et pour le coût, il y aurait bien là quelque honneur à prendre.