Humeur

C’est du propre !

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Frédéric Chevalier (Crédit : DR)

Il est une question de philosophie des sciences qui occupe l’homme depuis bien des lustres : celle de la définition du propre de l’homme. Depuis que les scientifiques ont avancé moultes preuves permettant de conclure sans l’ombre d’un doute que l’homme était lui aussi un animal, ce dernier n’a de cesse de chercher à s’en distinguer, à déterminer ce qui fait son essence unique. Les religions furent les premières à monter au créneau à grand renfort d’âmes immortelles, mais quand on sait que ce si précieux appendice divin n’a pas été octroyé avec la même célérité aux Africains et aux Amérindiens aux grandes heures du commerce triangulaire, on est en droit de porter peu de crédit à cette candidature.

Ensuite, le propre de l’homme trouva assez logiquement son héraut dans le concept de l’intelligence, avant que l’on ne soit contraint de reconnaître que nombreux sont finalement les animaux qui savent que 2+2 font 4. On invoqua alors le rire, le plaisir, le goût du beau, les rites funéraires et même l’homosexualité… Mais tous furent un à un recalés à mesure des avancées de la recherche sur le comportement animal. Le propre de l’homme semble ainsi inaccessible.

Et pourtant l’actualité nous donne en la matière un champion pour le moins irréfutable, à se pencher sur les conditions de la mort en direct du streameur Jean Pormanove - de son vrai nom Raphaël Graven - humilié et violenté pendant des mois lors de lives sur la plateforme de diffusion Kick. Si les faits rappellent un certain épisode glaçant de la série britannique de dystopie technologique Black Mirror, ils mettent en évidence une caractéristique bien humaine, celle de sa prédisposition à la cruauté gangrénée de bêtise crasse. Dans le règne animal, la violence existe mais elle répond à une stricte nécessité biologique : manger, se défendre… À ma connaissance, aucune cruauté gratuite, aucun sadisme, aucun voyeurisme jubilatoire, aucun bizutage, aucune humiliation de sa proie avant de passer à table…

Seul l’homme se pose en maître de cette discipline. Et ce n’est pas ses poudres de perlimpinpin, dont il a doté sa quête utopique de valeurs humanitaires, que sont les droits de l’homme, les lois de protection des enfants, des handicapés, des LGBT Q+ et autres organisations internationales garantes de la paix dans le monde… qui pourront le blanchir. Elles demeurent impuissantes à changer ce fait : le propre de l’homme est une vraie saleté !