Humeur

Duplomb et des plumes

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Frédéric Chevalier (Crédit : DR)

Publiée au Journal officiel le mardi 12 août, la loi Duplomb visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur a été promulguée par le Président de la République, Emmanuel Macron, après que le Conseil constitutionnel a censuré jeudi la disposition la plus contestée, qui prévoyait la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2018 en France mais autorisé ailleurs en Europe, jugeant que, faute d’encadrement suffisant, cette mesure était contraire au cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l’environnement.

Parmi les 2,1 millions de signatures d’une pétition en ligne réclamant son abrogation, nombreux sont ceux qui, à grand renfort de jeux de mots, se félicitent du torpillage en règle de la loi Duplomb, opéré par le truchement d’une démocratie participative toute puissante. Cependant, passée cette trompeuse extase de la victoire du pot de terre contre le pot de fer, ils risquent de se réveiller demain avec la gueule de bois. En ne portant son attention que sur l’acétamipride, le Conseil constitutionnel, au lieu de plomber la loi Duplomb, lui a, à dire vrai, donné des ailes. Si le gain environnemental semble acquis, avec toutefois le bémol du feu vert donné aux méga-bassines et aux fermes-usines, c’est le processus démocratique qui semble bien affaibli.

Les membres du conseil n’ont ainsi rien trouvé à redire à la réforme, prévue dans la version originelle de la loi Duplomb, de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui ébranle l’indépendance de cette institution, née en 2010, lorsque celle-ci est appelée à examiner la mise sur le marché et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire. De même, la méthode discutable employée pour le rapporteur de la loi Duplomb au cours de la navette législative n’en a fait sourciller aucun. Et pourtant, suite aux 3.500 amendements déposés en vue de l’examen du texte en séance publique, une majorité de députés ont fait le choix, le 26 mai, de voter une motion de rejet préalable afin d’accélérer la procédure législative.
De façon contre-intuitive, la procédure a été utilisée pour court-circuiter le débat législatif et permettre l’adoption du texte le 8 juillet. Le rôle principal du Parlement, à savoir sa fonction délibérante, a été tout bonnement spolié. Ainsi validée de fait par le Conseil constitutionnel, cette “roublardise” risque de faire jurisprudence. Une chose est sûre, dans l’affaire, la démocratie a d’ores et déjà perdu bien des plumes.